"Dès que j’entends l’accent de l'Aveyron, je me retrouve chez moi", résume Dominique Louisor, installée aux Etats-Unis depuis 40 ans

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  • Dominique Louisor a grandi  dans le Bassin et à Marcillac.
    Dominique Louisor a grandi dans le Bassin et à Marcillac. Reproduction - L’Aveyronnais
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    Dominique Louisor a grandi dans le Bassin et à Marcillac. Reproduction - L’Aveyronnais
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Née à Rodez et établie en Californie depuis 40 ans, Dominique Louisor enseigne l’espagnol en université près de Los Angeles, aux Etats-Unis. Elle s'est prêtée au questionnaire de "L'Aveyronnais".

Un homme qui vous a marquée

J’ai eu la chance de rencontrer beaucoup d’hommes exceptionnels, dans ma famille et "mes" pays ! Mais comme je suis d’un âge où on comprend mieux l’importance des racines et de la jeunesse, je dois parler de celui par lequel m’est venue ma passion pour la langue espagnole et mon engagement comme enseignante.

Jean Vaz est celui qui, au collège de Marcillac-Vallon, m’a initiée à l’espagnol. Bien sûr, ayant un papa martiniquais qui m’a baignée dans les rythmes cubains et caribéens, cette langue ne m’était pas inconnue.

Mais c’est bien dans la salle de classe de M. Vaz que la magie a opéré. Je me souviens de la joie immense que j’avais en entrant en cours et du plaisir infini de découvrir des mots, des musiques et des cultures qui m’ont fascinée toute ma vie. C’est aussi Jean Vaz qui m’a fait découvrir une ville qui, pour moi, demeure un refuge : Madrid.

Aux États-Unis depuis quarante ans, c’est aussi de lui que j’ai appris la passion, la responsabilité et l’humanité du métier d’enseignante. Jean Vaz était un professeur différent des autres : intègre, respectueux, exigeant. Sa méthodologie était empreinte de courage et de passion.

Il a de tout temps été mon inspiration, mon guide et je lui suis, année scolaire après année scolaire, profondément reconnaissante.

Une femme qui vous a marquée

Sans hésitation aucune : Yvette Gannac. Cette femme qui s’est occupée de moi, dès la naissance, est pour moi, avant mon ancrage aveyronnais, ce qui me connecte à cette terre d’adoption, celle qui m’a liée à la nature et à des valeurs essentielles.

L’Aveyron où je suis née est toutefois mon pays d’adoption : je suis de mère corse née en Algérie et de père martiniquais. Mes parents se sont connus à l’école dentaire de Toulouse et se sont installés en Aveyron, dans le Bassin. À travers eux, nous étions baignés de soleil et de souvenirs. Je suis née et j’ai grandi en Aveyron avec des racines d’ailleurs.

C’est à la Pélonie, à Cransac, qu’Yvette Gannac et son époux Ernest nous ont accueillis, mon frère et moi comme si nous étions leurs. Yvette Gannac, que j’appelais "tata", savait aimer et donner avec une générosité unique dans ma vie. Quelle chance de l’avoir reçue dès la petite enfance : un véritable bouclier contre l’adversité.

C’est avec elle, avec eux, que j’ai appris à comprendre le "patois", les gestes de la terre, le respect des saisons, de la nourriture, des plantes, des animaux. Elle m’a montré la gratitude de la vie et de la foi. Ce que j’ai appris d’elle m’accompagne depuis le début et me ramène toujours à l’essentiel.

Une habitude ou un rituel

Toujours en lien avec l’enfance et la Pélonie : le jour où on tuait le cochon ! Le gavage des oies et la préparation du foie gras ou bien les confitures, les conserves, tout en accord avec la générosité de la nature.

Un souvenir fort

Des souvenirs forts en Aveyron… Il y en a tellement ! C’est presque impossible d’en faire la liste. La nature, le temps avant tout.

La puissance de la nature aveyronnaise est unique et omniprésente dans mon cœur : le rythme des saisons, les couleurs des collines ou des plateaux, la puissance des rivières, les camaïeux de vert en été, les orages, le velouté de la neige… Ce sont des points de repère en moi, où que je sois.

Il y a aussi toute la palette de couleurs au long de l’année et des paysages, comme le rouge des façades et de la terre dans la région de Marcillac.

Le rythme du temps : les oiseaux migrateurs en attente de départ, les bruits des fermes, la musique de l’accent. Tout différemment, les ruelles du centre de Rodez qui m’ont toujours fait rêver d’époques passées.

Mes visites fréquentes de la cathédrale où je me réfugiais souvent quand j’étais lycéenne ; un arrêt obligatoire pour moi à chaque retour. Ce sont des sons que je n’ai jamais oubliés.

Et aussi les jours de foire à Marcillac. De ma fenêtre j’observais les éleveurs qui préparaient les cochons, les brebis pour la vente. Ils arrivaient très tôt et, moi, je les attendais !

Le "petit truc" qui vous manque le plus

Là aussi, comment choisir ?

Alors je vais dire : l’accent, les mots, les constructions de phrase. Linguiste de formation, je vois maintenant que le contact avec le patois de ma petite enfance m’a initiée à la curiosité et l’ouverture sur d’autres langues et d’autres musicalités. Dès que j’entends cet accent (chose rare !), je me retrouve chez moi.

Un lieu

Impossible de n’en choisir qu’un seul, alors j’énumère : la vallée du Dourdou, Conques, Le Lévézou, Le centre de Rodez, les gorges du Tarn les matins d’été. Les sentiers qui entourent le village de Marcillac où j’ai grandi. La neige sur l’Aubrac aperçue depuis Rodez.

Une bonne table

La cuisine traditionnelle de ma Tata… Je n’ai jamais aussi bien mangé qu’en Aveyron !

Un plat

Les tripous et le roquefort ! Et surtout, mon aliment préféré : le pain de l’Aveyron (celui qui dure une semaine !).

Une boisson

Tous les vins de Marcillac.

Une qualité

La persévérance et l’honnêteté, qualités reçues dans l’enfance, mais renforcées dans ma vie américaine, comme le bonheur d’exercer sa profession avec intégrité et générosité. Et le souci d’autrui.

Un défaut

La difficulté à accepter l’imperfection ou l’échec, chez moi ou chez l’autre. L’impatience devant l’injustice.

Une devise

Une citation qui, dans ma vie, est devenue devise : "Au milieu de l’hiver, j’ai découvert en moi un invincible été." (Albert Camus)

Il y a beaucoup d’hivers dans une vie, certains très rudes. Cette phrase de Camus est restée avec moi toute ma vie car elle résonne pour moi de façon "cellulaire". Cet invincible été, c’est la Martinique de mon père et de mes ancêtres. C’est ce soleil secret et permanent, richesse intime, ancrage et refuge.

Un rêve

La vie m’a permis de réaliser beaucoup de rêves, le plus grand d’être mère et de voir mes fils devenir des hommes.

Rêve de laisser derrière moi quarante ans merveilleux dans l’enseignement pour découvrir ce que je ne sais pas encore faire !

Un grand rêve d’Amérique : la découverte du Sud américain et de son histoire.

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Les commentaires (1)
Occitanix12 Il y a 3 mois Le 07/01/2024 à 14:42

Vous décrivez très bien l'Aveyron que vous aimez beaucoup ! Pourquoi vous êtes allée vous perdre aux États-Unis ? En Occitanie vous auriez pu enseigner la langue de Cervantes et pourquoi pas aussi l'occitan ! J'aime beaucoup mon département. Chaque fois que je le quitte je suis malheureux.