Histoire de l'Aveyron : les colères ouvrières et conflits sociaux du Bassin

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  • Défenestration de Jules Watrin le 19 janvier 1886, sur la rue qui prendra le nom d’Emma Calvé.
    Défenestration de Jules Watrin le 19 janvier 1886, sur la rue qui prendra le nom d’Emma Calvé.
  • Les mineurs en colère lors de la grève de 1961.
    Les mineurs en colère lors de la grève de 1961.
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D.L.

L’histoire du Bassin decazevillois est ponctuée de conflits sociaux, liés aux soubresauts de l’activité économique des centres miniers et des usines.

Hordes de mineurs ou d’ouvriers déchaînés, capables des pires égarements, pour les uns - notamment pour les possédants et leurs soutiens -, hommes en souffrance désirant davantage de sécurité et de progrès sociaux pour les autres - une large partie du peuple -, les révoltes et grandes grèves n’ont laissé personne indifférent, dans le Bassin decazevillois et bien au-delà.

La sortie récente du livre de Pascal Dessaint, « 1886, l’affaire Jules Watrin », nous replonge dans le contexte des mouvements ouvriers du XIXe siècle. En janvier 1886, Jules Watrin, ingénieur et sous-directeur de la compagnie, surnommé le « Prussien » pour son inflexibilité, baisse les salaires et impose des amendes aux mineurs. Le feu couve et la colère ne tarde pas à exploser. Se réfugiant dans un bureau, il est frappé à la tête, défenestré, son cadavre sera mutilé. La grève dure 108 jours, les coupables seront condamnés à des peines de travaux forcés ou de réclusion.

Le droit de grève a été accordé en 1864, la création de syndicats est autorisée en 1884. La spécialiste Michelle Perrot a montré dans son étude que c’est la grève, souvent spontanée, qui est à l’origine du mouvement ouvrier. Pour elle, ce n’est pas le syndicat qui déclenche la grève, c’est la grève qui a entraîné la création des syndicats.
Dès octobre 1869, le Bassin avait été endeuillé au plateau des Forges du Gua, à Aubin, où l’on releva 17 morts parmi les manifestants, dont des femmes et des enfants. Terrible drame qui se ponctua par l’emprisonnement de 26 mineurs, tandis que le commandant de la troupe qui fit feu eut droit aux hommages de la cour de justice.

Subir la loi du marché

À cette époque, c’était l’ouvrier qui subissait de plein fouet la dureté de la « loi d’Arain », quand la loi du marché imposait d’abaisser le coût du travail. D’où ces révoltes contre la misère, la baisse des salaires, la litanie des jours sans pain, le rêve aussi d’une autre société plus juste.

En 1919, les mineurs du Bassin participèrent à la grande grève pour réclamer la journée de 8 heures, des revendications qui finirent par être acceptées, un grand succès pour les « gueules noires ». Ces acquis professionnels furent complétés par la semaine de 40 heures et deux semaines de congés payés, avec le Front Populaire en 1936.

Mais, après la Seconde Guerre Mondiale, dans tous les centres industriels français et européens, l’arrivée de nouvelles énergies et la modernisation des outils de production apportent une transformation radicale du modèle économique. Une fois de plus, le Bassin va souffrir. La grève des mineurs de 1948 est durement réprimée avec des licenciements secs ; celle de 1961-1962 ne peut empêcher la fermeture des mines de fond. Plus près de nous, la lutte pour maintenir les usines de la zone du Centre à Decazeville, en 1987, et la récente et longue grève pour défendre la SAM n’ont pas abouti.

Quoi qu’il en soit, depuis un siècle et demi, ces mouvements sociaux ont apporté de la dignité aux ouvriers et des progrès sociaux, même si notre territoire semble marqué par le sceau d’une malédiction.

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