Little Simz ne dit pas merci à l'industrie musicale

  • Dès "Angel", titre d'ouverture de "No Thank You" ("Non Merci"), la Londonienne aux racines nigérianes déverse sa bile sur les faux-semblants de l'industrie musicale. Dès "Angel", titre d'ouverture de "No Thank You" ("Non Merci"), la Londonienne aux racines nigérianes déverse sa bile sur les faux-semblants de l'industrie musicale.
    Dès "Angel", titre d'ouverture de "No Thank You" ("Non Merci"), la Londonienne aux racines nigérianes déverse sa bile sur les faux-semblants de l'industrie musicale. Courtesy of AWAL Recordings Ltd
Publié le
ETX Daily Up

(AFP) - "Je peux voir comment une artiste peut être spoliée, frustrée", scande la rappeuse londonienne Little Simz sur "No Thank You", album surprise et marquant de cette fin d'année, bras d'honneur au business musical.

Gagner la prestigieuse récompense britannique du Mercury Prize en octobre ne l'a donc pas assagie, à 28 ans.

Le titre de son précédent album, "Sometimes I Might Be Introvert", pour lequel elle a été encensée, n'était donc pas à prendre au pied de la lettre ("Parfois, je peux être introvertie").

Dès "Angel", titre d'ouverture de "No Thank You" ("Non Merci"), la Londonienne aux racines nigérianes déverse sa bile sur les faux-semblants de l'industrie musicale.

"Je peux voir comment une artiste peut être spoliée, frustrée/Ils s'en foutent si tu es au bord du gouffre psychologiquement/Tant que tu remplis la feuille de paie de quelqu'un (...) Yeah, je refuse d'être sur un navire négrier", entend-on dans son flow imparable.

"Little Simz me fait penser à Kae Tempest (artiste britannique en vue), pas sur la partie instrumentale mais sur le flow, extrêmement dense. Ce sont des artistes qui se racontent. La rébellion, clairement, est de leur côté", commente pour l'AFP Luc Broussy, directeur de la revue musicale Magic.

- "Bosser deux fois plus" -

Avec cet album, Little Simz, adoubée par des pointures, de Kendrick Lamar à Damon Albarn, continue de creuser le sillon de son indépendance.

"No Thank You" est sorti un lundi et non un vendredi, jour consacré par le business musical pour une diffusion. Et, ce, sans être précédé par un seul single ou une campagne de promotion comme il est de coutume.

Son premier clip fait lui plus de dix minutes, mixant en réalité des extraits de différents titres et de leurs vidéos associées.

Celle qui est aussi actrice (comme dans "Top Boy", sur Netflix, dont un des producteurs est la mégastar Drake) brandit toujours plus haut l'étendard de la révolte. Celle d'une jeune artiste à la peau noire dans un milieu toujours dirigé en majorité par des quinquagénaires (voire plus) blancs.

Dans le morceau "No Merci", autre variation avec un mot en français du titre du disque, cette fan du club de foot d'Arsenal lâche ainsi: "Donnez leur notre confiance et ils nous offrent un +blackface+ (se noircir le visage pour dénigrer une personne, ndlr)/Pourquoi vouloir se moquer de ma peine ?".

"Ma mère m'a toujours dit: +Tu es une fille noire, il faudra bosser deux fois plus dur+", confiait-elle récemment dans le journal britannique The Guardian. "J'ai eu des profs qui ont écorché mon prénom: +Sim-baya-tu, Sim-baya?+. C'est Simbiatu. J'ai été arrêtée, fouillée, pour délit de faciès, ce genre de choses. J'en parle depuis le début dans ma musique".

- "Qui est cette femme ?" -

"Sometimes I Might Be Introvert" était également une manière d'affirmer son identité, puisque les initiales de l'album forment Simbi, diminutif de son prénom.

Une façon aussi de dire qu'elle ne se plie pas à tout ce qu'on attend d'elle: "dans cette industrie (musicale), vous êtes censée être cette personne extravertie tout le temps", déplore-t-elle dans The Guardian.

Dans "No Thank You", le ressentiment est toujours là, dans un show-biz qui cherche à formater les artistes. "Tu ne reconnais même pas ce que tu deviens", rappe-t-elle dans "Heart on Fire", et "Qui est cette femme que je vois dans le miroir ?" dans "Gorilla".

La cartographie musicale de Little Simz, encore une fois épaulée par son architecte du son Inflo, échappe en tout cas à toute formule simpliste.

"No Thank You" est un "album rap d'une grande diversité, qui mêle des influences jazz à la A Tribe Called Quest (groupe-pilier d'un hip-hop américain érudit) ou des orchestrations à la John Barry (compositeur des B.O. de James Bond)", comme le dit Luc Broussy.

"C'est en Angleterre aujourd'hui qu'on se tourne quand on parle de scène actuelle innovante", conclut-il.

Voir les commentaires
Réagir
Vous avez droit à 3 commentaires par jour. Pour contribuer en illimité, abonnez vous. S'abonner

Souhaitez-vous recevoir une notification lors de la réponse d’un(e) internaute à votre commentaire ?