Dominique Barrau : «L’agriculture ne doit pas se replier sur elle-même»

  • Pour Dominique Barrau, «la déconnexion entre produits et moyens de produire» pose aussi un problème.
    Pour Dominique Barrau, «la déconnexion entre produits et moyens de produire» pose aussi un problème. LC
Publié le , mis à jour
Philippe Routhe

Entretien. Dominique Barrau est agriculteur à Luc et secrétaire général de la FNSEA, le puissant syndicat agricole français. Il a les deux casquettes quand il se rend au Salon de l’agriculture, à Paris, qu’il fréquente depuis 25 ans. À ce titre, il a un œil aiguisé sur l’évolution de grand rendez-vous agricole, qui ne prend peut-être pas le virage qu’il souhaite. Il soulève là quelques interrogations. Rencontre.

Avant toute chose, quelle est votre histoire avec ce Salon de l’agriculture ?

Ma première visite doit remonter à vingt-cinq ans en arrière. J’étais juste agriculteur. Dans ce salon, il y avait les animaux, les produits et les outils. Mais depuis 2002 et mes prises de fonction au sein de la FNSEA, c’est devenu pour moi un lieu de rendez-vous et de prises de contacts. Et quand j’évoque cette première visite, cela soulève un point criant cette année pour ce salon: la déconnexion entre les produits et les moyens de produire. Cela m’a sauté aux yeux quand je me suis rendu au Sima, à Villepinte (1). Or, un pour cent de la population vient au salon rencontrer des agriculteurs fiers de leur métier. Et là, on laisse l’image d’une agriculture nostalgique alors qu’à Villepinte, c’est une agriculture à la pointe de la technologie et du modernisme. Il y a là un problème. J’en ai d’ailleurs fait part à mon président Xavier Beulin.

Est-ce à dire que vous préféreriez voir des machines agricoles à la place des enseignes de distribution comme Lidl, qui a fait son apparition cette année ?

Clairement ! Le salon est un endroit où les enseignes de distributions ont pris beaucoup de place. En même temps, ils ont acheté cet espace.

Comment percevez-vous cette présence ?

Je la perçois comme un risque. Aujourd’hui, l’agriculture française, voire de l’Europe de l’ouest est enviée pour le fait d’avoir très rapidement satisfait à l’autosuffisance alimentaire en gardant sa diversité, son savoir-faire et en proposant des produits issus de son territoire. De la vigne à la viande, il y a d’ailleurs des salons professionnels qui mettent bien cela en évidence. Quant à la distribution, elle propose des prix bas aux consommateurs et permet juste à l’agriculture de sortir un peu la tête hors de l’eau. Mais pas plus. Or, quand on voit le développement ailleurs de l’agriculture, je ne voudrais pas que ce développement passe par la distribution, ce n’est pas en tout cas notre vision des choses.

On aborde là un volet un peu politique de l’agriculture. À ce sujet, la visite de François Hollande s’annonçait un peu compliquée. Finalement, elle ne s’est pas trop mal passée.

Cela s’est effectivement bien passé à l’intérieur du salon. Il faut dire qu’à notre niveau, nous avons bien pris en compte que le programme présidentiel passe par une visite au salon. Nous y travaillons depuis octobre. Et s’il n’y avait pas eu d’avancées sur quelques sujets, la visite aurait pu être difficile. Or, la veille de l’ouverture du salon, il y a eu une importante journée de travail en prévision du COP 21 (2), et le cadre de travail sur la contribution de l’agriculture. Une réunion au cours de laquelle toutes les tendances politiques étaient réunies. Des propositions intéressantes en matière de recherche et développement ont notamment été avancées. Car il n’est pas question pour l’agriculture de se replier sur elle-même. C’est à l’image de ce salon, où les éleveurs sont fiers de présenter leurs produits et leur travail. 

Et parmi eux, il y a les Aveyronnais.

Oui. Et je peux dire qu’en tant qu’Aveyronnais, on est fiers. Je croise beaucoup de monde, et pas un ne manque par exemple de me parler de l’aligot qu’il a mangé ! L’Aveyron fait partie de ces départements qui ont eu l’audace de se présenter au salon, et cela se sait. La visite du maire de Paris, Anne Hidalgo sur le stand de l’Aveyron, lors de la journée de mardi, en témoigne. C’est une bonne vitrine. Il y a 25 ans, cela n’avait rien à voir avec ce que l’on voit aujourd’hui.

(1) Le Sima est le mondial des fournisseurs de l’agriculture de l’élevage. Il a eu lieu du 22 au 26 février 2015.

(2) La France va accueillir et présider la 21e conférence des parties de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques de 2015 (COP21/CMP11), aussi appelée «Paris 2015» du 30 novembre au 11 décembre 2015.

Voir les commentaires
Sur le même sujet
Réagir
Vous avez droit à 3 commentaires par jour. Pour contribuer en illimité, abonnez vous. S'abonner

Souhaitez-vous recevoir une notification lors de la réponse d’un(e) internaute à votre commentaire ?