MH370: un père raconte deux mois d'attente sans réponse

  • Yan Jiacheng, père d'un passager du vol disparu MH370 de la Malaysia Airlines, le 23 avril 2014 au Metro Park Hotel de Pékin
    Yan Jiacheng, père d'un passager du vol disparu MH370 de la Malaysia Airlines, le 23 avril 2014 au Metro Park Hotel de Pékin AFP - Wang Zhao
  • Photo de l'armée australienne prise le 13 avril 2014 du navire HMAS Perth croisant dans l'océan Indien austral à la recherche de débris du vol MH370, épaulé par un chasseur de l'aviation néo-zélandaise
    Photo de l'armée australienne prise le 13 avril 2014 du navire HMAS Perth croisant dans l'océan Indien austral à la recherche de débris du vol MH370, épaulé par un chasseur de l'aviation néo-zélandaise Australian Defence/AFP/Archives - Abis Nicolas Gonzalez
  • Des proches de passagers du vol MH370 de la Malaysia Airlines prient dans une salle du Metro Park Hotel de Pékin, le 4 avril 2014
    Des proches de passagers du vol MH370 de la Malaysia Airlines prient dans une salle du Metro Park Hotel de Pékin, le 4 avril 2014 AFP/Archives - Wang Zhao
Publié le
AFP

Après la disparition du vol MH370 où se trouvait son fils, M. Yan a connu deux mois d'une insoutenable attente dans un hôtel pékinois, suspendu au suivi des opérations de recherche. Il repart à présent chez lui avec très peu de réponses et de bien maigres espoirs.

"Je n'ai pas envie de partir, mais je n'ai plus le choix", soupire Yan Jiacheng, prêt à être reconduit chez lui, dans la province orientale du Jiangsu, à 800 km de Pékin.

Son fils cadet, Yan Ling, 30 ans, figure parmi les 153 passagers chinois du vol MH370, parti de Kuala Lumpur à destination de Pékin et disparu le 8 mars dans des circonstances toujours mystérieuses.

La compagnie Malaysia Airlines a annoncé jeudi qu'elle cessait de prendre en charge les frais de logement de centaines de proches des passagers, hébergés depuis près de deux mois à l'hôtel Lido, dans la capitale chinoise.

- crises de nerfs -

C'est dans le cadre feutré de cet hôtel, assiégé par les journalistes, qu'étaient régulièrement organisées à l'attention des familles chinoises des rencontres avec des responsables de Malaysia Airlines ou des autorités malaisiennes.

Des rencontres émaillées de crises de nerfs et d'incidents orageux avec certains proches, furieux des revirements dans les déclarations officielles et convaincus que Kuala Lumpur leur cachait la vérité.

Dans le décor suranné d'une grande salle de bal -- dorures, lustres et épaisses moquettes pourpres --, ces longues réunions permettaient aux famille d'exprimer inlassablement leurs frustrations, leurs colères, leurs doutes, face à des responsables malaisiens incapables de répondre à leurs plus pressantes questions: pourquoi l'appareil a-t-il changé de cap le 8 mars? où est-il désormais?

Et cette interrogation lancinante: s'ils étaient encore en vie?

M. Yan appartenait à la majorité silencieuse: le sexagénaire avait pris l'habitude de s'asseoir au fond de la salle, sirotant des verres d'eau glacée et relevant la tête lorsque les débats tournaient à l'aigre.

Parfois, il fuyait le climat d'insultes et de récriminations, et sortait fumer pensivement sur le parking.

Les premiers jours, de larges cernes, des cheveux en bataille et des traits tirés traduisaient ses nuits sans sommeil. M. Yan affiche maintenant un visage plus serein ; mais à l'intérieur, dit-il à l'AFP, il reste dévasté. "Je ne ressens plus rien, rien d'autre que du désespoir".

Yan Ling, parti en Malaisie avec un collègue pour un bref voyage d'étude, était rentré au Jiangsu fin janvier pour le nouvel an lunaire: la dernière fois où ses parents l'ont vu.

- 'ne pas perdre cet espoir-là' -

Yan Jiacheng se souvient du coup de téléphone fatidique, par la petite amie de son fils. "Elle n'a dit que deux choses. L'avion a disparu. Yan a disparu. Puis elle s'est tue. Elle a éclaté en sanglots".

C'est ensuite le patron de son fils, ingénieur dans une société d'équipements médicaux à Pékin, qui appelle M. Yan, lui demandant de rejoindre la capitale.

"J'ai tout abandonné et je suis parti". Un voyage éprouvant: faute d'avion disponible, ce sera un périple "d'un jour et d'une nuit" debout dans un train bondé, l'esprit obsédé par quelques mots qu'il répète en boucle. "L'avion a disparu. L'avion a disparu. Je savais que quelque chose d'affreux était arrivé".

M. Yan a ensuite été rejoint par son fils aîné, mais son épouse souffrante n'a pu le suivre à Pékin.

Deux mois durant, il est resté suspendu aux nouvelles des vastes opérations de recherche auxquelles participaient huit pays. En vain: aucun débris n'a été repéré, et les recherches aériennes et navales ont pris fin cette semaine.

Tout en enjoignant les proches à quitter l'hôtel Lido, Malaysia Airlines leur a annoncé qu'elle verserait 50.000 dollars à chaque famille, avance sur un dédommagement futur plus conséquent. Des proches ont indiqué leur intention de poursuivre la compagnie en justice.

Contrairement à certains, épris de théories du complot, M. Yan n'est pas dans le déni: "Les passagers sont probablement morts. Je pense que c'est le cas, mais je n'ose pas le dire à ma famille", dit-il la voix chargée d'émotion.

Pourtant, une lueur d'espoir reprend parfois le dessus, irrépressible. "Je serais tellement heureux qu'il revienne. Je veux espérer que ce jour viendra. Je ne peux pas abandonner cet espoir-là."

Source : AFP

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