Maires : la vie d’après

  • En Aveyron, 104 communes (sur 304) ont changé de magistrats le 23 ou le 30 mars dernier.
    En Aveyron, 104 communes (sur 304) ont changé de magistrats le 23 ou le 30 mars dernier. José A. Torres
Publié le
Rui Dos Santos

Clin d’œil. Après de nombreux mandats au service de leur commune, comme un véritable sacerdoce, ces élus ont évité le mandat de trop, ont été battus, avaient préparé leur succession, ont décidé de se consacrer à autre chose, ont disparu du paysage politique. Neuf mois après les élections municipales, ils racontent ce qu’ils sont devenus.

Après de nombreux mandats au service de leur commune, comme un véritable sacerdoce, ces élus ont évité le mandat de trop, ont été battus, avaient préparé leur succession, ont décidé de se consacrer à autre chose, ont disparu du paysage politique. Neuf mois après les élections municipales, ils racontent ce qu’ils sont devenus.  

Claude Bou (Castanet) «Il était temps de passer à autre chose»

Ayant fait carrière dans l’enseignement des mathématiques, notamment au collège de Rieupeyroux, Claude Bou est certes à la retraite depuis 2007 mais il sait toujours faire les comptes. Surtout les additions. Tout a ainsi commencé en 1977: un mandat de conseiller + trois d’adjoint + deux de maire = 37 années consacrées à la commune de Castanet; celle où il a vu le jour le 25 juin 1947. Pour lui, «il était temps de passer à autre chose». C’est ainsi qu’il s’adonne à diverses activités personnelles, dont le bricolage. Il a aussi conservé la présidence de Ségala vivant - «Pour trois ans seulement» -, association qui s’occupe de la promotion du tourisme sur ce territoire. S’il n’a «plus les responsabilité», il avoue clairement «ne pas avoir tourné la page». Il précise volontiers ce propos: «C’est difficile de changer les habitudes. Le téléphone ne sonne plus. Je ne m’implique pas mais je m’intéresse à tout ce qui se passe, je suis en attente d’informations. Surtout sur l’intercommunalité… Il faut consulter la population». 

Jean Geniez (Sainte-Eulalie-de-Cernon) : «L'impression d'être dégradé 

Pour une quinzaine de voix, Jean Geniez n’a pas conservé son siège en mars dernier. Un siège qu’il avait eu le temps de modeler à sa forme puisqu’après avoir été conseiller municipal de 1977 à 1980, il a pris les rênes cette année-là jusqu’en 2014 pour cinq mandats consécutifs et un peu plus. Né le 15 février 1945, à Sainte-Eulalie-de-Cernon, il a également été conseiller général de Cornus, de 1982 à 2008, où là aussi il a succédé à Georges Bolton. S’il se contente de murmurer qu’il est «déçu de l’attitude» de ceux qui lui ont succédé à la mairie, Jean Geniez ne cache pas qu’il a «mal vécu de redevenir un simple citoyen». «C’est difficile de se dire que, après plus de trois décennies à servir la commune, du jour au lendemain tu n’y retournes plus !, poursuit-il. J’ai eu le sentiment d’être privé du pouvoir, d’être en quelque sorte “dégradé”». Neuf mois plus tard, il est affirmatif: «Je ne vois pas le temps passer». Cet ancien exploitant agricole, en Gaec dès 1966 et à la retraite depuis 2003, reconnaît se tenir au courant, a conservé la présidence de l’ADMR prise en 2006 - «J’y vais deux jours par semaine et je m’y plais» -, mais c’est sa femme qui trouve qu’il a changé. «Je continue le jardinage car j’aime le travail de la terre et j’ai appris le bricolage, sourit-il. Et puis, je suis un type de gauche mais pas anticlérical. Alors j’aide à la paroisse !».

