La Sévéragaise Alice Tabart passe à l’acte pour donner vie à "Cromwell", pièce de Victor Hugo

Abonnés
  • Coordinatrice de ce projet très ambitieux, Alice Tabart était entourée de deux des metteurs en scène (Théodore Oliver et Maëva Meunier) de "Cromwell" lors de la présentation  de ce spectacle à la mairie de Sévérac, en présence  du premier magistrat, Edmond Gros.
    Coordinatrice de ce projet très ambitieux, Alice Tabart était entourée de deux des metteurs en scène (Théodore Oliver et Maëva Meunier) de "Cromwell" lors de la présentation de ce spectacle à la mairie de Sévérac, en présence du premier magistrat, Edmond Gros. Reproduction L'Aveyronnais - Céline Grousset
  • La régionale de l'étape Alice Tabart va retrouver un château de Sévérac qu'elle connaît comme sa poche. La régionale de l'étape Alice Tabart va retrouver un château de Sévérac qu'elle connaît comme sa poche.
    La régionale de l'étape Alice Tabart va retrouver un château de Sévérac qu'elle connaît comme sa poche. Reproduction L'Aveyronnais - Luisa Gracieux
Publié le

Le rêve va devenir réalité ! Agée de 37 ans, originaire de Sévérac-le-Château, installée à Toulouse, où elle a créé la compagnie Mesdames A en 2009, la comédienne, metteur en scène, auteur et musicienne s’est entourée de six collègues, dont la Ruthénoise Mélanie Vayssettes, pour présenter, en août 2024, dans le château de sa commune, ce chef d’œuvre de l'écrivain français.

"Il est rare aujourd’hui d’avoir l’occasion de monter, pour la première fois, un grand texte du répertoire français. Elles ne sont plus nombreuses les pièces qui ont résisté à la créativité de nos pairs jusqu’à ce jour. Et pourtant, "Cromwell" est là qui nous provoque et nous pousse à inventer des nouvelles manières de faire, dans le sens de son intrigue : se mettre ensemble pour relever le défi. Il nous demande de ne pas le faire pour la gloire d’un(e) seul(e) qui "y arriverait", il nous demande de faire corps et de se jeter avec joie et curiosité dans le grand exercice du collectif".

Du coup, lorsque la commune de Sévérac lui a offert une carte blanche pour habiter le majestueux château au cours de l’été 2024, avec "si possible une proposition inédite", Alice Tabart n’a pas hésité une seconde. "Ce vieux rêve, né il y a deux décennies, adolescente, dès la première lecture, s’est réveillé pour de bon", confirme l’intéressée.

Elle poursuit, avec le même enthousiasme : "Cette pièce, que j’ai travaillée en khâgne, sur laquelle j’ai basé tout mon travail de recherche en master d’études théâtrales, cette pièce sur laquelle je me suis prise à rêver cent fois les modalités les plus justes de mise en vie plus encore qu’en scène, avait trouvé son écrin. Et mon hypothèse, au bout de ces vingt ans de rêves, était qu’il nous faudrait être un corps, une foule, un peuple d’amoureux et d’amoureuses du théâtre".

Elle se réjouit de son initiative : "Humblement, j’ai été en parler à six jeunes metteurs(eures) en scène, passionnés(ées) et passionnants(tes), pour leur proposer de monter chacun(une) un acte de ce monstre , dont j’assurerai la coordination, presque l’harmonisation". à la tête de cinq compagnies toulousaines, Mélanie Vayssettes et Simon Le Floch (Le club dramatique), Nathan Croquet (Théâtre du rocher), Maëva Meunier (La particule), Victor Ginicis (Avant l’incendie) et Théodore Oliver (MégaSuperThéâtre) ont dit un grand "Ouiiiiiii" avant même la fin de la question.

Naissance de Mesdames A à Toulouse en 2009

Née le 18 mars 1986 à Rodez, après dix ans de danse classique pendant son enfance à Sévérac- le-Château, où elle a grandi, Alice Tabart s’est alors dirigée vers le théâtre au lycée Jean-Vigo à Millau. D’abord initiée au jeu par Michel Genniaux, elle a participé, à ses côtés, à un échange avec l’école d’art de Tulcea, en 2003, en Roumanie. Elle a intégré, par la suite, les classes hypokhâgne et khâgne au lycée Fermat à Toulouse en études théâtrales avec Sébastien Bournac.

Elle est titulaire d’une licence de lettres modernes, ainsi que d’un master arts du spectacle et médias. Avant de voler de ses propres ailes avec la création, en 2009, dans la Ville rose, de sa compagnie, baptisée Mesdames A. Elle a déjà donné vie à sept spectacles : "En route pour la joie" (2009-2010), "Le monologue d’une tueuse" (2010-2011), "Le satyre" (2012-2014), "Spectateur(s) - un accident de théâtre" (2014-2016), "La cité des dragons" (2015-2018), "éclairs" (2018-2019) et "Le commencement", entre Histoire et science-fiction (elle appelle ça "L’archéologie du futur"), dont la première représentation a eu lieu à Buzeins en octobre 2022.

