Madeleine Palayret, mémoire d’une fille de résistant

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Publié le
Philippe Henry

Madeleine Palayret, fille de l’ancien notaire ruthénois Jean Graulle se souvient de cette époque où, adolescente, son père organisait discrètement la résistance en Aveyron. En cette journée nationale de la Résistance, son témoignage revêt un caractère particulier.

C’est avec les yeux d’une jeune femme de 17 ans que Madeleine Palayret a vécu cette période sombre de l’histoire de France : la défaite militaire, l’occupation allemande, la Résistance, la libération et les exactions qui vont avec. Aujourd’hui, à 93 ans, ce n’est forcément plus le même regard qui se pose sur ces événements du passé mais les souvenirs sont là, intacts, de cette période « qui fut un bouleversement à tout point de vue ». Plus que quiconque, Madeleine Palayret fut un témoin privilégié de cette époque.

Son père, Jean Graulle, notaire de son état, a été l’un des acteurs majeurs de la Résistance en Aveyron. L’appel du général De Gaulle, lancé depuis Londres un 18 juin 1940, va précipiter son engagement. « Nous avons toujours été gaullistes dans la famille, raconte Madeleine Palayret. Et cet appel a changé les choses du jour au lendemain. »

La famille, originaire de l’Aude, s’installe à Rodez en 1933. Au cours d’un dîner, Madeleine Palayret se rappelle de la venue de Jean Moulin dans l’appartement familial. Celui qui était alors préfet de l’Aveyron - l’un des plus jeunes nommés à ce poste à 38 ans en janvier 1937 - lui avait fait l’amitié de venir partager sa table. « Je me souviens parfaitement de lui, sans me rappeler toutefois de la conversation que nous avions eu. Il avait un grand sourire, franc. Un visage clair. J’en garde un bon souvenir. » De par sa profession, son père devient incontournable dans la cité. Il réunit autour de lui des personnalités influentes de l’Aveyron et s’engage aussitôt en résistance.

"Mon père ne nous disait rien"

Dans L’Aveyron en guerre, 1939-1945, les deux auteurs Jean-Michel Cosson et Stéphane Monnet expliquent d’ailleurs : « La décision, clandestine, d’organiser la Résistance dans le département débute au mois de février 1941 quand une réunion s’organise chez le notaire Jean Graulle, en présence d’Alfred Merle, membre de la CCI de Millau (…) Pas d’action d’envergure au début mais des manifestations sporadiques et bien ciblées, aux buts plus psychologiques que militaires dont les moyens n’existent pas encore. L’essentiel est d’organiser, de se multiplier et d’échapper à la tentaculaire police de Vichy qui écoute, se glisse dans les courriers et les conversations téléphoniques, guette et observe sans être vue, dissèque votre vie pour y trouver le moindre indice de résistance. » Paul Merle, dit Alfred Merle, meurt torturé dans les geôles de la Gestapo à Rodez.

Madeleine Palayret se souvient de ces réunions qui avaient lieu dans l’appartement familial de la rue Séguret-Saincric. « Mais mon père, poursuit-elle, ne nous disait rien à propos de ces réunions. Et c’était d’ailleurs mieux pour notre sécurité. Je n’ai su que bien plus tard que ces rencontres ont servi à établir la Résistance en Aveyron. »

La famille Graulle courait de grands risques, au même titre que tous les autres résistants. D’ailleurs, un soir, celui qu’on surnomme le Grand Luc frappe à la porte de l’appartement. Le caporal Fienemann allait acquérir une sinistre renommée par ses méthodes brutales et expéditives. « Lorsque j’ai ouvert, j’ai vu deux hommes à notre porte, raconte Madeleine Palayret. Je n’oublierais jamais ce moment-là. Vêtus de sombre, chapeau sur la tête et capote sur les épaules, ils ont forcé l’entrée pour faire le tour de l’appartement. Ils cherchaient mon père mais je leur avais dit qu’il n’était pas là. Avant de s’en aller, l’un d’eux a lancé : « Nous reviendrons ! ». Les membres de la Gestapo ne sont jamais revenus.

Quelques jours plus tard, Rodez était libéré, le 18 août 1944. « Les rues étaient noires de monde, se remémore Madeleine Palayret. La place d’Armes, la rue Béteille. Tous les Ruthénois étaient dans la rue. Puis, des camions sont entrés dans la ville. À leur bord, les résistants du maquis Jean-Pierre, les FTP du bassin (photos ci-contre). Les gens les acclamaient. »

Prise dans la liesse, elle se hisse avec une amie sur le balcon d’un édifice où flotte la croix gammée. « Nous avons arraché ce drapeau sous les vivats de la foule, sourit-elle. C’était dans un moment de folie. Mais plus rien n’avait d’importance à ce moment-là. Hormis celui de fêter la libération de Rodez. »

Engagement secret

Celle qui était témoin privilégié de ce moment se rappelle également des exécutions, des femmes tondues, des vengeances commises par une population avide de revanche.

Les années ont passé. L’engagement de la famille Graulle a pris une autre direction. Madeleine Palayret a ainsi effectué trois mandats, d’abord aux affaires sociales puis à l’enseignement, dans l’équipe municipale des maires de l’époque Boscary-Monsservin et de Marc Censi. Elle a également été responsable des guides de France pour l’Aveyron durant des décennies.

Quant à l’engagement de son père, elle ne l’a su que tardivement. Quelques documents ont été retrouvés bien plus tard, notamment de fausses cartes d’identités. Mais « il a gardé secret jusqu’au bout son engagement dans la Résistance, sans fausse pudeur. Je dirai que cela a été un engagement naturel, en fonction de ses convictions ».

(Outre l’entretien des tombes d’anciens combattants, le Souvenir français assure également la transmission de la mémoire. Cet entretien a notamment été possible grâce au travail de Vincent Besombes et du comité)

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