Claude Cayla (Belcastel) :  «Difficile de tourner la page»

«C’est vrai que c’est un peu brutal comme transition et qu’il n’est pas facile de passer derrière». Cette formule n’a rien de prétentieux dans la bouche de Claude Cayla. Elle exprime juste qu’il est «difficile de tourner la page après cinq mandats consécutifs». D’autant que, s’il a été élu maire en 1983, ce minotier à la retraite a intégré en 1971 le conseil municipal de cette commune où il est né le 13 juillet 1941. Au-delà de cette «nouvelle vie» qu’il a choisie, avouant qu’il avait «assez donné», il murmure juste un regret: «Mon successeur connaît des difficultés mais il ne vient pourtant pas me voir. C’est maladroit. Je me dis qu’il est en phase d’apprentissage et qu’il a besoin de temps». Président de l’association départementale des Plus beaux villages de France, vice-président national, Claude Cayla goûte «avec gourmandise» à diverses activités qu’il n’avait pas (plus?) le loisir de pratiquer: «J’ai pris des vacances, à Sète en l’occurrence, et je marche énormément. Grâce à la randonnée, j’ai d’ailleurs perdu 14 kg et ma santé va mieux».

 

Claude Couronne (Bor-et-Bar) : "Ça fait un creux les premiers jours"

Né à Bar, Claude Couronne soufflera ses 80 bougies le 19 mars 2015. Huit décennies dont près de six consacrées à son village!…. Il a ainsi embrassé la vie municipale en… 1958: un mandat de conseiller, trois d’adjoint et cinq de maire. «Du coup, je m’identifie un peu à la commune, s’amuse-t-il. On se prend vite et facilement au jeu. Mais, c’était de la gestion. J’ai privilégié le sens pratique à la politique». Et l’intéressé d’ajouter: «J’ai eu le temps de réaliser beaucoup de choses, d’effectuer des travaux mais j’ai pris soin d’en laisser un peu aux suivants». Claude Couronne est donc «fier de l’investissement» mais il est catégorique: «Il faut savoir arrêter». Si Dominique Guy, son successeur et ancien 1er adjoint durant trois mandats, continue de le solliciter pour quelques conseils, il a «tourné la page». «C’est un choix, un acte volontaire. Disons que ça fait un creux les premiers jours, reconnaît-il. Je ne vois pas passer les journées. J’aime le jardinage et je consacre du temps à mes enfants, à mon épouse». Et de lâcher: «Je participe à des activités mais, comme j’ai toujours eu l’habitude de donner mon avis, j’ai du mal à ne pas le faire».

Jean-Pierre Cieutat (Vailhourles) : «J’ai vraiment l’impression que je n’ai jamais été maire ».

Jean-Pierre Cieutat a l’art du contre-pied et aussi des formules chocs. S’il a toujours dénoté dans le milieu politique, il assure là que, pour une fois peut-être, il est tout à fait sincère. Né à Figeac le 22 juin 1948, il a pris les rênes de la commune en 1990, un an après les élections municipales et suite à la démission de son prédécesseur. Il a donc enchaîné quatre mandats. Difficile de croire donc que, en un quart de siècle, il n’a pas senti l’écharpe tricolore autour du cou… La vérité est ailleurs. «Je suis indifférent à ce qui s’est passé le 30 mars dernier. En fait, cela ne me fait ni chaud ni froid !», insiste Jean-Pierre Cieutat. Il explique: «J’avais décidé d’arrêter. Si j’ai dit oui, c’est uniquement pour tirer la liste et qu’elle soit élue. J’aurais assuré six mois et pas une seconde de plus. Les électeurs ne m’ont pas voulu, je n’ai aucune rancune car l’essentiel est qu’on ait gardé les clés[TXT]». Et de conclure: «J’ai tourné la page. Aujourd’hui, c’est du pur bonheur car ce que j’ai fait, et que je ne regrette pas, l’a été au détriment de ma famille et de ma vie professionnelle. 

