Villefranche-de-Rouergue. Une exécution ratée suivie d’une émeute en 1765

Abonnés
  • Lors de la pendaison du voleur, la corde a cédéet ce dernier a pu prendre la fuite, avec l’aide des Villefranchois.
    Lors de la pendaison du voleur, la corde a cédéet ce dernier a pu prendre la fuite, avec l’aide des Villefranchois.
Publié le
Centre Presse

Notre série estivale sur l’Histoire de Villefranche continue. Aujourd’hui, retour sur les émeutes de 1765, après l‘évasion de Bordes

Tout semblait pourtant prêt, ce 8 juin 1765. Les nommés Bordes et Nicolau, voleurs condamnés à mort, l’un par pendaison, l’autre par le supplice de la roue, s’avancent vers leur bourreau.

Bordes devait mourir le premier. Après quelques échanges avec le confesseur, l’exécuteur lui passa la corde autour du cou et le jeta vers le sol. Pourtant, ce ne fut pas un corps inerte et suspendu que contempla la foule, mais un homme à terre. La corde avait rompu, le rituel de la mise à mort s’était enrayé, à la grande stupeur de tous les présents.

L’évasion

Bordes réussit à se relever après avoir reçu plusieurs pierres. Pour ceux qui lui vinrent en aide, aucun doute, l’échec de son exécution était un signe de la Providence. Il devait vivre. Ils allèrent vers lui, ôtant la corde autour de son cou, ainsi que celle liant ses mains et ses bras. Encore étourdi, le condamné titubait et ses maigres forces ne pouvaient lui permettre d’échapper aux cavaliers de la maréchaussée. Ceux-ci commencèrent à être bombardés par la foule de pierres.

Les anciens spectateurs devenus rebelles aidèrent Bordes à marcher, le portèrent et l’escortèrent à l’écart de la ville, par des chemins secondaires et escarpés.

Caché par la population

Dans les semaines qui suivent, le fugitif trouve refuge dans plusieurs villages situés dans les environs de la bastide, bénéficiant de l’hospitalité de plusieurs particuliers, au grand dam des autorités, incapables de le débusquer.

Nicolau, l’autre condamné à mort, n’échappa pas à son sort funeste. Son exécution fut néanmoins reportée, à cause de la destruction de la potence et de l’échafaud par une quinzaine d’émeutiers, qui jetèrent les débris dans la rivière.

Une émeute explose

L’émeute explose à Villefranche. Dans la grande majorité des cas, les exécutions se déroulaient dans l’ordre et la résignation. Cependant, les désordres qui émaillèrent la soirée du 8 juin 1765 étaient le signe d’une mutation des sensibilités, d’exigences nouvelles, qui entrèrent en collision avec les institutions de la monarchie absolue.

Procureur du roi à Villefranche-de-Rouergue, Jean-Baptiste-François Lavergne, dans un mémoire adressé en 1766 à son ministre de tutelle, s’indignait des troubles de plus en plus fréquents émaillant le rituel macabre, déplorant "la désobéissance des charpentiers et autres ouvriers, qui refusent opiniâtrement de construire les échafauds".

Le magistrat dénonça aussi avec vigueur les officiers municipaux, qui ne voulaient souvent pas contraindre les artisans à édifier la scène du supplice, de peur de s’attirer les reproches de la population. En permettant à un condamné à mort d’échapper à son destin, l’émeute populaire du 8 juin 1765 constitua un grave échec, tant pour la justice royale, dont le verdict fut bafoué, que pour les forces de police, qui ne retrouvèrent pas le fugitif. À la fin du mois d’août 1765, l’État réagit en publiant un monitoire. Il s’agissait d’un commandement judiciaire, qui avait pour objet de forcer les témoins inconnus d’un crime à se manifester, sous peine d’excommunication.

À Villefranche-de-Rouergue et dans les paroisses environnantes, lors de trois dimanches consécutifs, les curés informèrent leurs ouailles de la publication de ce document, les exhortant à révéler tout ce qui pourrait aider à l’avancement de l’enquête. Cependant, les langues ne se délièrent pas : les paroissiens considérèrent sans doute que Dieu, en permettant à la corde de se rompre, n’avait pas encore décidé de rappeler à Lui ce Bordes, rescapé dont la trace se perdit et qui termina son existence on ne sait où, mais à l’abri des foudres de l’État.

Article rédigé par Mathieu Raynal, professeur agrégé d’histoire-géographie (collège de Pont-de-Salars).

Notre série estivale sur l’Histoire de Villefranche continue. Aujourd’hui, retour sur les émeutes de 1765, après l‘évasion de Bordes.

Cet article est réservé aux abonnés
Accédez immédiatement à cet article
2 semaines offertes
Voir les commentaires
Réagir
Vous avez droit à 3 commentaires par jour. Pour contribuer en illimité, abonnez vous. S'abonner

Souhaitez-vous recevoir une notification lors de la réponse d’un(e) internaute à votre commentaire ?