Déchéance de nationalité: Valls gomme la référence aux binationaux pour faire passer la mesure

  • Le Premier ministre Manuel Valls présente un projet de révision constitutionnelle à la Commission des lois de l'Assemblée nationale à Paris, le 27 janvier 2016
    Le Premier ministre Manuel Valls présente un projet de révision constitutionnelle à la Commission des lois de l'Assemblée nationale à Paris, le 27 janvier 2016 AFP - JOEL SAGET
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Centre Presse Aveyron

L'extension de la déchéance de nationalité dans la Constitution ne comprendra finalement "aucune référence" aux binationaux afin de ne pas les "stigmatiser", a annoncé mercredi Manuel Valls, même si, en pratique, ils resteront les seuls exposés à cette mesure qui fracture la gauche.

"Aucune référence à la binationalité ne figurera dans le texte constitutionnel ni a priori dans la loi ordinaire", a affirmé le Premier ministre devant la commission des Lois à l'Assemblée nationale, en présentant le texte de la révision constitutionnelle décidée par François Hollande après les attentats du 13 novembre.

Cette solution, une subtilité d'écriture qui permet de ne pas "stigmatiser" les binationaux, avait été critiquée en raison du risque de créer des apatrides. Or en parallèle, la France "s'engagera dans la ratification" de la Convention de 1961 (bien 1961) interdisant la création d'apatrides, a précisé le chef du gouvernement.

Le respect de cette interdiction montre qu'en pratique, la déchéance sera limitée aux binationaux, même si en théorie elle concernera tous les Français.

"Je ne veux piéger personne. La proposition que nous faisons, ça n'est ni de l'enfumage, ni trouver une solution miracle qui permettrait de sortir de je ne sais quelle difficulté", a assuré Manuel Valls.

Le chef du gouvernement a par ailleurs évoqué une peine de "déchéance de tout ou partie des droits attachés à la nationalité" (éligibilité, emploi dans la fonction publique, droit de vote...).

Cette déchéance civique, qui rappelle l'article 131-26 du Code pénal, pourra s'appliquer à tous les Français, qu'ils soient mononationaux ou binationaux, dans le cadre d'un "régime unifié", souligne Matignon.

A la sortie du Conseil des ministres, le porte-parole du gouvernement Stéphane Le Foll a réfuté tout "recul" par rapport à la déchéance promise par François Hollande. "L'objectif est le même et en même temps, on tient compte aussi des remarques", a-t-il dit, réfutant tout "recul".

Ce long débat sur la révision constitutionnelle a connu un nouveau coup de théâtre mercredi matin avec l'annonce par l'Elysée de la démission de la garde des Sceaux Christiane Taubira, opposée à la déchéance de nationalité, et son remplacement par l'actuel président de la Commission des lois Jean-Jacques Urvoas.

Le chef de file des députés Les Républicains Christian Jacob est resté prudent sur la nouvelle rédaction présentée, jugeant qu'il y "avait quelques points de flou". Les voix de la droite sont indispensables pour avoir la majorité des 3/5e au Congrès en faveur de la révision.

- Une demande de LR et du FN satisfaite -

Les députés Front de gauche se sont dit eux toujours opposés à cette réforme constitutionnelle, tout comme une "majorité du groupe écologiste", d'après le député Sergio Coronado. Le député socialiste "frondeur" Christian Paul a dénoncé une "réécriture de maquillage" du nouveau texte, critiquant une hypocrisie totale.

Roger-Gérard Schwartzenberg, patron des députés PRG, a lui jugé que la nouvelle rédaction du texte était un "progrès tout à fait important" susceptible de "rassembler".

Manuel Valls a annoncé mercredi une deuxième évolution par rapport au projet initial présenté fin décembre, prenant en compte une demande des Républicains et du FN: la possibilité de condamner à la déchéance de nationalité pour certains délits liés au terrorisme, et pas seulement les crimes terroristes (plus espionnage et trahison).

L'association de malfaiteurs à caractère terroriste, le financement direct du terrorisme ou l'entreprise terroriste individuelle, tous punis d'une peine de 10 ans d'emprisonnement, seraient ainsi intégrés.

Le Premier ministre veut aussi intégrer de nouvelles mesures dans la loi sur l'état d'urgence: une mesure de "retenue de brève durée" (maximum quatre heures) permettant de garder sur place une personne pendant une perquisition; un régime de saisie temporaire à durée limitée de 15 jours pour des objets lors des perquisitions; et enfin un "droit de suite", si "la perquisition permet de révéler un autre lieu fréquenté par la personne visée".

Ces mesures s'ajouteraient aux modifications déjà apportées à la loi de 1955 en novembre.

Source : AFP

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