INTERVIEW. "Il y a dans ce livre des choses que je n’avais jamais dites" : l'acteur Omar Sy à coeur ouvert dans son premier livre

  • Je ne voulais pas d’un texte dans lequel je délivre ma "vérité". Le format de la conversation permet d’éviter ce travers.
    Je ne voulais pas d’un texte dans lequel je délivre ma "vérité". Le format de la conversation permet d’éviter ce travers. MAXPPP - Xavier Collin
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Recueilli par Samuel Ribot (ALP)

Entre Paris et Los Angeles, la star mène une carrière internationale qui a fait de lui l’un des acteurs français les plus connus et les plus appréciés. Dans un livre, il accepte pour la première fois de lever le voile sur sa vie, sa trajectoire, l’importance de ses liens familiaux. Entretien.

Vous n’étiez pas chaud au début pour faire ce livre. Pourquoi ?

Au départ, je n’en voyais pas l’intérêt. Aujourd’hui, le livre a toute sa raison d’être. Parce que ça raconte le parcours d’un homme mais que ça évoque surtout tout ce qui me compose, la trajectoire d’un jeune Français qui se retrouve exposé à ce niveau, qui suit ce chemin artistique, qui vit toutes ces rencontres incroyables en étant aussi un gamin de banlieue, un fils d’immigrés… C’est ce mélange-là qui fait à mon avis l’intérêt du livre. La forme aussi est importante parce qu’il s’agit d’une conversation avec la journaliste Elsa Vigoureux. Je ne voulais pas d’un texte dans lequel je délivre ma "vérité". Le format de la conversation permet d’éviter ce travers.

Vous apparaissez dans le livre très attaché à votre intimité. Comment avez-vous accepté de vous livrer sur certains de ces sujets ?

C’est grâce à ce mode d’écriture. Dans une conversation, vous abordez des sujets plus facilement que dans un échange question-réponse. Après, je ne le cache pas : on pouvait tout se dire, mais tout ne pouvait pas forcément se retrouver dans le livre. J’aurais d’ailleurs pensé la censurer beaucoup plus ! Mais ce qui relève de l’intime ne m’a pas dérangé lorsque je l’ai lu. C’est pour ça qu’il y a dans le livre des choses que je n’avais jamais dites. Je pense que c’était le bon moment dans ma vie pour accepter de raconter ça. Je parle aussi à ma famille, mes enfants, ma femme, mes parents, mes frères et sœurs. C’est une déclaration d’amour pour les miens.

Dans ce livre, vous faites la distinction entre Omar et Omar Sy. Qu’est-ce que cela signifie ?

Le Omar Sy dont je parle dans le livre, ça n’est pas vraiment moi mais plutôt la projection que les autres font sur moi. J’ai fait ce travail il y a longtemps : je sais que ce personnage public, ce n’est pas moi et que ce que les gens projettent sur moi, je ne pourrai jamais leur donner. Je sais que je ne peux pas répondre aux attentes de tout le monde. Selon moi, ceux qui se mettent à faire ça prennent le risque de se perdre ou de devenir dingues. Mais je vous rassure : tout va bien, je suis en accord avec moi-même (sourire).

"Je suis Omar Sy, cette personne dont tout le monde parle, ce concept commercial", écrivez-vous. C’est rare d’exprimer de façon aussi claire cette lucidité…

Je sais très bien qui je suis, d’une part, et ce que je peux représenter, d’autre part. Ce concept commercial, j’en ai conscience, et heureusement, d’autant que j’en tire aussi avantage ! Je suis convaincu que, dans ma situation, cette lucidité est très importante pour continuer d’aller bien. 

"En 2011, je vivais et j’offrais des choses incroyables aux gens. Il fallait croire en Dieu parce que sinon, on finit par croire que Dieu, c’est soi-même ", confiez-vous. Il fallait que vous quittiez la France après le succès d’Intouchables ?

Tout ce qui m’était donné à ce moment-là était énorme, et je le réalisais pleinement. Mais je me disais : "C’est beaucoup pour un être humain". Et dans ces circonstances-là, on peut basculer dans autre chose, se croire supérieur, se voir comme un surhomme. Or, dans mon éducation, il n’y a ni surhomme ni sous-homme. Je veux bien avoir des particularités, et je le vis très bien, mais je ne suis pas extraordinaire au sens strict du terme. Je voulais donc éviter de partir sur une fausse piste. Ce que je dis dans le livre, c’est que dans ces circonstances-là, quand un succès pareil te tombe dessus, si tu ne crois pas en Dieu, tu cours le risque de croire que tu en es un…

Vous dites que la célébrité est un piège. Vous considérez-vous à l’abri de ce piège ?

Je n’en ai aucune idée ! Ce qui est sûr, c’est que le piège a existé. Mais j’entretiens aujourd’hui un rapport avec la célébrité qui me convient. Est-ce que je suis dans le vrai par rapport à ça ? Ce n’est pas à moi de le dire.

Vous dites que vous doutez en permanence mais que vous ne ressentez pas d’inquiétude…

Le doute est là en permanence, oui, mais c’est un moteur. C’est comme la peur : il s’agit de signaux qui provoquent une réaction, qui vous poussent à agir. L’inquiétude, au contraire, c’est paralysant. Je pense qu’il faut accepter d’être humain et de commettre des erreurs. Ça fait partie de l’apprentissage de la sagesse. Mais il ne faut pas être paralysé.

Vous dites : "Ma vie, c’est un peu comme si j’étais en colonie de vacances chez les riches". C’est une façon de rester fidèle à vos origines sociales ?

La première chose, c’est que cela fait partie de moi : je ne maîtrise pas cette origine sociale. La deuxième, c’est que, même si je vis très bien ma condition sociale aujourd’hui, j’essaie de faire en permanence ce pas de côté. C’est comme ça qu’on grandit ; en restant capable de se regarder objectivement. Je m’y emploie tous les jours, même si je ne peux pas vous affirmer que j’y arrive !

Le cinéma de Trappes, votre ville natale, a été baptisé de votre nom. Qu’est-ce que ça vous inspire ?

C’est le premier cinéma où je suis allé voir un film tout seul, sans mes parents. C’est quelque chose d’important, encore plus quand le cinéma devient ensuite une partie de ta vie. Je suis hyper touché par cette marque de reconnaissance. Pour le gamin que je suis encore, c’est quelque chose de dingue !

À lire : "Viens, on se parle", Omar Sy et Elsa Vigoureux. Éditions Albin Michel, 288 pages, 19,90 €.
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