Manifestations des agriculteurs : pour l'Aveyronnais Dominique Fayel, ancien président de la FDSEA, "l'Europe a oublié que l'agriculture est un secteur stratégique"

Abonnés
  • Dominique Fayel : "L'Europe s'est trompé de direction"
    Dominique Fayel : "L'Europe s'est trompé de direction" Centre Presse Aveyron - José A. Torres
Publié le , mis à jour

Ancien président de la FDSEA, ancien membre du conseil d'administration de la FNSEA et, aujourd'hui, responsable de la filière viande bovine au sein de la Copa Cogeca, réunion du Comité des organisations professionnelles agricoles de l'Union européenne et de la Confédération générale des coopératives agricoles, Dominique Fayel nous livre son sentiment sur cet embrasement de l'Europe agricole. L'éleveur de Sénergues, tout en étant avec ses camarades du côté de Tanus mercredi soir, observe ce qu'il se passe un peu partout en Europe.   

Depuis votre siège de la CopaCogeca, comment analysez-vous la situation actuelle ?

Exactement pareil que le prisme national. C'est le résultat d'une accumulation d'incohérences et d'absences de vision. La commission européenne, mais pas que, a vécu dans une illusion. S'est dit que la crise alimentaire n'était pas un sujet, tout comme elle a dit cela pour l'énergie il y a peu encore, et tout comme elle pensait que partout la paix était acquise... On atterrit petit à petit sur terre et c'est douloureux. Mais beaucoup n’ont pas encore atterri.  Comme en témoigne cette somme de décision incohérente faites d'injonctions contradictoires, avec une inflation normative incroyable. Nul n'est censé ignorer la loi, mais aujourd'hui, il y a tellement de lois... Mais ce n'est pas propre à l'agriculture, cette inflation normative concerne tellement de secteurs.

L'Europe agricole est-elle malade ?  

Je dirai plutôt qu'elle s'est trompée de direction, sans jamais chercher d'objectifs. Revenons cinq ans en arrière, lors des élections européennes. Le discours était : le grand virage écologique. OK... mais sans évaluation d'impact sur le potentiel de production. On a vécu avec une illusion. L'Europe est la seule à avoir fait comme cela. On en est arrivé à une Europe agricole qui recule, et notamment en ce qui concerne la France. Aujourd'hui, il faut repartir sur de nouvelles bases avec une Europe soucieuse de nourrir ses concitoyens et de participer à l'équilibre alimentaire mondial. Je rappelle que l'étincelle du Printemps arabe, c'est la crise alimentaire. Ne pas participer à l'équilibre alimentaire mondial, c'est être sûr d'un désordre dans le voisinage. L'Europe a en quelque sorte oublié que l'agriculture est tout simplement un point stratégique, considérant que les agriculteurs sont plus le problème que la solution. 

Parmi les nombreuses distorsions, il y a celle autour de l'environnement...

Mais parce que les décisions ont été prises de façon unilatérale. On s'est tiré une balle dans le pied. On met des normes importantes chez nous qui ne sont pas imposées à ceux dont on importe les produits. Résultat : on importe la pollution. Il faut agir de manière réaliste sur ce sujet. Plus largement, c'est la population européenne qui vit dans un rêve. 

Les agriculteurs attendent des actes concrets pour cesser le mouvement. Lesquels par exemple ?

C'est très compliqué. Aujourd'hui, c'est la doctrine qu'il faut changer. Il faut d'une part revenir sur les fondements politiques établis depuis plusieurs années, des décennies même. Il faut une révision plus large. Sur le plan de l'élevage, on ne fait face aujourd'hui qu'à des interdictions en tout genre. Or, l'important, c'est de donner un cap, des objectifs. Il est désormais urgent de les redéfinir, avec des objectifs cohérents. Et mettre les moyens financiers qui vont avec. Ils y sont.  Il faut évidemment arrêter cette inflation normative pour revenir à l'essentiel. Il y a les mesures essentielles et celles qui sont accessoires. Les normes sont des marqueurs de progrès, mais quand il y en a trop, c'est le blocage. Et on y est. Avec à la clé, une baisse de la production. 

Les griefs entendus sur les barrages en France, sont-ils les mêmes partout en Europe ?

Il peut y avoir différents contextes, mais globalement la perception est la même...

Le mouvement n'est donc pas prêt à s'arrêter selon vous ?

Je ne suis pas au gouvernement, mais je sais qu'il y a des signaux à donner. Et les agriculteurs ne sont pas fous, ils sauront repérer les annonces qui sont faites pour apaiser momentanément et celles qui peuvent s'inscrire dans la durée. Or, aujourd'hui, je le redis, il faut un changement de cap.       

Cet article est réservé aux abonnés
Accédez immédiatement à cet article
2 semaines offertes
Voir les commentaires
Sur le même sujet
Réagir
Vous avez droit à 3 commentaires par jour. Pour contribuer en illimité, abonnez vous. S'abonner

Souhaitez-vous recevoir une notification lors de la réponse d’un(e) internaute à votre commentaire ?

Les commentaires (1)
filochard Il y a 3 mois Le 26/01/2024 à 07:52

Attention l'opinion publique pour le moment bienveillante n'aime pas la violence. Elle risque de se retourner contre vous à la vue des images diffusées. Dans la paysannerie, il n'y a pas que des pauvres, regardez le curriculum vitæ du président de la Fnsea...
Sinon de tout coeur avec ceux qui ne peuvent pas vivre décemment de leur travail paysans ou autres professions