Villefranche-de-Rouergue. La terrible peste de 1628 dans la Bastide

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  • Avec ses gants, son chapeau et masque, les médecins renvoie à l’image  de la mort. Ils ne sont pas toujours bien accueillis.
    Avec ses gants, son chapeau et masque, les médecins renvoie à l’image de la mort. Ils ne sont pas toujours bien accueillis.
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CORRESPONDANT

Notre série estivale continue. Aujourd’hui, retour sur cet épisode de la peste au XVIIe siècle qui a traumatisé Villefranche.

En 1628, une épidémie de peste décime les campagnes et les villes du Royaume de France. Comme en 1348 pendant la peste Noire, Villefranche n’est pas épargnée.

Ce n’est qu’en 1894 qu’on comprend que la peste est due à un bacille et se transmet principalement par piqûre de puces, lesquelles vivent sur les rats. Lorsqu’un individu tombe malade, la transmission se fait par voie aérienne et par contact.

Les épidémies de peste ont tendance à apparaître avec la malnutrition, le manque d’hygiène et un climat plus humide et plus chaud qu’à l’accoutumée. Elles voyagent dans toute l’Europe. C’est d’abord par la bouche des marchands et des voyageurs que l’on apprend l’arrivée prochaine du fléau.

Peur et contagion

La peur s’installe, les comportements deviennent irrationnels. Les testaments devant notaire se multiplient : Maître Delavernhe, notaire à Montbazens, voit arriver 11 personnes à son étude pour la seule journée du 9 octobre 1628.

Puis c’est la phase de contagion, qui précède la maladie elle-même. Enfin, les premiers symptômes apparaissent : maux de tête, fièvre, vomissements, douleurs, bubons, toux, confusion mentale, hémorragie…

Certains habitants fuient leur maison vers des contrées encore préservées. Ils deviendront vagabonds, alors que d’autres se construiront des cabanes de fortune au milieu des vignes ou des bois, en proie à la faim et aux loups. À l’été 1628, les bourgeois de Villefranche rassemblent leurs richesses, ferment avec soin les portes de leurs demeures et s’en vont passer l’été dans des résidences familiales, à la campagne.

État de siège

Lorsque l’épidémie s’installe, un consul de Villefranche, Jean Rous, reste pour organiser l’état de siège, tandis qu’un conseil de santé est mis en place. La ville est fermée, les ponts sont coupés et les murailles gardées par les baniers et capitaines. La vie s’arrête, il n’y a plus de marchés ni de foires.

Villefranche organise l’autarcie, les habitants n’ayant pas le droit de sortir de la cité. On manque de tout. Le blé est réquisitionné, les prix sont contrôlés, le rationnement est instauré. Un marché noir se crée aux portes de la ville avec la complicité des gardes.

Les charrettes remplies de cadavres circulent dans les rues. Les malades sont enfermés à la boudoumie, sorte de campement pour pestiférés en dehors des murs, à côté duquel on creuse une fosse où les "corbeaux" déversent tous les jours leurs chargements de morts.

Petit à petit, la cité sombre. On a recours à la sorcellerie. Des charlatans (désaireurs) tels Jean Buisson vendent leurs services à prix d’or pour désinfecter les demeures des plus riches, pendant que d’autres pillent les maisons.

En dépit des risques de contagion, le médecin et consul Durand de Montlauzeur soigne les malades et réconforte les mourants, s’attirant la reconnaissance d’une partie de la population. "La maladie aveugle parce qu’elle n’épargne personne et qu’elle est inconnue après tant d’expérience. Elle est un grand fléau de Dieu", commente-t-il.

L’image de la mort

Mais parfois, le médecin est reçu par des cris et des jets de pierres. En effet, il devait porter le terrible costume des médecins de la peste, avec un faux nez rempli d’herbes aromatiques pour le préserver des humeurs pestilentielles. Botté, ganté, chapeauté, vêtu des pieds jusqu’à la tête, il parcourait ainsi les rues de la ville et effrayait les âmes sensibles. Pour certains, il était l’image de la mort.

Villefranche, qui a perdu la moitié de sa population, aura beaucoup de mal à se remettre de la peste de 1628. Désorganisée, endettée, la ville connaît aussi des rechutes pandémiques. Ce n’est qu’au bout de quelques années qu’elle retrouvera la prospérité qui fait sa renommée.

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