Cinéma: avec un film sur l'ETA, Iciar Bollain "raconte ce que l'on ne raconte pas"

  • Réalisé par Iciar Bollain, le film "Les Repentis" sortira sur les écrans français le 9 novembre.
    Réalisé par Iciar Bollain, le film "Les Repentis" sortira sur les écrans français le 9 novembre. JOEL SAGET / AFP
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ETX Daily Up

(AFP) - "Les histoires les plus intéressantes sont celles que l'on ne raconte pas habituellement", plaide la réalisatrice espagnole Iciar Bollain, dont le film sur le rapprochement entre la veuve d'une victime de l'ETA et les assassins de son mari vient d'être projeté en avant-première française à Montpellier.

Auréolé d'un Goya, les Oscars du cinéma espagnol --celui de la meilleure actrice pour Blanca Portillo--, "Les Repentis" sortira sur les écrans français le 9 novembre après avoir été présenté lors de la 44e édition du festival du cinéma méditerranéen (Cinémed).

"Ma première source d'inspiration, c'est ce que les personnes racontent, les enjeux sociaux sur lesquels le cinéma n'a pas fait ce travail de témoignage", a confié à l'AFP l'actrice et réalisatrice de 55 ans, dont l'univers cinématographique teinté de réalisme est proche de celui du Britannique Ken Loach.

"Les Repentis" ("Maixabel"), inspiré de faits réels, raconte l'histoire de Maixabel Lasa, veuve d'un homme politique assassiné en 2000 par l'organisation séparatiste basque ETA qui, onze ans plus tard, reçoit une lettre de l'un des auteurs du crime, qui souhaite lui parler.

Le film avait été accueilli par une ovation l'an dernier au festival de cinéma de la ville basque de Saint-Sébastien.

Maixabel Lasa avait la capacité "à ressentir ce que pouvait ressentir la mère des assassins de son mari. Elle a agi en tant que mère, qui ne veut pas laisser ces difficultés aux futures générations, mais aussi en ayant une confiance infinie en la parole, parce que c'est par la parole et par l'écoute que tout adviendra", insiste Iciar Bollain, invitée d'honneur de Cinémed.

"Les Ukrainiens vont garder de la douleur et un traumatisme très long, mais aussi ces jeunes Russes que l'on envoie en Ukraine", affirme la réalisatrice au sujet du conflit en Ukraine.

- #MeToo et franquisme -

"Aucune guerre n'est souhaitable, aucune n'est justifiée, au nom de rien", ajoute celle qui s'est fait connaître internationalement comme actrice dans "Land and Freedom", film sur la Guerre civile espagnole (1936-1939) de Ken Loach en 1995.

"C'est cet aspect-là que je développe dans mon film +Les Repentis+: la justice réparatrice. Que faire de la violence qui reste, comment prendre cette douleur à bras le corps pour continuer à vivre?".

Filmant à hauteur d'hommes et de femmes des événements qui les dépassent, comme la décision de l'ETA de déposer les armes après des décennies d'attentats, Iciar Bollain privilégie les personnages qui "viennent briser un certain conformisme".

C'était déjà le cas en 2003 dans "Ne dis rien" ("Te doy mis ojos"), sur le combat d'une femme pour s'extraire des violences conjugales, bien avant la vaste libération de la parole de #MeToo.

"#MeToo était nécessaire, même s'il peut y avoir eu des excès, comme dans n'importe quel mouvement qui part d'une nécessité de changer les choses. Mais ce qui me frappe, c'est à quel point on continue à révéler des cas nouveaux. (...) C'est que ces pratiques sont profondément enracinées".

Interrogée sur une nouvelle loi dite de "mémoire démocratique", qui vise à réhabiliter les victimes de la Guerre civile et de la dictature (1939-1975), la réalisatrice née à Madrid dans les dernières années du franquisme considère que l'Espagne reste une "démocratie dont la base semble avoir été le silence".

"La reconnaissance des faits n'a pas eu lieu et (...) la réparation non plus", dit-elle, sur ce texte qui divise gauche au pouvoir et droite conservatrice.

"Il y a des films (sur cette période), dont un documentaire édifiant, +El Silencio de otros+, mais il doit y en avoir beaucoup plus. Moi-même, il m'est arrivé de l'envisager, mais je ne sais pas encore si je le ferai", confie Iciar Bollain.

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