Mort de Marina: pas de responsabilité de l'État, selon la Cour de cassation

  • La Cour de cassation
    La Cour de cassation AFP/Archives - Jacques Demarthon
  • Me Rodolphe Constantino, avocat de l’'association Enfance et Partage, au Palais de justice du Mans, le 26 juin 2012, dernier jour du procès des parents de Marina
    Me Rodolphe Constantino, avocat de l’'association Enfance et Partage, au Palais de justice du Mans, le 26 juin 2012, dernier jour du procès des parents de Marina AFP/Archives - Jean-Francois Monier
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Centre Presse Aveyron

La Cour de cassation a jugé mercredi que la responsabilité de l’État n'était pas engagée dans la mort de Marina, 8 ans, tuée en 2009 par ses parents tortionnaires après un signalement au parquet classé sans suite.

La plus haute juridiction de l'ordre judiciaire français a rejeté les pourvois de deux associations, Enfance et partage et Innocence en danger, selon qui la responsabilité de l’État pour faute lourde était bien engagée du fait des dysfonctionnements qui ont marqué l'enquête.

Lors de l'audience, l'avocat général avait requis le rejet du pourvoi, estimant notamment que la preuve des dysfonctionnements allégués n'avait pas été apportée.

Le 26 juin 2012, les parents de la petite Marina, morte sous les coups après une courte vie de torture et d'humiliation, étaient condamnés à 30 ans de réclusion par la cour d'assises de la Sarthe.

Mais, pour les deux associations de protection de l'enfance, la mort de la fillette a été favorisée par des dysfonctionnements des services de l'État. Elles avaient en conséquence assigné l'agent judiciaire de l'État devant le tribunal d'instance du XIIIe arrondissement de Paris sans obtenir gain de cause et s'étaient alors pourvues en cassation.

Parmi les dysfonctionnements, les plaignants dénonçaient le classement sans suite par le parquet de signalements d'enseignants sur l'état de la fillette, "après une courte enquête de quelques semaines".

Ils pointaient également des carences des services de gendarmerie, qui n'avaient entendu ni ces enseignantes, ni la directrice d'école, ni le médecin scolaire ayant examiné Marina, pas plus que les parents tortionnaires, en se contentant d'un mot d'excuse de leur part.

- Un recours devant la CEDH envisagé -

Dans son arrêt, la Cour de cassation a confirmé l'analyse du juge d'instance qui a reconnu certains manquements tout en estimant qu'ils ne constituaient pas pour autant une "faute lourde", exigée par les textes pour engager la responsabilité de l’État.

Dans son jugement, repris par la Cour de cassation, le tribunal avait fait valoir qu'un "substitut des mineurs avait diligenté une enquête" après le signalement de la directrice d'école de Marina pour suspicion de mauvais traitements. Il ajoutait que "contrairement aux allégations des associations, aucun élément d'information communiqué par les enseignants au procureur n'incriminait les parents" et que l'enfant, "souriante", avait donné "une explication circonstanciée pour chaque cicatrice révélée par un expert".

Les associations Enfance et partage et Innocence en danger ont déploré dans des communiqués la décision de la Cour de cassation et indiqué qu'elles étudiaient "la possibilité de saisir la Cour européenne des Droits de l'Homme (CEDH)".

Elles soulignent que le ministère public avait lui-même reconnu les carences du parquet lors du procès des parents de Marina et que le parquet du Mans avait signé en 2013 un protocole de travail avec les services sociaux répondant en tous points aux dysfonctionnements constatés.

Elles rappellent enfin qu'un rapport du Défenseur des enfants a conclu fin juin à "un enfermement des acteurs dans une logique institutionnelle ainsi qu'"à un déficit important de rigueur et de méthode" dans ce dossier.

Dans un communiqué, le défenseur des droits, Jacques Toubon, et la défenseur des enfants, Geneviève Avenard, ont indiqué qu'ils se montreraient attentifs aux suites données aux préconisations de ce rapport pour "améliorer les dispositifs de protections de l'enfance".

Pour les avocats d'Innocence en danger, "l'exigence d'une faute lourde" constitue "une condition légale trop restrictive pour les droits et libertés". Car, disent-ils, "elle peut aboutir, comme dans ce dossier, à tolérer des fautes jugées pas suffisamment graves pour engager la responsabilité de l’État alors qu'elles sont pour partie responsables de la mort d'un enfant".

"La justice ne sort jamais grandie à ne pas reconnaître ses errances", a déploré auprès de l'AFP Me Rodolphe Costantino, avocat d'Enfance et partage.

"Dans un excès de juridisme, la Cour a couvert aujourd'hui les manquements du service public et, plus grave, a adressé aux acteurs judiciaires chargés de l'enfance le message de ne rien changer à leurs pratiques", a-t-il regretté.

Source : AFP

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