Nigeria: Amnesty accuse l'armée d'avoir massacré 350 chiites

  • Le général Tukur Yusuf Buratai (g), chef d'état-major des armées nigérianes et Netsanet Belay (g), directeur d'Amnesty International pour la recherche et le plaidoyer en Afrique, au siège de l'armée à Abuja le 18 février 2016
    Le général Tukur Yusuf Buratai (g), chef d'état-major des armées nigérianes et Netsanet Belay (g), directeur d'Amnesty International pour la recherche et le plaidoyer en Afrique, au siège de l'armée à Abuja le 18 février 2016 AFP/Archives - STRINGER, STRINGER
  • Des chiites pakistanais manifestent à Lahore le 18 décembre 2015 pour dénoncer les massacres de chiites au Pakistan et au Nigeria et pour protester contre la détention du leader chiite nigérian Ibrahim Zakzaky Des chiites pakistanais manifestent à Lahore le 18 décembre 2015 pour dénoncer les massacres de chiites au Pakistan et au Nigeria et pour protester contre la détention du leader chiite nigérian Ibrahim Zakzaky
    Des chiites pakistanais manifestent à Lahore le 18 décembre 2015 pour dénoncer les massacres de chiites au Pakistan et au Nigeria et pour protester contre la détention du leader chiite nigérian Ibrahim Zakzaky AFP/Archives - Arif Ali
  • Le président nigérian Muhammadu Buhari en visite à Pékin, le 12 avril 2016
    Le président nigérian Muhammadu Buhari en visite à Pékin, le 12 avril 2016 AFP/Archives - WANG ZHAO
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Centre Presse Aveyron

Amnesty International a accusé vendredi l'armée nigériane d'avoir abattu délibérément 350 musulmans de la minorité chiite fin 2015 avant d'enterrer leurs corps dans des fosses communes et de détruire les preuves de ce carnage.

Les 12 et 13 décembre, des affrontements s'étaient produits à Zaria, fief du Mouvement islamique du Nigeria (IMN), des chiites partisans de l'instauration d'un régime à l'iranienne, dans l'Etat de Kaduna, dans le nord du Nigeria.

Des membres de l'IMN en procession religieuse avaient bloqué le convoi du chef d'état-major des armées, le général Tukur Yusuf Buratai, provoquant une répression brutale de l'armée.

Dans un rapport intitulé "Révélons la vérité sur les assassinats illégaux et la dissimulation de masse à Zaria", Amnesty International juge sans fondement les allégations de l'armée selon lesquelles les partisans de l'IMN auraient tenté d'assassiner le général, une accusation formellement démentie par le groupe chiite.

Son chef, Ibrahim Zakzaky, et sa femme sont incarcérés à Zaria depuis les faits. Le leader chiite a perdu un œil lors des affrontements, dont il est ressorti partiellement paralysé.

Le rapport d'Amnesty paraît alors que les parties se renvoient la responsabilité des violences. Selon l'organisation de défense des droits de l'Homme, l'armée a agi "illégalement" à Zaria en tirant "à l'aveugle" sur des civils désarmés.

"La raison pour laquelle l'armée a lancé une telle +opération militaire+ n'est pas claire dans une situation de simple maintien de l'ordre public", indique le rapport.

L'armée, qui a souvent été accusée d'abus à l'encontre des civils dans sa lutte contre l'insurrection sunnite Boko Haram, maintient que ses troupes ont réagi à Zaria de manière appropriée.

"L'armée nigériane n'a fourni aucune preuve alimentant ses allégations selon lesquelles les protestataires de l'IMN auraient tenté d'assassiner le chef d'état-major des Armées", poursuit Amnesty, avant d'affirmer que "l'armée nigériane a brûlé vif plusieurs personnes, rasé des bâtiments et jeté les corps dans des fosses communes".

La plupart des preuves ont été "méticuleusement détruites", poursuit le rapport, qui accuse les soldats de couvrir ce carnage en empêchant l'accès au site. "Les corps ont été emmenés, le site rasé, les gravats déblayés, les traces de sang nettoyées, les balles et les douilles ôtées des rues", lit-on.

- 'Ennemis de l'Etat' -

Le porte-parole des forces armées nigérianes, le général Rabe Abubakar, a estimé que le document d'Amnesty était "injuste" et s'est plaint que l'armée n'ait pas été consultée avant sa publication.

"S'ils ont des preuves, qu'ils les montent pour que tout le monde les voie", a-t-il dit à l'AFP.

Il a assuré que les militaires ne s'en prenaient pas aux "citoyens qui respectent la loi". "Ceux que nous avons affrontés devaient être des criminels ou des ennemis de l'Etat", a-t-il dit.

Pourtant, la semaine dernière, un haut responsable régional a affirmé à la commission chargée d'enquêter sur l'incident que 347 corps, dont ceux de femmes et d'enfants, avaient été enterrés dans une fosse commune au lendemain des affrontements.

Dans son rapport, Amnesty fournit des images satellite montrant le lieu d'une "possible fosse commune" dans la zone de Manda, près de la capitale de l'Etat, Kaduna, à environ 80 kilomètres de Zaria.

Bien que le président Muhammadu Buhari se soit engagé à enquêter sur les éventuels crimes de guerre, "à ce jour, aucune mesure concrète n'a été prise pour mettre fin à l'impunité face à de tels crimes", déplore Amnesty.

Des médias nigérians affirmaient jeudi que des procureurs présents à Kaduna ont requis la peine de mort pour 50 membres de l'IMN accusés d'avoir tué un soldat lors de l'incident initial à Zaria.

Ibrahim Zakzaky et l'IMN ont déjà eu maille à partir avec les autorités nigérianes dans leur combat pour créer un Etat islamique à l'iranienne. Le chef religieux a déjà été incarcéré à plusieurs reprises.

Au Nigeria, les chiites forment une petite minorité au sein de la communauté musulmane, essentiellement sunnite, qui y constitue la moitié de la population.

Source : AFP

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