Pourquoi Missak Manouchian rejoint-il le Panthéon aux côtés de son épouse Mélinée ?
Quatre-vingts ans jour pour jour après son exécution, Missak Manouchian entre au Panthéon ce mercredi 21 février à 18 h 30, en compagnie de son épouse Mélinée. Un hommage à la résistance communiste et étrangère.
C’est un hommage applaudi par tout l’échiquier politique. La volonté de réparation à l’égard de la résistance étrangère et communiste fait consensus.
"Soixante après Jean Moulin, la panthéonisation de Missak Manouchian et de ses camarades est un acte de reconnaissance des FTP-MOI et de tous ces juifs, Hongrois, Polonais, Arméniens, communistes, qui ont donné leur vie pour notre pays", a indiqué Emmanuel Macron dans l’interview publiée lundi 19 février dans L’Humanité.
L’occasion également de revenir sur le parcours exemplaire de Missak Manouchian né le 1er septembre 1906 à Adiyaman, en Turquie, au sein d’une famille paysanne.
Rescapé du génocide arménien
Orphelin très jeune, après la mort de son père, tué lors du génocide arménien de 1915, puis de sa mère emportée par la famine, il est caché par une famille kurde puis accueilli avec son frère dans un orphelinat de Jounieh (actuel Liban), où il se découvre un goût pour l’écriture et apprend le métier de menuisier.
De la Seyne-sur-Mer à Paris
Il débarque à Marseille en 1925 et exerce un temps aux chantiers navals de La Seyne-sur-Mer, dans le Var. Il monte ensuite avec son frère à Paris, où il est embauché comme tourneur à l’usine Citroën du quai de Javel. Passionné de musique, d’histoire, il aime fréquenter les bibliothèques.
En 1934, le jeune homme rejoint le Parti communiste français et le Comité de secours pour l’Arménie. C’est là qu’il rencontre Mélinée, elle aussi orpheline survivante du génocide arménien. Tous deux apatrides, Missak et Mélinée ont en commun une pleine adhésion à la civilisation française. Le couple se marie le 22 février 1936.
Missak et Mélinée unis dans la mort
Mélinée Manouchian, également résistante, reposera d'ailleurs aux côtés de son époux, même si elle ne sera pas panthéonisée. Une manière de les unir dans la mort, alors qu'ils reposaient tous deux au cimetière parisien d'Ivry depuis 1989.
"L’armée du crime"
Trois ans plus tard, Missak Manouchian est interné comme communiste étranger dans un camp, puis incorporé dans l’armée. À son retour en 1940 dans Paris occupée, il poursuit clandestinement son activité militante, distribuant des tracts anti-hitlériens.
Début 1943, il rejoint le groupe armé de la résistance communiste, les Francs-tireurs et partisans - main-d’œuvre immigrée (FTP-MOI).
Arrêté le 16 novembre 1943
La soixantaine de Polonais, Italiens ou Arméniens dirigés à compter de l’été 1943 par Missak Manouchian mène une centaine d’actions contre l’occupant : sabotages, déraillements, attaques de soldats… Jusqu’à leur principal fait d’armes, le 28 septembre 1943 : le meurtre du général SS Julius Ritter à Paris.
Le matin du 16 novembre 1943, alors que Missak Manouchian doit retrouver le chef des FTP-MOI de la région parisienne, Joseph Epstein, à la gare d’Évry-Petit-Bourg, les deux hommes sont arrêtés puis torturés et emprisonnés pendant plusieurs mois.
Fusillé le 21 février 1944
Au terme d’un simulacre de procès relaté dans la presse collaborationniste, Missak Manouchian, l'apatride, est fusillé, le 21 février 1944, au Mont-Valérien, à l’âge de 37 ans, avec une vingtaine de ses camarades. Dix d’entre eux figuraient sur l’Affiche rouge placardée dans les rues par l’occupant allemand, qui les présentait comme "l’armée du crime" menée par le "chef de bande" Manouchian et leur imputait "56 attentats, 150 morts, 600 blessés"
"Être Français c'est avant tout une affaire de volonté et de cœur"
Les 23 compagnons de Missak Manouchian ne seront pas inhumés au Panthéon, mais leurs noms seront inscrits au sein du monument. "Ce sera l'entrée au Panthéon de la résistance communiste et étrangère", écrit l'Élysée. Car si huit grands résistants ont déjà été honorés depuis le transfert des cendres de Jean Moulin en 1964, aucun n'était communiste.
"Cela démontre qu'être Français c'est avant tout une affaire de volonté et de cœur", pas "d'origine, de religion ou de prénom", et que "cela apporte beaucoup au pays", ajoute la présidence.
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