Turquie: deux journalistes incarcérés pourraient être libérés avant leur procès

  • Can Dündar, rédacteur en chef de Cumhuriyet, le 3 juin 2015 à Istanbul
    Can Dündar, rédacteur en chef de Cumhuriyet, le 3 juin 2015 à Istanbul CUMHURIYET/AFP/Archives - VEDAT ARIK
  • Manifestation de journalistes turcs en soutien à Can Dündar, rédacteur en chef de Cumhuriyet, et Erdem Gül, le chef du bureau de ce quotidien à Ankara, le 10 janvier 2016 à Ankara
    Manifestation de journalistes turcs en soutien à Can Dündar, rédacteur en chef de Cumhuriyet, et Erdem Gül, le chef du bureau de ce quotidien à Ankara, le 10 janvier 2016 à Ankara AFP/Archives - ADEM ALTAN
  • Manifestation pour la liberté de la presse à Istanbul en Turquie, le 29 novembre 2015
    Manifestation pour la liberté de la presse à Istanbul en Turquie, le 29 novembre 2015 AFP/Archives - OZAN KOSE
Publié le
Centre Presse Aveyron

Deux journalistes turcs d'opposition, incarcérés pour avoir fait état de livraisons d'armes d'Ankara à des rebelles islamistes en Syrie, pourraient sortir de prison avant leur procès, la Cour constitutionnelle turque ayant dénoncé la "violation" de leurs droits.

"Leurs droits à la liberté personnelle et à la sécurité ont été violés", a jugé la Cour, selon son communiqué.

Farouches adversaires du régime islamo-conservateur turc, Can Dündar, rédacteur en chef de Cumhuriyet, l'un des principaux journaux d'opposition, et Erdem Gül, son chef de bureau à Ankara, sont accusés d'espionnage, de divulgation de secrets d'Etat et de tentative de coup d'Etat, et écroués fin novembre.

En cause, la diffusion en mai d'un article et d'une vidéo sur l'interception par des gendarmes turcs en janvier 2014 à la frontière syrienne de camions appartenant aux services secrets turcs (MIT) et transportant des armes destinées à des rebelles islamistes syriens.

Le parquet d'Istanbul a requis à leur encontre la peine la plus lourde prévue par le code pénal turc, la réclusion criminelle à perpétuité, et fixé la date de l'ouverture de leur procès au 25 mars.

L'incarcération des deux journalistes, depuis 92 jours déjà, a suscité un tollé en Turquie comme hors de ses frontières: une campagne internationale a été entamée pour réclamer leur libération. L'Union européenne, à laquelle souhaite de longue date adhérer la Turquie, a également demandé leur remise en liberté.

Can Dündar et Erdem Gül sont enfermés dans le centre pénitentiaire de Silivri, dans la lointaine banlieue stambouliote.

Avec ce jugement de la Cour constitutionnelle, un tribunal pénal pourrait accéder à la requête de leurs avocats en vue de leur libération immédiate, selon des experts juridiques.

"Le tribunal ne peut s'opposer au jugement de la cour suprême. Elle est dans l'obligation de libérer les deux hommes", a estimé le professeur de droit Ersan Sen, sur la chaîne NTV.

Le tribunal d'Istanbul chargé de cette affaire a rejeté à plusieurs reprises une demande de mise en liberté des deux journalistes avant leur procès.

- "Payer le prix fort" -

Publié à quelques jours des élections législatives de juin 2015, l'article avait provoqué la fureur du président Recep Tayyip Erdogan, dont le gouvernement a toujours catégoriquement nié tout soutien aux groupes islamistes hostiles au président syrien Bachar al-Assad, dont il réclame avec insistance le départ depuis le début de la guerre civile en Syrie, il y a cinq ans.

Les autorités avaient alors affirmé que le convoi intercepté contenait de "l'aide" destinée aux turcophones de Syrie, les Turkmènes.

Le chef de l'Etat, qui a personnellement porté plainte contre les deux journalistes - de même que le chef des services secrets turcs, Hakan Fidan -, avait dénoncé une "trahison" et promis qu'ils allaient en payer "le prix fort".

Son incarcération n'a pas empêché M. Dündar (54 ans), personnalité célèbre en Turquie et auteur de nombreux livres, d'écrire ses habituelles chroniques dans lesquelles il n'exprime pas de regrets, appelant ses lecteurs à ne pas sombrer dans le désespoir.

Le gouvernement turc au pouvoir depuis 2002 est régulièrement montré du doigt par les ONG de défense des droits de l'Homme et de la presse, qui lui reprochent ses pressions de plus en plus grandes sur les médias et l'accusent de vouloir faire taire toute voix critique en Turquie.

Depuis son élection à la présidence en août 2014, M. Erdogan a multiplié les poursuites pour "insultes", visant aussi bien artistes et journalistes que simples particuliers, un délit passible de quatre ans de prison.

La Turquie pointe à la 149e place sur 180 au classement mondial de la liberté de la presse publié par Reporters sans frontières (RSF), qui a fait part jeudi de son "immense joie" à l'annonce de la décision de la Cour constitutionnelle.

Le tribunal d'Istanbul chargé du dossier "doit désormais se conformer à cet arrêt et ordonner la remise en liberté des deux journalistes", a souligné l'organisation, espérant que "les accusations absurdes" portées contre eux seraient levées.

Le secrétaire général du Conseil de l'Europe, Thorbjørn Jagland, a également espéré leur libération "rapide".

Source : AFP

Voir les commentaires
Réagir
Vous avez droit à 3 commentaires par jour. Pour contribuer en illimité, abonnez vous. S'abonner

Souhaitez-vous recevoir une notification lors de la réponse d’un(e) internaute à votre commentaire ?