En Aveyron, grandeur et servitudes du maintien à domicile

  • Les aides au maintien à domicile concourent à rester le plus longtemps possible dans sa maison, une préoccupation forte des Aveyronnais.
    Les aides au maintien à domicile concourent à rester le plus longtemps possible dans sa maison, une préoccupation forte des Aveyronnais.
  • En Aveyron, grandeur et servitudes du maintien à domicile
    En Aveyron, grandeur et servitudes du maintien à domicile
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Centre Presse / Christophe Cathala

Pour l’écrasante majorité de nos aînés, quitter sa maison pour entrer dans un établissement d’accueil revient à rejoindre l’antichambre de la mort. L’effet psychologique d’une telle démarche peut même, parfois, précipiter les choses dans le mauvais sens. C’est un fait, le maintien à domicile demeure une religion en Aveyron comme dans beaucoup de départements ruraux.

Encore faut-il pouvoir se suffire à soi-même. Pour y parvenir, c’est une batterie de dispositifs d’accompagnement qui est mis en œuvre depuis plus de dix ans par les départements.

En Aveyron, le maintien à domicile est même une priorité dans la politique sociale menée par les élus, le dernier budget du conseil départemental vient le rappeler avec 23,25 M€ de crédits engagés pour financer l’APA à domicile et aider ses 5 800 bénéficiaires à faire face à leur perte d’autonomie.

Et le Département de revaloriser cette année de 1 % (soit 200 000 €) les tarifs des services d’aide à domicile concernant notamment le nombre d’heures hebdomadaires affectées à la personne selon son degré de dépendance. Notons à ce sujet que le Département a réuni sous sa coupe, avec un régime unique, les 23 associations aveyronnaises dont 70 % de l’activité relève de l’aide à domicile et qui salarient plus de 1 000 équivalents temps plein.

À ces revalorisations s’ajoutent des aides (temps de répit, risque d’absence pour hospitalisation...) pour les aidants, parents ou proches du bénéficiaire, qui ajoutent encore à la complexité des dispositifs déployés dont l’étendue des coûts reste difficile à préciser. On retiendra, de façon globale, que le conseil départemental a vu ses dépenses consacrées à la dépendance augmenter de 18,4 % au cours de ses huit dernières années. Dépenses qui ne devraient pas cesser de croître.

La Cour des comptes s’est d’ailleurs préoccupé des engagements financiers opérés en matière par les collectivités : « La priorité donnée au maintien des personnes âgées dépendantes à domicile ne peut donc être considérée systématiquement comme un levier d’économies pour les départements », préviennent les sages.

En Aveyron, l’APA versée aux établissements pour le compte de leurs résidants se monte à 19,9 M€ pour 5 300 bénéficiaires. Domicile ou établissement, la différence n’est donc pas énorme.

Et le choix de l’une ou l’autre des formules n’obéit pas vraiment à des raisons simplement économiques. Les facteurs psychologiques et culturels prédominent de toute évidence : entrer en établissement est un virage anxiogène difficile à négocier, surtout si l’on est en bonne santé. « Et de très nombreux retraités sont en forme aujourd’hui à 70 ans. Passé 75 ans en revanche on a de plus en plus besoin de tisser du lien social », relève Karine Venot, directrice de Soliha Aveyron (anciennement Pact Aveyron).

Et pour le lien social, hors problème de dépendance, une étape existe dans le parcours des aînés : la résidence autonomie, anciennement appelée foyer-logement, intermédiaire entre le domicile et l’installation en Ehpad. Une chose est certaine, cette installation est de plus en plus tardive. Soliha a ainsi mené une enquête sur le secteur de Sévérac-le-Château : l’âge moyen auquel les aînés quittent leur domicile est de... 93 ans.

Du coup, les Ehpad ont surtout à gérer les problèmes liés au 4e âge et une dépendance de plus en plus marquée. « Les résidants ont trop peu de temps alors pour réaliser une vie sociale, prévient Léon Brégou, ancien directeur de maison de retraite, président de « Bien vieillir ensemble en Aveyron ».

Car le maintien à domicile a ses limites, notamment l’isolement géographique et humain, l’absence de sécurité. Une fois que l’infirmière et l’aide à domicile ont effectué leur tournée, la personne âgée se retrouve seule, surtout si elle est veuve. On peut alors parler clairement de maltraitance passive en regard de cette solitude, trop souvent subie ».

Pour autant, le souhait de rester à domicile est toujours aussi fort. « Cela se comprend, surtout à la campagne, où l’on ne quitte pas la maison qui, souvent, vous a vu naître, et où les familles culpabilisent beaucoup, poursuit Léon Brégou. Mais si elles perdent leur lieu de vie, les personnes âgées peuvent gagner une vie sociale et le choix d’être seules ou pas dans la journée, en établissement. N’oublions pas que les Ehpad ont fait, de plus, des progrès considérables en matière d’hygiène, de nourriture, de sécurité ».

Et Léon Brégou de plaider pour considérer l’évolution du vieillissement dans sa globalité : « On n’a pas compris que la vie est un parcours. Et qu’il faut accompagner chaque itinéraire de vie. Il faut revoir la manière de s’occuper des personnes âgées et bien accompagner leur parcours de vie ». Quitte à considérer que le maintien à domicile n’est pas forcément la panacée.

Se maintenir à domicile quand la perte d’autonomie progressive ne le permet pas toujours est parfois un casse-tête. Il faut savoir adapter son logement, installer un monte-escalier électrique, ou réaménager un rez-de-chaussée, remplacer la baignoire par une douche à l’italienne, élargir les portes pour laisser passer un fauteuil roulant, supprimer les placards trop haut placés... Autant de frais difficiles à assumer. Mais les aides de l’état (Agence nationale pour l’amélioration de l’habitat), les communautés de communes et la Région viennent couvrir une large part des aménagements entrepris.

Diagnostiquer, concevoir et réaliser ces travaux de nécessaire adaptation, être l’intermédiaire « facilitateur » entre propriétaires et subventionneurs est l’une des missions de Soliha (Solidarité Habitat), la nouvelle appellation du Pact Aveyron. « Nous avons les mêmes objectifs de services que ce soit pour la population ou pour les collectivités, assure Karine Venot, directrice de Soliha. Domicile, logements accompagnés développés par les collectivités pour maintenir les gens sur la commune, ou accueil familial comme à Saint-Hippolyte, géré par l’association Regain... Nous accompagnons toutes sortes de formules destinées à garantir le bien-être des occupants. Et pas seulement ceux qui sont en situation de précarité. » Ainsi, 79 logements ont été réalisés à Millau, 20 dossiers ont été concrétisés sur l’agglomération de Rodez « et nous avons vu 30 personnes depuis janvier à Argences-en-Aubrac qui sont prêtes à faire les aménagements nécessaires pour rester à domicile. C’est une volonté forte de la commune nouvelle ».

Karine Venot reconnaît, au fil des études réalisées par Soliha, que ce sont « dans les zones périurbaines, où l’anonymat peut être un handicap, que les gens sont les plus demandeurs de solutions collectives ». Soliha construit ou réhabilite ainsi de petits ensembles « gérés par des accompagnants, dont les loyers modérés sont couverts par la Caf. Il faut que les plus modestes aient le droit d’habiter au cœur de la cité. Et les personnes âgées sont prioritaires ». Le parc social privé de cette association regroupe ainsi 550 logements en Aveyron.

“On n’a pas compris que la vie est un parcours. Et qu’il faut accompagner chaque itinéraire de vie. Il faut revoir la manière de s’occuper des personnes âgées et bien accompagner leur parcours de vie. »

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