A Toulouse, comment un ange a donné des ailes à l'Aveyronnaise Pauline Maringe et à Artpaugée

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  • Au sein de son étude de la rue Ozenne, à Toulouse, l’Aveyronnaise Pauline Maringe  reçoit ses clients avant d’organiser les ventes aux enchères.
    Au sein de son étude de la rue Ozenne, à Toulouse, l’Aveyronnaise Pauline Maringe reçoit ses clients avant d’organiser les ventes aux enchères. Marine Arbori
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A Toulouse, Emmanuel Pons

Cofondatrice de la maison Artpaugée, basée à Toulouse, l’Aveyronnaise Pauline Malinge a vécu, en février 2022, avec son associée Géraldine Martres, une vente exceptionnelle qui a marqué la carrière des deux commissaires-priseurs.

Pauline Maringe,  avec son associée Géraldine Martres, le jour de la vente  du tableau du peintre  allemand Bernhard Strigel.
Pauline Maringe, avec son associée Géraldine Martres, le jour de la vente du tableau du peintre allemand Bernhard Strigel. Artpaugée

Pauline Maringe a beaucoup déménagé durant son enfance et son adolescence, au gré des mutations de son père qui travaillait dans les transports. Si elle est née à Belfort, en 1982, c’est bien en Aveyron que sont établies ses racines familiales, "depuis le XIVe siècle, à Maleville, entre Villeneuve et Villefranche". Et c’est en survolant Ols-et-Rinhodes, non loin de là, en ULM, que ses parents repèrent un bout de toit qui émerge des broussailles. C’est le coup de cœur pour ces derniers qui restaurent la bâtisse qui deviendra maison de vacances avant qu’ils s’y installent à l’année, en 2004.

Avant cela, la jeune Pauline poursuit ses études dans la Massif Central puis en Alsace. "Il y a une forte identité, là-bas. On m’a dit que je venais de France", se souvient-elle.

L’école du Louvre à Paris

Bac L en poche, elle prépare hypokhâgne à Strasbourg et décroche deux Deug à la fac, d’histoire et d’histoire de l’art puis s’inscrit à l’école du Louvre, à Paris. Un cycle de trois ans au terme duquel elle est embauchée chez le commissaire-priseur Collin du Bocage, qui officie à Drouot. Pauline Maringe parfait sa formation en obtenant un Deug de droit avant d’arriver à Toulouse, en 2011, dans l’étude de Catherine Chausson. Et c’est trois ans plus tard qu’elle crée, avec son associée Géraldine Martres, la maison de ventes aux enchères, installée dans la très chic rue Ozenne, entre quartier des Carmes et jardin des plantes, baptisée Artpaugée – pour ART – PAU (line) – GÉ (raldine) – E. "De 2014 à 2018, nous étions plutôt un cabinet d’expertise, confie l’Aveyronnaise. Nous confiions les objets à nos confrères pour la vente. Puis, comme nous voulions gagner en visibilité, nous nous sommes installés en tant qu’étude afin de réaliser nos propres ventes. Il s’agit d’estimer la valeur d’un objet ou d’un lot amené par un client et d’établir un prix. Si le client est d’accord, on organise la vente aux enchères." Mais le Covid passe par là et freine le développement d’Artpaugée. "Ça a été compliqué. On n’a pas pu recevoir les clients ni se rendre chez eux. On n’avait plus d’objets à expertiser ou à vendre. Et on n’a reçu aucune aide du gouvernement."

Une découverte unique

Une période délicate, pour les deux associées, qui va connaître un dénouement inattendu.

