Villefranche-de-Rouergue. Retour sur la Révolte des Croates en 1943

  • Les Allemands furent sans pitié.
    Les Allemands furent sans pitié.
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Centre Presse

Notre série estivale sur l’histoire de Villefranche se poursuit. Aujourd’hui, l’un des épisodes les plus connus marquants de l’histoire contemporaine de la commune.

En février 1943, l’armée allemande crée la 13e division SS de montagne de volontaires Handschar. Cette division comptait essentiellement des recrues venues de l’État indépendant de Croatie, État instauré par les puissances de l’Axe en remplacement de la Yougoslavie, et qui correspond aujourd’hui à la fois à la Bosnie-Herzégovine et à la Croatie. Les recrues spontanées étant peu nombreuses, l’armée allemande applique alors des razzias chez les hommes nés entre 1917 et 1925. La plupart d’entre eux n’ont pas plus de 20 ans.

Redoutant un éventuel débarquement allié, notamment dans le sud de la France, Berlin y renforce alors son dispositif militaire. À la fin du mois d’août 1943, un bataillon composé de près de 1 000 hommes est envoyé à Villefranche-de-Rouergue pour y réaliser des manœuvres d’entraînement.

Parmi ces hommes, on trouve principalement des Croates chrétiens et des Croates musulmans (ou "Bosniaques" selon la terminologie actuelle). Impuissants mais solidaires, les Villefranchois sont les témoins des mauvais traitements infligés à ces jeunes : exercices épuisants, brimades, coups de botte, "dressage" d’une brutalité inouïe et propos racistes, à tel point que la population, indignée, se prend, malgré leurs uniformes SS, de pitié pour eux et apprend très vite qu’il ne s’agit pas de volontaires, mais de jeunes enrôlés de force.

Premières désertions et fusillades

Face aux brimades, humiliations et autres souffrances, l’idée d’une révolte fait son chemin parmi les jeunes recrues. Un plan se prépare dans le plus grand secret. Déjà, le 16 septembre 1943, quelques soldats désertent.

Au matin du 17 septembre 1943, les Villefranchois sont réveillés par des bruits de fusillade : la révolte a débuté. Les mutins ont pris le contrôle de l’armurerie dans la nuit et se sont emparés de plusieurs officiers allemands qui logeaient à l’Hôtel Moderne (promenade du Guiraudet), avant de les exécuter.

À l’aube du 17 septembre, les mutins s’organisent et se rendent maîtres de la ville. Ils contrôlent la Poste, la gendarmerie et la gare. Armés et équipés, plusieurs d’entre eux s’apprêtent à fuir Villefranche. L’officier allemand Schweiger, médecin du bataillon, a cependant réussi à s’échapper lors de l’assaut des mutins à l’Hôtel Moderne ; il réussit à téléphoner aux autres troupes allemandes stationnées dans la région (Rodez, Mende) et tente de retourner la situation.

Le 18 septembre vers 4 h 00 du matin, la riposte allemande s’organise et de nouveaux coups de feu se font entendre dans la ville. Ferid Džanić et Nikola Vukelić, les principaux meneurs, sont abattus.

Au petit matin, des renforts allemands arrivent à Villefranche. Une véritable chasse à l’homme s’organise dans les rues de la cité. Plusieurs révoltés trouvent refuge chez des habitants qui leur fournissent des vêtements civils. L’un d’entre eux est recueilli par les religieuses du Bon-Pasteur. Quelques dizaines seulement, dont l’un des chefs Božo Jelenek, réussissent à s’enfuir dans la campagne et à rejoindre par la suite la Résistance dans le maquis de la Montagne noire.

Capture et torture

Ceux que les Allemands réussissent à capturer sont ramenés en ville, sur le lieu de la révolte. Ils sont torturés et jugés sommairement. Officiellement, une vingtaine est condamnée à mort (en réalité beaucoup plus) et emmenés sur un terrain du quartier Sainte-Marguerite, au nord de la ville, pour y être exécutés. Ils sont dans un tel état que leurs bourreaux, pendant ce transfert, leur couvrent la tête d’un sac pour les cacher aux yeux de la population.

Par ailleurs, 300 soldats sont condamnés pour complicité avec les mutins. Ils sont déportés vers les camps de Sachsenhausen, Neuengamme et Buchenwald.

En 1944, on compte seulement quelques dizaines de rescapés de ces camps. Au final, plus d’une trentaine de mutins sont abattus dans la ville, et près d’une centaine est exécutée au champ des martyrs, soit environ 120 morts, sans compter les déportés qui ne reviendront pas des camps.

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