"Il y aurait pu y avoir davantage de choses, mais le Covid-19 a mis un énorme coup d’arrêt au travail de la compagnie, regrette l’Aveyronnaise, metteur en scène, auteur, comédienne, musicienne et chanteuse. à titre d’exemple, on a joué seulement 13 des 24 dates de "Eclairs" !".

Ce sont donc six metteurs en scène, dont la Ruthénoise Mélanie Vayssettes, qui ont commencé à travailler, en mars dernier, dans l’exaltation de cet objet inoui, avec plusieurs dates de représentations déjà cochées sur le calendrier : 12, 14 et 16 août 2024 au château de Sévérac, puis, en juin 2025, au jardin Michelet à Bonnefoy à Toulouse.

"L’idée est de creuser ensemble un sillon commun, insiste Alice Tabart. Nous mettons en jeu “Cromwell” avec une même équipe de 25 comédiens professionnels. Les interprètes sont distribués à parité femmes-hommes, issus soit d’Occitanie, soit de nos compagnies". Elle en dit plus sur le contenu : "Notre but est de monter le texte en le maintenant le plus possible et ne le remodelant que lorsque Victor Hugo romancier, se voyant en train d’écrire un drame trop long, injouable, a pu laisser aller sa plume à des envolées plus ludiques dans la bouche d’un interprète, d’autant plus au cœur d’une épopée de plusieurs heures".

Construit comme une série Netflix !

Cette pièce est estimée à six heures de représentation, à quoi s’ajouteront les quatre entractes. Le lever de rideau est envisagé
à 18 heures, avec repas servi à la moitié et fin dans la nuit. Est-ce bien raisonnable ? La question amuse la Sévéragaise de 37 ans : "Si j’étais raisonnable, je ne ferais pas de théâtre ! Je suis née dans un village de 700 habitants, avec un père boucher et une mère infirmière. Je me suis dit que la vie était vachement plus rigolote !".

Elle est d’ailleurs "très fière" de ce bébé qui est en train de voir le jour : "Ce spectacle d’un format inédit va se construire comme ces séries du moment que les spectateurs adorent suivre aujourd’hui, quasiment d’un trait. Une série en cinq épisodes, pardon actes, qui débutera dans la splendide salle des hommages du château de Sévérac et se poursuivra dans l’enceinte, soleil couchant, en profitant des éléments, afin d’achever dans la nuit cette sublime fresque historique".

Et de lancer, dans un grand éclat de rire : "Peut-être que nous finirons sur Netflix !". Alice Tabart est sur un nuage : "Je ne veux pas avoir le regretde ne pas avoir essayé ! Ce projet est certes un gros bazar, mais l’occasion est trop belle. Je ne dirai jamais assez merci à la commune de Sévérac-d’Aveyron, ne serait-ce que pour cet écrin magnifique".

Si la mise en scène est assurée par ses divers complices, installés aussi à Toulouse, la trentenaire ne ressent "pas de frustration" : "Je vis, en effet, ce monument de l’intérieur. Il fallait quelqu’un pour coordonner, qui connaît par cœur l’œuvre, la dramaturgie".

Un pavé de 400 pages et de 6 000 vers

"Cromwell" est une pièce monstre qui a fait date dans l’histoire du théâtre français. à 25 ans, Victor Hugo décide de révolutionner la langue de Molière et l’art dramatique en s’appuyant sur les maîtres qu’il se choisit, en la personne... d’Homère et de Shakespeare. Ce sera épique comme une "Odyssée", ce sera fou comme "Lear". Il opte pour la période qui a immédiatement suivi la Première révolution anglaise de 1649 et pose deux immenses questions à l’Histoire : Que peut-on faire de juste après une Révolution ? Comment se prémunir des excès de pouvoir d’un seul homme ? "Cromwell", ce sont 400 pages, 6 000 vers, une alternance de scènes intimes, de farce, de cour, de bouffonneries, de chansons, d’intrigues politiques et d’espionnage. Mais, surtout un grand élan théâtral aux 80 personnages qui tissent tous la trame de ce jeu historique. Réputé immontable, immonté dans les faits depuis sa première édition en 1827, plus connu pour sa préface que pour son drame, c’est pourtant un vrai texte de théâtre. Ce qu’il faut pour gravir cette montagne, c’est la prendre comme telle : une pièce monstre, un élan de jeunesse, un hymne à la foule.

Cet article est réservé aux abonnés
Accédez immédiatement à cet article
2 semaines offertes
Voir les commentaires
Réagir
Vous avez droit à 3 commentaires par jour. Pour contribuer en illimité, abonnez vous. S'abonner

Souhaitez-vous recevoir une notification lors de la réponse d’un(e) internaute à votre commentaire ?