Mystère : des peintures anciennes de Pierre Soulages qui se mettent soudain à couler, des chercheurs de Toulouse enquêtent

  • Des coulures qui peuvent atteindre quelques centimètres de longueur.
    Des coulures qui peuvent atteindre quelques centimètres de longueur. Capture d'écran - Vidéo CNRS
Publié le , mis à jour
Centre Presse Aveyron

Une équipe de chercheurs du CNRS de Toulouse et une restauratrice doctorante enquêtent sur le phénomène qui touche des toiles réalisées entre 1959 et 1960, à Paris, du maître de l'Outrenoir, le peintre ruthénois Pierre Soulages. Des tableaux peints à la même période par d'autres artistes contemporains seraient également touchés.
 

Des tableaux de Pierre Soulages, le maître de l’Outrenoir, dont la peinture redevient liquide et se met à couler : voilà le mystère que tentent d’élucider à Toulouse une restauratrice spécialiste du peintre aveyronnais, décédé le 22 octobre 2022 à Nîmes, et des scientifiques de l’optique, selon une vidéo mise en ligne le 6 mai 2023 par le CNRS.

La peinture devient de plus en plus molle 

"La peinture, plutôt que de s’oxyder et de devenir de plus en plus cassante devient de plus en plus molle, et quelques fois devient liquide", explique Pauline Hélou de la Grandrière, restauratrice du patrimoine depuis 17 ans, et qui consacre sa thèse à ces altérations.

"Parfois, des empâtements suintent une goutte de liant, qui est de l’huile", ajoute-t-elle. Sur certains tableaux, ces coulures peuvent atteindre plusieurs centimètres, et modifient évidemment le travail de l’artiste.

Des œuvres anciennes concernées

Ce phénomène a été remarqué sur des œuvres produites par Pierre Soulages à Paris entre décembre 1959 et mars 1960. "On retrouve les mêmes altérations dans les peintures de Soulages que dans les peintures d’autres artistes qui travaillaient à Paris à la même période et qui se fournissent chez les mêmes marchands de couleur".

Et de poursuivre : "On a des altérations qui sont très similaires et qui sont liées à un comportement des matériaux très particulier de cette époque", précise Pauline Hélou de la Grandrière dans cette vidéo. "Ces œuvres sont très importantes aujourd’hui pour l’histoire de l’art, parce qu’elles ont contribué à la diffusion de l’abstraction française, et aussi dans l’histoire des œuvres de Soulages parce que c’est une période où il a accédé à un niveau de reconnaissance internationale assez important". 

"Ce n’est pas un problème de séchage"

Pour mieux comprendre ce phénomène, une équipe de scientifique du CNRS, des spécialistes de l’optique, est venue à Toulouse, aux Abattoirs, le musée du Frac Occitanie, pour examiner trois tableaux de Pierre Soulages, sur lesquels Pauline Hélou de la Grandrière est intervenue.

Différents appareils ont été utilisés pour comprendre l’évolution chimique de cette peinture. Car c’est bien une évolution de ses composants qu’il faut tenter de décrypter : "Les peintures ont été sèches, tout à fait sèches. Ce n’est pas un problème de séchage, mais un problème de vieillissement. La peinture redevient fluide et s’écoule des empâtements".

Un prototype pour mieux scruter l'intérieur

Un prototype a été mis au point pour mieux scruter l’intérieur même de la peinture, comme l’explique Mathieu Thoury, physico-chimiste. "On vient sonder la manière dont les liants ou les pigments qui participent aux couches picturales absorbent la lumière et la manière dont ils réémettent cette lumière en luminescence".

Conditions de séchage, exposition précoce...plusieurs pistes explorées

"C’est avec cette technique d’imagerie de luminescence que l’on essaie de comprendre quel est l’état chimique de cette zone plus fluidifiée qui a amené à cette coulure qui ne fait pas partie de la composition originale de l’œuvre". 

Les travaux menés pendant trois jours permettront peut-être de mieux comprendre ce qui se joue dans les tableaux et dans les peintures utilisées par Pierre Soulages, qui vivait et créait alors à Paris, avant de se retirer à Sète, où il a vécu jusqu’à ses derniers jours, à l’âge de 102 ans.

Des œuvres qui auraient comme point commun d’avoir été exposées immédiatement après leur création, et qui ont donc voyagé dans l’obscurité, avec des variations de températures peut-être importantes, peu de temps après avoir été achevées.

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