Une proposition de loi pour sanctionner les clients de prostituées

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AFP

Les députés vont se pencher sur une proposition de loi visant à sanctionner les clients de prostituées, un sujet âprement discuté entre partisans de l'abolition de la prostitution et défenseurs d'une "prostitution choisie".

Le texte des députés PS Maud Olivier et Catherine Coutelle devrait être examiné mercredi soir ou vendredi. Il propose de punir l'achat d'actes sexuels d'une amende de 1.500 euros, doublée en cas de récidive. Sans interdire la prostitution, légale en France.

Ses détracteurs la jugent hypocrite, car elle va par ricochet empêcher les prostituées d'exercer leur activité.

La pétition "Touche pas à ma pute" de "343 salauds" - dont le journaliste Eric Zemmour ou l'écrivain Frédéric Beigbeder - a lancé la polémique. Plusieurs célébrités, Catherine Deneuve ou Charles Aznavour, ont signé aussi une pétition du chanteur Antoine contre le texte.

"Le débat va être assez animé", a dit à l'AFP Maud Olivier, rapporteur du texte.

Il s'agit de "dissuader le client et de faire comprendre qu'on n'achète pas un acte sexuel", insiste-t-elle. Son argument: la "prostitution est une violence", comme le répète Laurence Noëlle, ex-prostituée "écoeurée" que certains "voient encore la prostitution comme nécessaire".

Mme Olivier voulait une peine de prison en cas de récidive. Mais elle s'est heurtée au refus de son groupe parlementaire. "Il y a une petite révolution à faire dans les esprits", explique-t-elle. "Le délit pourra faire l'objet d'amendements, mais ce sera sans peine de prison".

"Choisir la contravention, c'est punir l'achat d'actes sexuels moins lourdement que le fait de partir sans payer de la terrasse d'un bar", insiste Grégoire Théry, du Mouvement du Nid, partisan de la pénalisation.

Serait sanctionné "le fait de solliciter, d'accepter ou d'obtenir des relations sexuelles d'une personne qui se livre à la prostitution, y compris de façon occasionnelle, en échange d'une rémunération, d'une promesse de rémunération, de la fourniture d'un avantage en nature ou de la promesse d'un tel avantage".

On estime à plus de 20.000 les prostituées en France.

Alternative à l'amende ou sanction complémentaire, un "stage de sensibilisation à la lutte contre l'achat d'actes sexuels" est prévu. Il sera sans doute le plus utilisé, prévoit l'entourage de la ministre des Droits des femmes Najat Vallaud-Belkacem.

"Loi contre les putes"

Le texte s'inspire de la Suède, qui pénalise les clients depuis 1999 et affirme avoir réduit la prostitution de rue de moitié en dix ans.

Mais la surveillance policière contre les clients va pousser les prostituées à la clandestinité, déplore Jean-François Corty (Médecins du Monde). "Elles pourront moins négocier avec le client, seront plus exposées aux violences".

Les "indépendantes" (15% des prostituées) dénoncent elles "une loi contre les putes" qui fera chuter leurs revenus.

"Cela aura les mêmes conséquences désastreuses en terme de santé et de précarité que le délit de racolage" qui a poussé les prostituées à se cacher pour éviter les interpellations, affirme Morgane Merteuil, du Syndicat du travail sexuel (Strass).

En Suède, rétorque Maud Olivier, "cela ne s'est pas traduit par le développement d'une prostitution cachée", ni par une hausse des agressions de prostituées. Au contraire, grâce à l'abrogation du délit de racolage, prévu également par la proposition de loi, les prostituées "ne devront plus se cacher", avance-t-elle.

Ce délit créé en 2003 punit les prostituées de 2 mois de prison et 3.750 euros d'amende. Son abrogation rencontre un large consensus mais des députés de droite pourraient s'avérer réticents à supprimer une mesure de Nicolas Sarkozy contre les réseaux de proxénètes.

Elle a peu contribué au démantèlement des réseaux, dit le ministre de l'Intérieur Manuel Valls, mais "c'est un outil de gestion de l'ordre public", qui "aide à la connaissance des réseaux", via les garde à vue et les auditions.

La proposition de loi prévoit aussi des mesures d'accompagnement social et professionnel pour celles qui veulent quitter la prostitution, avec un "parcours de sortie" financé par un fonds dédié de 10 à 20 millions d'euros par an.

Pour les personnes étrangères engagées dans ce parcours, un titre de séjour de six mois, renouvelable, est prévu, ainsi qu'une aide financière temporaire, conditionnés à un arrêt total de la prostitution. "Avec 11,50 euros par jour, personne ne peut s'arrêter", déplore le Strass.

Source : AFP

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