Aveyron : la cerise de la vallée du Tarn veut se convertir au bio

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  • Seul producteur converti au bio, Loïc Alméras a installé des filets sur son verger, un lourd investissement.
    Seul producteur converti au bio, Loïc Alméras a installé des filets sur son verger, un lourd investissement. DR
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Aurélien Delbouis

Confrontés aux ravages de la drosophile Suzukii, bio-agresseur à la voracité insatiable, les producteurs de cerises de la vallée du Tarn sont contraints d’innover pour que perdure l’histoire d’amour entre la cerise et le Sud-Aveyron.

À entendre les caciques, la cueillette de la cerise qui a fait les grandes heures de la vallée du Tarn se fait désormais à la tronçonneuse… Confrontés depuis quelques années à la mouche Suzukii, insecte ravageur venu d’Asie, les arboriculteurs de la vallée préfèrent, en effet, arracher les cerisiers pour se convertir à la culture de la prune mirabelle, plus sûre.

Les chiffres le confirment. Sur les 1 200 tonnes de production de la vallée, toutes productions confondues (prune, cerise, pommes, pêche et abricot), plus de la moitié concerne aujourd’hui la prune mirabelle.

Un changement de paradigme pour les arboriculteurs qui, passé l’accablement dû en grande partie à la voracité des mouches asiatiques, ont décidé de relever les gants pour sauvegarder ce qui peut encore l’être.

Argile et filets

Fer de lance de cette bataille, un producteur en particulier fait figure de pionner. Pluriactif, l’agriculteur qui partage son temps entre élevage ovin, maraîchage, restauration – il est à la tête de l’auberge de La Tindelle –, a décidé de se convertir au bio. D’abord pour son activité de maraîchage, hier pour les prunes et désormais pour les cerises.

En lien avec l’Association pour la promotion de l’agriculture biologique en Aveyron (Apaba), le natif de Pailhas – commune de Compeyre – a décidé d’innover en installant des filets à mailles fines sur ses cerisiers pour les préserver des dégâts occasionnés par ce bio-agresseur qui connaît depuis 2008 une progression spectaculaire en Europe.

"Seul dossier national en cerise"

Engagés dans la réduction de l’utilisation des produits phytosanitaires, les arboriculteurs de la vallée - encore pour la plupart en agriculture conventionnelle - ont fait appel à l’Apaba pour pousser toujours plus loin la démarche en intégrant le dispositif Dephy, mis en œuvre dans le cadre du plan Ecophyto, qui prévoit notamment la réduction des usages de produits phytopharmaceutiques de 50 % d’ici 2025 en France.
"Le groupe Dephy ferme arboriculture de la vallée du Tarn en Aveyron est engagé depuis 2022. Il est le seul dossier national en cerise, confirme Nathalie Raitière, ingénieure réseau auprès de l’Apaba pour qui tout reste à réinventer. Il y a 10, 20 ans, l’idée était de mettre des variétés en place, souvent inadaptées… puis après, pour chaque maladie, son produit. L’interdiction de certains, comme l’imidan, très utilisé jusqu’à présent, fait que les arbo se posent aujourd’hui beaucoup de questions."
Quant aux réponses, elles seront longues à apporter, poursuit l’ingénieure. "Les nouveaux vergers sont plantés différemment, les plus anciens sont taillés différemment pour pouvoir grandir sous les filets. Tout est à refaire mais les choses vont dans le bon sens !"

 

50 000 € à l’hectare

Avant de passer aux filets, Loïc Almeras a d’abord saupoudré ses cerises d’argile comme le préconisait l’Apaba. L’argile recouvrant les cerises d’une fine pellicule blanchâtre étant censé éloigner la mouche attirée par les seuls fruits – désormais certains légumes – de couleur rouge.

Un premier pas dans la lutte mécanique pour l’agriculteur qui a décidé de franchir un palier supplémentaire avec ce nouveau dispositif qui a déjà fait ses preuves dans les plaines arboricoles de France.

Posés fin avril, deux mois avant le début de la récolte, ces filets qui présentent l’inconvénient du prix – 50 000 euros à l’hectare –, celui d’une installation assez fastidieuse, et d’une taille nouvelle des fruitiers, donnent à espérer. La dizaine d’arboriculteurs de la vallée jaugeant de près le verger de Loïc Alméras, le premier à produire, dès cette année, des cerises certifiées bio.

La mouche Suzukii, un bio-agresseur en progression

Ce ravageur originaire d’Asie connaît depuis 2008 une progression spectaculaire en Europe. Identifié en France officiellement en 2010, il cause des dégâts très importants sur de nombreuses espèces fruitières, notamment sur cerises et petits fruits rouges. Très polyphage et très mobile, il se caractérise par un taux de reproduction particulièrement élevé.
À ce jour, des travaux ont été menés dès son arrivée en France par les acteurs régionaux, nationaux et internationaux de la recherche et de l’expérimentation pour développer une protection intégrée associant toutes les solutions possibles de maîtrise du ravageur (prophylaxie, lutte bio, lutte chimique, etc.).
Pour l’instant, la lutte chimique et des méthodes de prophylaxie exigeantes en temps ont permis de contenir ce bio-agresseur et d’en limiter les dégâts. Avec l’interdiction de la plupart des produits, la lutte mécanique doit aujourd’hui prendre le relais.

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