Bernhard Strigel (1460-1528), Ange vêtu d’une tunique jaune tenant un encensoir, panneau de chêne, 48,8 x  61,2cm.
Bernhard Strigel (1460-1528), Ange vêtu d’une tunique jaune tenant un encensoir, panneau de chêne, 48,8 x 61,2cm. Studio Christian Baraja

"En juillet 2021, on est allé faire un inventaire, dans le quartier Jeanne-d’Arc, chez un particulier qui voulait faire expertiser quelques biens. À la fin, alors que j’allais partir, il me dit qu’il a une pile de vieux tableaux qui appartenait à sa mère, entreposés depuis des années dans une chambre. Il voulait juste avoir un avis, raconte Pauline Malinge. Il avait notamment un doute sur une œuvre. Il était déjà allé au salon des antiquaires et l’avait même montrée à un confrère, commissaire-priseur, qui était passé à côté."

Car au milieu de ces tableaux, pour la plupart "pas très intéressants", se détache une peinture sur bois de petit format, d’environ 50 cm sur 60, un ange habillé de jaune. "On sentait que ce n’était pas courant, avoue l’Aveyronnaise. On est parties en vacances en promettant à notre client de reprendre contact avec lui." "Il y a eu une vraie rencontre humaine. Ce monsieur aurait pu aller voir n’importe quelle étude parisienne mais il a choisi de nous faire confiance, souligne Pauline Maringe qui précise, pour l’anecdote, que le vendeur est un Aveyronnais et que l’œuvre est dans sa famille depuis la fin du XIXe siècle." Il n’est pas impossible que ce tableau ait orné le mur d’une bâtisse rouergate.

"On a senti que c’était une œuvre importante"

Dès leur retour, les deux associées envoient des photos du tableau aux experts du cabinet parisien Turquin qui demandent à voir l’œuvre de leurs propres yeux. Radiographie, clichés infrarouges, recherche historique puisque l’œuvre dénichée à Toulouse fait partie de deux panneaux du même ensemble, annoncent les experts, les deux anges étant, semble-t-il, les morceaux d’un retable dont la partie centrale est manquante : "On a su assez vite que c’était un tableau important, estimé entre 600 000 et 800 000 euros alors que son pendant, un autre ange, avait été acheté 900 000 euros, en 2008, par le Louvre Abu Dhabi, explique Pauline Maringe. On espérait qu’il fasse un million, au vu de sa qualité et de sa rareté. Il a dépassé nos espérances."

Le 4 février 2022, lors de la vente exceptionnelle organisée dans la chapelle des Carmélites, à Toulouse. Une vente au terme de laquelle "l’ange" sera acquis par le musée du Louvre Abu Dhabi.
Le 4 février 2022, lors de la vente exceptionnelle organisée dans la chapelle des Carmélites, à Toulouse. Une vente au terme de laquelle "l’ange" sera acquis par le musée du Louvre Abu Dhabi. Artpaugée

À quelques semaines de la vente exceptionnelle organisée au sein de la chapelle des Carmélites, à Toulouse – où est exposé le chef-d’œuvre – tout s’emballe alors pour Artpaugée. "On a dû prendre une chargée de com pour gérer les demandes des médias. On a fait des interviews pour la presse nationale et internationale…" Avant le jour J. La vente, le 4 février 2022. Le monde de l’art – amateurs et professionnels – a rendez-vous dans la ville rose. Pauline Maringe tient le marteau de commissaire-priseur. Et les enchères vont bon train. Jusqu’à atteindre un niveau inespéré pour les deux associées de l’étude Artpaugée. Et c’est le musée du Louvre Abu Dhabi, déjà propriétaire de l’Ange à l’encensoir – vêtu de rouge – tableau, du même peintre allemand Bernhard Strigel, et pendant de l’Ange vêtu d’une tunique jaune, qui emporte la mise pour un montant de 2 800 000 euros, soit près de 3 500 000 euros, frais inclus.

"C’est pour ce genre d’expérience qu’on aime notre travail", souligne Pauline Maringe qui ne cache pas son envie de faire le voyage jusqu’à Abu Dhabi pour aller admirer le chef-d’œuvre, dans son nouvel écrin. La boucle serait ainsi bouclée.

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