L’artiste Valentin : "Mon abbatiale à moi, c’est la forêt sur les hauteurs de Conques"

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  • Valentin, sur les hauteurs de Conques, face à ces deux arbres et à ces paysages aveyronnais qu'il affectionne tant.
    Valentin, sur les hauteurs de Conques, face à ces deux arbres et à ces paysages aveyronnais qu'il affectionne tant. Reproduction L'Aveyronnais
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Emmanuel Pons

Installé aujourd’hui dans le Tarn, l’artiste Valentin est tombé amoureux des paysages et de la nature autour de Conques. Et plus largement de l’Aveyron, département qu’il a découvert dans les années 1970. Inspiré notamment par deux grands pins qu’il a reproduits quelque trois cents fois.

Avec mon ami René Loviat, on cherchait un coin pour s’installer dans le sud. On est remontés depuis l’Aude et on est arrivés à Marcillac. Là, un notaire nous a dit qu’il y avait une maison sur les hauteurs de Conques…", raconte Michel Girot, alias Valentin. C’est ainsi que les deux copains débarquent de la région parisienne, en 1971, pour s’installer en Aveyron.

Et c’est sur la route qui surplombe le village que Valentin va peindre et repeindre la nature qui l’inspire depuis toujours.

Depuis 1978, Valentin n’a jamais lâché ses pinceaux.
Depuis 1978, Valentin n’a jamais lâché ses pinceaux. L'Aveyronnais - Emmanuel Pons

Premières natures mortes à 12 ans

L’artiste, né en 1945 à Boulogne-Billancourt (92) et formé à Paris aux Métiers d’arts et aux Beaux-Arts, dessine et peint depuis son plus jeune âge.

"J’ai réalisé mes premières natures mortes quand j’avais douze ans, chez ma grand-mère, dans le Poitou", se souvient-il. "Vers 1960 – j’avais 14-15 ans – ma mère me déposait le jeudi au bord de la Seine. Elle me laissait à dix heures le matin et me reprenait vers dix-sept heures. Je dessinais et peignais des aquarelles au bord de l’eau. Depuis, je n’ai jamais vraiment cessé de peindre d’après nature parallèlement à mon travail d’atelier."

"Toujours quelque chose à exprimer face à ces deux arbres"

Les deux pins, huile sur toile, 50 x 50 cm. Tirée de la série "Les deux pins au jour le jour".
Les deux pins, huile sur toile, 50 x 50 cm. Tirée de la série "Les deux pins au jour le jour". Reproduction L’Aveyronnais

Pourtant, à son arrivée à Conques, l’artiste a posé ses pinceaux. "C’était une époque soixante-huitarde. Les mouvements politiques et philosophiques ne considéraient pas bien les artistes." Il faut attendre 1978 pour que Valentin ressorte son chevalet et s’installe face à deux pins majestueux qui bordent la petite route qui mène à sa maison. Des arbres qu’il a reproduits quelque trois cents fois, en comptant les gravures, durant trente ans, captant toutes les lumières de la journée, toutes les ambiances au fil des saisons.

Le paysan

Je finis juste mon travail, quand le paysan arrête son tracteur sur le bas-côté. Il s’approche et me demande ce que je fais :

- Je peins le paysage devant moi.

- Je peux voir ?

Il vient à trente centimètres de la toile.

- Ha bon, dit-il, pas du tout convaincu, je le vois pas le paysage.

- Je peins les premiers pins, là, de l’autre côté de la route.

- Je vois pas, dit-il, jetant un regard désabusé sur ma peinture. C’est de l’art abstrait alors, comme les enfants ?

- Mais non, mais non, reculez un peu Monsieur, encore un peu, là. Retournez vous maintenant et regardez le tableau.

Il se retourne, regarde… Et fait un bond en arrière.

- Ah ! milladiou !, crie-t-il.

L’émotion a jailli. Puis après quelques instants :

- C’est pas croyable, c’est comme la vie, j’ai l’impression de plonger dans le vide entre les deux pins.

Et pensif, il reste. Il prend tout son temps pour méditer le paysage sur la toile, comme je prends le mien pour l’y faire surgir.

Valentin

Il quitte Conques – où il conserve un atelier – pour s’installer à Rodez au début des années 1980. "Mais on garde la petite maison qui reste pour moi un ancrage. Et j’y retournais souvent pour peindre."

Là, il côtoie le milieu culturel ruthénois, en plein développement. Et rencontre le maire de l’époque. "Marc Censi, c’est pour moi le constructeur du Rodez actuel, à tout point de vue. Il avait le goût pour les arts, se souvient Valentin. Il est un artisan du renouveau culturel de la ville. Les musées Denys-Puech, Fenaille, Soulages, c’est lui."

Un atelier à Rodez

Ce musée Denys-Puech à côté duquel il installe un petit atelier. "Mon premier véritable atelier, se souvient-il. Je le dois à Monsieur Carrère. C’est Jeanne Ferrieu – aujourd’hui à la tête de La Menuiserie – qui m’a présenté ce descendant d’imprimeurs." Un local de 70 m2 loué pour 150 francs par mois (moins de 20 €). "Il aimait mes monotypes de châtaigniers, disait-il, dans l’esprit de Viala, l’anarchiste poète, peintre, écrivain."

"À l’époque, rappelle Valentin, les imprimeurs à Rodez étaient aussi éditeurs. Ils imprimaient autant de poésie, de revues littéraires, de journaux, que de timides publicités. Ils encraient les affiches des artistes pour quasiment rien."

Expositions

En plus de 50 ans de carrière, Valentin a souvent exposé ses œuvres. En Aveyron, bien sûr – Marcillac, Villefranche-de-Rouergue, Pruines, Conques, Rodez, notamment deux mois au musée Denys-Puech – ainsi qu’à Paris, Montpellier, Cahors, Toulouse… Et aussi à l’étranger, à Barcelone, Londres, Santa-Fé aux États-Unis, durant quatre mois.

Il continue aujourd’hui à peindre dans son atelier installé dans la campagne tarnaise.

L’artiste passe le milieu des années 1980 entre l’Aveyron et Paris avant de revenir à Rodez au moment de la réouverture du musée Denys-Puech où il organise des conférences, des stages, donne des cours. Il y expose aussi, plus tard, au début des années 2000. "J’en garde un très bon souvenir. Ça avait attiré beaucoup de monde". Il participe aussi à la réouverture de la galerie Sainte-Catherine, toujours à Rodez, avec les artistes aveyronnais Michel Cure ou encore Gérard Marty.

À cette période, il vit à Marcillac où il présente ses œuvres lors d’expositions temporaires au Pont des Arts.

Installé aujourd’hui dans le Tarn, non loin de Cordes, après avoir vécu dans le Lot, Valentin continue à peindre et à sculpter dans l’atelier qu’il a installé dans sa grande maison au bord de la rivière. "Quand tu es passionné par la peinture, tu ne peux pas vraiment avoir un autre métier, note-t-il. À part, peut-être, prof de dessin…"

L’Arbre (1) – Huile sur toile, 50 x 50 cm
L’Arbre (1) – Huile sur toile, 50 x 50 cm Reproduction L'Aveyronnais

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