Jean-Paul Linol (Cransac) : «Ce que je souhaitais le plus au monde»

Après avoir été pendant dix ans, de 1983 à 1993, conseiller municipal, Jean- Paul Linol a succédé à André Requi dans le fauteuil de maire de Cransac. Ces trois décennies au service de la commune du Bassin où il est né le 27 décembre 1948 avaient, certes, été «très enrichissantes» et «une expérience très forte au niveau humain». Ce cadre bancaire à la retraite avait en effet décidé, depuis plusieurs mois, qu’il ne resolliciterait pas les suffrages en mars 2014. Mais il envisageait toutefois «de garder un œil attentif» sur la vie de la commune. La maladie en a décidé autrement! «J’ai eu quelques problèmes au printemps et les examens ont confirmé un cancer de l’œsophage, explique l’intéressé. Du coup, je n’ai pas eu le choix. Il a fallu que je me soigne, que je me repose, que je m’occupe de moi». C’est ainsi que Jean- Paul Linol a pris son mal en patience. Tout en gardant la présidence de l’office de tourisme, il œuvre de toutes ses forces pour le casino qui doit ouvrir dans quatre mois… «C’est l’affaire de ma vie de maire depuis 20 ans. C’est ce que je souhaitais le plus au monde», conclut-il.

Jean Mouly (Lanuéjouls) :  «Passer le relais, ne pas s’incruster»

Lecture, travaux à la maison (il était d’ailleurs perché sur une chaise, un pinceau à la main, au moment de répondre) et des voyages - «Même si je ne suis pas fanatique !» -, Jean Mouly reconnaît avoir «des journées bien remplies». Ancien chef technicien à la DDAF (Direction départementale de l’agriculture et de la forêt) à Rodez durant 37 ans, né à La Capelle- Bleys le 16 février 1943, il a enchaîné quatre mandats de maire entre 1989 et 2014. «Il y a certes l’âge mais c’est un faux problème, avoue-t-il volontiers. J’ai surtout ressenti un sentiment de lassitude; il faut savoir passer le relais, ne pas s’incruster». Même s’il n’a pas pu tourner complètement la page, gardant la délégation au syndicat de l’eau Montbazens- Rignac et acceptant la vice- présidence de l’association Services Plus (qui chapeaute les foyers intergénérations de Galgan, Drulhe et Lanuéjouls), Jean Mouly a néanmoins «donné un sacré coup de frein» et s’accorde «une vie paisible». Et de conclure: «Je sais ce qu’on a mis en place en un quart de siècle… On a fait bouger Lanuéjouls et je n’ai aucun regret. D’autant que je m’y étais préparé».

Jean-Pierre Marty (Escandolières) : «Ça ne m’a pas manqué longtemps 

Après avoir mis le pied à l’étrier à Bournazel en 1977 (commune où il a vu le jour le 28 juillet 1947), comme conseiller municipal d’opposition, Jean-Pierre Marty a franchi une vallée, tout en restant dans le même canton, pour rejoindre la patrie de son épouse, où il a pris les rênes en 1983. Élu maire d’Escandolières pendant trois mandats successifs jusqu’en 2008, il a revêtu la tenue de conseiller municipal durant six ans du fait d’une mutation professionnelle à Albi. Avant de se retrouver avec l’écharpe tricolore au- tour du cou entre 2008 et 2014, et de laisser les clés à Isabelle Baron. «Je vis pleinement ma retraite, tant professionnelle (depuis 2007) que municipale, assure Jean-Pierre Marty. Mes journées sont ainsi bien remplies entre le jardinage, la chasse et le bricolage... Sans oublier le temps que je peux consacrer à ma famille». S’il reconnaît que «le réflexe était de partir à la mairie tous les jours», il avoue aussi: «Ça ne m’a pas manqué longtemps !». «Je suis beaucoup plus détaché que quand j’étais aux affaires... Disons que c’est plus facile d’être commentateur ou observateur qu’acteur», conclut celui qui est resté délégué au syndicat de l’eau Montbazens-Rignac. 

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