Un outil pour identifier et pointer les violences sexistes et sexuelles dans les sciences

  • Pour sensibiliser aux violences de genre que les femmes subissent dans le milieu scientifique, l'université de Genève et la Fondation de l'Oréal ont conçu un violentomètre, diffusé pour la première fois ce jeudi 14 mars.
    Pour sensibiliser aux violences de genre que les femmes subissent dans le milieu scientifique, l'université de Genève et la Fondation de l'Oréal ont conçu un violentomètre, diffusé pour la première fois ce jeudi 14 mars. Courtesy of G-RIRE / Fondation l'Oréal
Publié le
ETX Daily Up

(ETX Daily Up) - Pour sensibiliser aux violences de genre que les femmes subissent dans le milieu scientifique, l'université de Genève et la Fondation de l'Oréal ont conçu un violentomètre, diffusé pour la première fois ce jeudi 14 mars. Ce dispositif a pour vocation d'être diffusé à l'ensemble des professionnels du secteur et vise aussi bien à interpeller les victimes que les témoins et les agresseurs.

Une femme sur deux : c'est la proportion de personnes concernées par le harcèlement sexuel au travail dans le domaine des sciences et des technologies, selon une enquête Ipsos réalisée pour La Fondation L'Oréal et publiée en mars 2023. Un an plus tard, la Fondation dévoile un "violentomètre" (sorte de baromètre adapté aux violences de genre) spécifiquement conçu pour identifier et évaluer la gravité de ces violences que les chercheuses et les professionnelles de ces secteurs subissent au cours de leur carrière. Conçu par la chercheuse Giorgia Magni, assistante-doctorante à l’université de Genève dans l'équipe Genre-Rapports Intersectionnels, Relation Educative (G-RIRE), l'outil se présente sous forme d'un système de graduation avec un code couleur allant du vert au rouge, permettant d'évaluer les environnements sains (indiqués en vert), les situations "inconfortables" et les cas les plus graves, tels que le harcèlement et les agressions sexuelles.

Dévoilé ce jeudi lors d'une première action auprès d'étudiants sur le campus de l’ENS, ce nouveau violentomètre a pour vocation d'être diffusé à l’ensemble des professionnels du secteur. L'outil a été conçu à partir des 528 réponses obtenues lors de l'enquête Ipsos (citée plus haut) sur les violences sexistes et sexuelles dans le domaine scientifique. À ces données, s'ajoutent des témoignages et des données extraites de la thèse que la chercheuse Giorgia Magni prépare actuellement sur l'impact des violences de genre en milieu universitaire.

Les différentes situations de violences indiquées couvrent un spectre très large, allant de la dévalorisation des compétences scientifiques des femmes (que ce soit au moment de l'orientation professionnelle, mais également chez les chercheuses déjà en poste), à l'invisibilisation de leurs tâches, jusqu'au fait de voir leur carrière stoppée, par exemple en se voyant écartées des projets stratégiques. Mais cela peut aussi se manifester par des agissements sexistes plus insidieux : s'entendre suggérer que leur vie privée empêche de faire carrière, se retrouver cantonnées à des tâches supposées féminines, être exposées à du matériel à connotation sexuelle... Giorgia Magni chercheuse attire également l'attention sur les "plaisanteries" et réflexions sexistes qui "même si elles ne sont pas aussi graves que des agressions sexuelles, peuvent s'avérer destructrices si elles se répètent dans le temps et doivent tout autant alerter". "Le fait de nous appuyer sur la base de témoignages nous a permis d'apporter une preuve factuelle et de rendre ces situations plus réelles, y compris aux yeux des plus sceptiques", précise également la chercheuse.

"Un outil utile, mais pas une solution magique"

Il faut dire que la prise de conscience relative aux violences sexistes et sexuelles dans le milieu scientifique aura mis du temps à émerger. "Avant MeToo, on se croyait protégées. Il y avait cette idée très tenace selon laquelle c'est un milieu de gens éduqués, où l'on n’est pas victimes de préjugés et de biais, car c’est contraire aux principes scientifiques. Le risque avec ce genre de paradigme est que les victimes minimisent ce qui leur arrive, qu’elles se disent qu’elles exagèrent, alors même qu’elles se sentent mal et humiliées. Cet outil a donc pour vocation d'aider les femmes à prendre conscience qu'elles ne sont pas seules, de mettre des mots sur ce qu’elles subissent et de classifier ce dont elles sont victimes pour que la honte change enfin de camp", souligne Alexandra Palt, directrice générale de la Fondation L'Oréal. Un statu quo qui enferme et isole un peu plus les femmes dans ces violences, dans la mesure où "cela les empêche de parler de ce qu'elles vivent", renchérit Giorgia Magni.

Mais le violentomètre seul ne suffit pas :"il doit s'accompagner d'explications et d'un vrai travail de sensibilisation sur ces questions, pour amorcer un réel changement de paradigme dans ces structures et combattre le mécanisme de violences systémiques, encore trop banalisées. "Maintenant que la prise de conscience est là, il faut accélérer pour trouver des solutions et instaurer des conditions de travail favorables pour encourager les femmes à se diriger dans des carrières de recherche scientifique", martèle Alexandra Palt. Avant de poursuivre : "Ce violentomètre est un outil utile dans la lutte contre les violences sexistes et sexuelles, pas une solution magique : il ne remplace pas une volonté politique forte. Des programmes de formation et de certification doivent être déployés au sein des institutions, avec les ressources humaines et financières nécessaires à leur mise en place. Les dirigeants des institutions doivent également être très clairs dans leur prise de parole, en instaurant le principe de tolérance zéro, ainsi que des procédures d’alerte pour les victimes et les témoins, avec une garantie de suivi de plainte et de transparence dans l’annonce de la sanction".

Développé au Mexique à la fin des années 2000, le violentomètre a fait son apparition en France en 2018, peu de temps après la vague MeToo. D'abord adapté pour sensibiliser à la gravité des violences conjugales par plusieurs associations féministes, il a depuis été décliné pour dénoncer d'autres violences de genre qui sévissent dans différents secteurs, notamment celui du travail.

Voir les commentaires
Réagir
Vous avez droit à 3 commentaires par jour. Pour contribuer en illimité, abonnez vous. S'abonner

Souhaitez-vous recevoir une notification lors de la réponse d’un(e) internaute à votre commentaire ?