Oradour-sur-Glane: visite historique du président allemand

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AFP

Le président allemand Joachim Gauck est attendu avec François Hollande, mercredi après-midi à Oradour-sur-Glane (Haute-Vienne), pour la première visite d'un dirigeant d'Outre-Rhin dans ce "village martyr" de la Haute-Vienne où fut perpétrée la pire atrocité nazie en France occupée.

M. Gauck avait considéré mardi ce rendez-vous comme "le point culminant" d'une visite d'Etat de "dimension historique" en France et il avait déclaré avoir accepté l'invitation de François Hollande "avec un mélange de reconnaissance et d'humilité".

"Je voudrais tendre la main aux victimes en leur disant: je suis à côté de vous", a indiqué mercredi à Europe 1 le président allemand, né en 1940. "J'ai 73 ans, je suis né pendant la guerre, j'ai été imprégné de cette discussion sur notre culpabilité (...). Je dirai aux victimes et leurs familles: nous savons ce qui a été fait".

Les deux présidents, accompagnés de leurs conjointes, sont attendus aux alentours de 14H30 et doivent arpenter les rues du village fantôme où 642 personnes, dont 205 enfants, furent tuées, le 10 juin 1944, par une unité de la division "Das Reich", qui remontait vers le front de Normandie.

Le calendrier se prête particulièrement à une telle visite, à l'approche du 70ème anniversaire de la Libération, du centenaire de la guerre 1914-1918, et pendant l'année franco-allemande, sur le point de s'achever, qui marquait le cinquantenaire du traité de l'Elysée signé entre le président Charles de Gaulle et le chancelier Konrad Adenauer en 1963.

Joachim Gauck et François Hollande traverseront notamment le champ de foire, où la population fut rassemblée avant les exécutions méthodiques, et gagneront l'église, où femmes et enfants furent regroupés et brûlés.

Des allocutions des deux chefs d'Etat sont prévues au Centre de la mémoire, inauguré en 1999 à proximité des ruines classées monument historique en 1946. La visite doit durer près de deux heures et s'achever par une rencontre avec des familles des victimes. Deux survivants du massacre seront présents.

"Je n'hésiterai pas, en pleine conscience politique, à dire que cette Allemagne que j'ai l'honneur de représenter est une Allemagne différente de celle qui hante leurs souvenirs", a promis mardi M. Gauck.

Deux pupitres ont été installés sur une estrade au Centre de la Mémoire qui jouxte le village détruit, devant un parterre de plus de 600 chaises. En fin de matinée, un guide a montré à la trentaine de journalistes présents les lieux du drame.

"Dans la préparation audacieuse de l'avenir"

Ce déplacement devrait constituer un moment important, sur le plan émotionnel, dans les relations entre les deux pays, comme le fut l'image de François Mitterrand et Helmut Kohl se tenant par la main, en 1984, à Douaumont, près de Verdun, où se déroulèrent les combats les plus meurtriers de la première guerre mondiale.

François Hollande a rendu un hommage appuyé à la décision de Joachim Gauck de se rendre à Oradour. Cette visite "sera un symbole, le symbole d'une histoire, d'un passé qui se regarde en face, d'une vérité qui doit être dite, prononcée, proclamée, reconnue", mais elle "nous oblige à aller, une fois reconnu le passé, dans la préparation audacieuse de l'avenir", a déclaré le président français.

Le président allemand a acquis une indiscutable aura dans son pays, en présidant, après la réunification, de 1990 à 2000, l'organisme chargé des archives de la Stasi, l'ancienne police politique de la RDA.

Il s'est déjà rendu sur plusieurs sites de massacres nazis, notamment en octobre 2012 à Lidice, près de Prague, puis en mars 2013 en Toscane, demandant le pardon pour les fautes de l'Allemagne hitlérienne.

Mercredi matin, la presse allemande évoquait cette visite. "Visite d'Etat chez des amis proches", titrait le quotidien populaire Bild, rappelant qu'à Oradour, "des soldats allemands tuèrent plus de 600 Français" et que "jusqu'ici aucun représentant de l'Etat allemand ne s'était rendu sur ce lieu de mémoire".

Pour Die Welt, "c'est bien (aussi) qu'il se rende en tant que premier président allemand à Oradour. Chaque Français connaît ce lieu, cette date: le 10 juin 1944, les SS détruisirent le village près de Limoges et tuèrent presque tous les habitants".

Parmi les invités, mercredi, figure le maire PS de Strasbourg, Roland Ries, alors que 13 Malgré-nous, les Alsaciens enrôlés de force dans l'armée hitlérienne, figuraient dans la division SS auteur du massacre. M. Ries, dont le père a été lui-même incorporé de force, a déclaré sur France Bleu Alsace mercredi "penser que François Hollande s'exprimera sur le drame des Malgré-Nous".

"L'idéal, a-t-il espéré, serait que (M. Gauck) fasse la même chose". Pour lui, "il s'agit d'une forme de négation du droit des peuples lorsqu'on les oblige à revêtir un uniforme qui n'est pas le leur et à combattre contre leur mère-patrie. C'est un crime de guerre sous une autre forme".

Source : AFP

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