Vieillir chez soi, un idéal qui a ses limites

  • "Les Ehpad ne disparaîtront pas", assure à l'AFP Philippe Wender, 84 ans, résident d'un établissement pour personnes âgées du Val-de-Marne où il se sent comme chez lui.
    "Les Ehpad ne disparaîtront pas", assure à l'AFP Philippe Wender, 84 ans, résident d'un établissement pour personnes âgées du Val-de-Marne où il se sent comme chez lui. Mito Images/Shutterstock
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(AFP) - Vieillir chez soi plutôt qu'en établissement est un idéal souvent exprimé dans les enquêtes mais se posent alors les questions de l'adaptation des logements et des soins en cas de perte d'autonomie, insistent témoins et spécialistes.

"Les Ehpad ne disparaîtront pas", assure à l'AFP Philippe Wender, 84 ans, résident d'un établissement pour personnes âgées du Val-de-Marne où il se sent comme chez lui.

Président de l'association Citoyennage, qui défend les droits des personnes âgées vivant en institution ou à domicile, il juge qu'"avec le vieillissement de la population, il y a besoin d'établissements pour accueillir les personnes âgées qui ont des difficultés et dont il faut prendre soin".

Il reste que "en Europe, selon les données actuelles des enquêtes d'opinion, le choix de la maison de retraite reste peu valorisé", estime la chercheuse de l'université Paris-Dauphine Anne Laferrère dans le dernier numéro de la revue scientifique Gérontologie et Société, paru en octobre.

"Vieillir sur place", c'est-à-dire en logement privé "dans la communauté", plutôt qu'en maison de retraite "dans une communauté", est l'option préférée selon l'enquête SHARE (Survey on Health Ageing and Retirement in Europe) menée tous les deux ans auprès de 80.000 Européens de plus de 50 ans dans 11 pays, écrit cette économiste dans l'introduction à l'étude ("Vieillir chez soi: apport des expériences étrangères et des comparaisons internationales").

- Exemples européens -

Les alternatives à l'Ehpad ne manquent pas. Le gouvernement français a annoncé lundi le lancement d'un projet pour la création d'ici 2026 de 500 habitats "inclusifs" pour personnes âgées au coeur des petites villes. La ministre de la Cohésion des territoires Jacqueline Gourault défend, "entre le maintien à domicile et l'Ehpad", une solution qui "permet d'habiter avec d'autres personnes, mais dans un format de collocation ou de petite unité de vie".

Sur le modèle nord-américain du "cohousing" ont été créés en Europe des logements-foyers où des personnes encore valides vivent ensemble. Ce sont les "résidences-autonomie" en France ou les "logements protégés" suisses. L'expérience française d'Ehpad "hors les murs" propose un accompagnement renforcé à domicile mais pose des contraintes organisationnelles qui en limitent l'étendue, selon l'étude de Gérontologie et Société.

Au Luxembourg, a été instituée il y a plus de vingt ans une "assurance-dépendance" dont la priorité est le maintien à domicile. En Allemagne, la prise en compte du besoin de soins par la "Pflegeversicherung" (assurance soins) fait de l'adaptation du logement un droit universel, indépendamment de l'âge et du niveau de revenu. Les Länder (régions) complètent des aides de l'État pour rendre l'investissement et l'amélioration du parc bâti plus accessible.

Dans Gérontologie et Société, l'architecte française Fany Cérèse met en exergue l'exemple des Pays-Bas où on constate la "prégnance très forte de la logique +domiciliaire+", marquée par la "fermeture des structures d'hébergement médicalisées au profit de logements assistés".

Des "villages de logements assistés pour personnes âgées dépendantes" ont été construits dans les environs d'Amsterdam. L'idée est que, quel que soit le niveau de handicap, on reste dans ce qui est un domicile privé, adossé à une structure collective qui apporte aide et soins.

"Pour satisfaire ce désir de +vieillir sur place+, il faudra adapter logements et quartiers, organiser et financer les soins à domicile, adapter les Ehpad aux handicaps lourds et à la fin de la vie", insiste Anne Laferrère.

Philippe Wender défend pour sa part auprès de l'AFP un modèle d'établissements pour personnes âgées "mieux intégrés dans le tissu local, de taille humaine et où la vie communautaire n'est pas une contrainte, avec notamment une liberté d'aller et de venir".

"Les personnes vivant à domicile envient notre vie sociale", confie l'octogénaire, qui rappelle que "l'idée de vieillir chez soi implique aussi celle d'y mourir", parfois seul, comme l'épidémie de Covid-19 l'a cruellement montré.

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