Sécheresse en Aveyron : le sous-sol des causses à sec, un fait inédit en 30 années d’explorations

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  • Sentinelles des causses, les spéléologues sont aux premières loges d’un dérèglement climatique.
    Sentinelles des causses, les spéléologues sont aux premières loges d’un dérèglement climatique.
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Aurélien Delbouis

Les spéléologues s’inquiètent du caractère inédit de leurs dernières explorations, même après les récents épisodes de pluie.

Si les récentes intempéries ont permis de recharger un peu la nappe, jamais le constat n’avait été à ce point préoccupant. En 30 ans d’exploration, l’Alpina n’avait jamais vu ça. Là où s’écoulait encore l’an passé des rivières souterraines, plus une goutte d’eau cette année, insiste, inquiète, la communauté des spéléologues sud-aveyronnais.

À 150 mètres sous-terre, la circulation de la rivière souterraine accessible via l’aven de la Bise, sur la commune de l’Hospitalet-du-Larzac "dont les débits dépassaient allègrement les 10 à 20 litres par seconde", s’est complètement arrêtée constate, fin septembre, le spéléologue millavois Jean-Louis Rocher. Idem au fond de l’aven de l’Ouragan, un siphon profond de 180 mètres habituellement noyé.

Entre les deux puits, 1 500 m de galerie que les spéléologues sud-aveyronnais viennent de parcourir presque au sec. "Inédit en 30 années d’explorations", qualifient-ils.

"On n’avait jamais vu ça sur le causse"

"Amenant deux réseaux à se rejoindre pour n’en former qu’un seul, il s’agit là d’une très belle découverte spéléologique, reconnaît Jean-Louis Rocher mais elle nous inquiète beaucoup sur l’état des réserves naturelles et interstitielles de nos causses".

Recouvert à hauteur de 65 % par des reliefs calcaires, le territoire des Grands Causses est, en effet, constitué de massifs fracturés, fissurés, troués par l’eau qui use, ronge et dissout la roche…

Cette eau qui participe aussi grandement à l’alimentation des rivières du territoire, représentant plus de 90 % du débit des cours d’eau en période estivale. À savoir le Tarn, la Jonte, la Dourbie, Cernon ou encore Aveyron.
Retrouver ce monde souterrain à sec, ces zones dites noyées - ou karst noyé - hors d’eau inquiète donc aujourd’hui les spéléologues qui y voient la conséquence d’un déficit hydrique déjà très ancien.

"Pas d’évolution notable des précipitations"

Pour le responsable de la section spéléo du club Alpina de Millau, "l’aboutissement de longues années - bonnes ou moins bonnes - d’un déficit global de précipitation".

"Le réseau karstique est alimenté par différentes fissures qui se déversent petit à petit et permettent aux sources de maintenir un certain débit même quand les rivières souterraines ne coulent presque plus. Les voir aujourd’hui à sec, nous indique que l’on a perdu une - grosse - partie des réserves naturelles emprisonnées dans la roche". Un constat que semble confirmer l’hydrogéologue Laurent Dannevile, directeur adjoint du Parc naturel régional des Grands Causses. "Depuis deux ans, nous sommes en déficit chronique de précipitations. Ça va un peu mieux depuis quelques semaines avec des pluies diffuses mais le déficit est tel, qu’il faudra beaucoup de temps, quelques semaines ou quelques mois, pour recharger les réserves".

Du temps et évidemment de nouvelles pluies. Sur ce point, Laurent Dannevile se veut toutefois plus rassurant. "Météo France ne constate d’évolution notable en termes de précipitations. Nous avons les mêmes cumuls d’une année sur l’autre, à peu de chose près, sauf qu’on a des intensités plus fortes. Ce qui est moins bon pour la recharge".

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