Rodez : dix ans plus tard, un directeur au management "violent et inhumain" rattrapé par la justice ?

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  • L’affaire a été jugée durant plus de cinq heures ce mercredi, sous la présidence d’Emeline Gardes.
    L’affaire a été jugée durant plus de cinq heures ce mercredi, sous la présidence d’Emeline Gardes. Reproduction Centre Presse - Reproduction Centre Presse
Publié le , mis à jour

Durant plus de cinq heures cette semaine, le tribunal correctionnel s’est penché sur le cas d’un ancien chef de la centrale de restauration Martel, à Rodez. Six mois de prison avec sursis ont été requis à son encontre, alors que d’anciens salariés sont venus rappeler leur mal-être sous cette direction, fin 2013. Décision le 5 juin prochain.

Officiellement, il n’est resté que 33 jours sur le site entre octobre et décembre 2013. Mais pour de nombreux salariés de CRM, la centrale de restauration Martel installée dans la zone de Bel-Air à Rodez, ce fut « une éternité ». Dix ans plus tard, quatre d’entre eux sont même venus témoigner à la barre du tribunal de Rodez cette semaine. Devant les juges et leur ancien directeur, cette fois dans le costume du prévenu, ils ont raconté leur « enfer ».

« De le revoir, j’ai encore envie de vomir, comme tous les matins lorsque j’embauchais », confie rapidement l’un d’eux, la gorge nouée. Originaire du Nord, il avait décidé de rejoindre la région après un voyage. CRM lui en a offert la possibilité avec un poste de responsable de la production, destinée aux écoles du département. « Ce devait être un changement de vie, ce fut l’enfer pour moi, ma femme et mes enfants », débute-t-il son témoignage. « J’en suis encore détruit », poursuit-il en référence à son supérieur, dépêché à Rodez à l’époque par le groupe Compass, un géant de la restauration collective, ayant racheté, via l’une de ses filiales, CRM aux historiques créateurs, Jean-Pierre Martel et Michel Dacheux.

L’ancien cadre se souvient par exemple des coups de fil incessants – « une soixantaine par jour, en repos, la nuit… » –, de cet ordre « d’aller lui chercher une bouteille d’eau à l’autre bout du site alors qu’il avait un verre devant lui », des « coups de poing et de pieds dans les murs lors de ses colères ».

Licenciée pour une faute d’orthographe

L’une de ses anciennes collègues racontera comment elle fut « mise au placard ». Dans un frigo, « où mon bureau était sous quatre ventilateurs et où la température ne dépassait pas les deux degrés ». « Il m’a proposé un bonnet en souriant quand je me suis plainte », confie-t-elle. L’ancienne secrétaire comptable se remémore, elle, « des colères quotidiennes de cet homme », « les réunions dans lesquelles il rabaissait tout le monde »« Je pensais être totalement nulle dans mon boulot, dans ma vie tout court. Et aujourd’hui, après un long suivi pour aller mieux, je suis associée dans une entreprise », tient-elle à dire. Son aventure à CRM s’était arrêtée brutalement : elle a été licenciée à la suite d’une faute d’orthographe dans un contrat de travail.

Enfin, il y a le quatrième témoignage. Celui d’un ancien de la maison. Lui a connu le nouveau directeur alors qu’il rentrait d’un arrêt maladie, pour une opération à l’épaule. En revenant, il découvre qu’il a perdu son poste de cadre. Sans explication. Dans un premier temps, on l’affecte aux livraisons. Puis en cuisine. « Il passait derrière moi tous les jours en me chronométrant et en me disant que les barquettes que je préparais étaient dégueulasses, qu’on était tous des bons à rien… J’y pense encore, c’est dur, je rentrais chez moi en pleurs devant ma femme », souffle cet homme, aujourd’hui retraité.

C’est lui qui, à l’époque, avait alerté par courriers la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (Direccte) et l’inspection du travail.

« Un mercenaire »

Au tribunal, ces salariés attendent des réponses. Même s’ils sont tous passés à autre chose, ils avaient hâte d’entendre leur ancien « tyran ». Il s’est présenté à la barre en se disant « choqué » des propos. S’il avoue « avoir parfois le verbe haut », il ne reconnaît pas les accusations de harcèlement. Père de famille et encore cadre chez un autre géant de la restauration collective, il met surtout en accusation son ancien employeur. Il aurait été envoyé à Rodez « à contrecœur » pour « faire le sale boulot ». C’est-à-dire ? Son avocat Me Sébastien Leblond, explique : « Lorsqu’il est arrivé ici, les salariés étaient en colère car des heures supplémentaires n’étaient ni payées, ni récupérées. Puis, il a sorti beaucoup de gens de leur confort et de mauvaises habitudes : les règles d’hygiène n’étaient pas toujours respectées et le site aurait pu être fermé administrativement. Il a évité ça, en y laissant aussi sa santé car il était dans un fort état de stress. Partout où il est passé ailleurs, ça s’est bien passé ».

Pour la procureure, Émilie Passier, le directeur n’était autre qu’un « mercenaire » qu’on a « envoyé au combat face à des provinciaux que le groupe pensait maternés. On a voulu dégraisser et tant pis pour les salariés, leur bien-être ! C’était violent, inhumain comme management ». Elle a requis une peine de six mois de prison avec sursis à l’encontre du prévenu et l’interdiction d’exercer durant un an un poste à responsabilité. Contre la société CRM, 30 000 € ont été requis.

Celle-ci, par la voix de son avocat, a nié sa responsabilité : « Notre groupe Compass dénonce ces agissements. Il a beaucoup apporté au site de Rodez et dès qu’on a eu connaissance de ces faits, nous avons sanctionné le directeur (licencié en 2014), le DRH et le Directeur Général ».

Le tribunal rendra sa décision le 5 juin prochain. En attendant, plusieurs procédures sont en cours aux Prud’hommes pour les heures supplémentaires non réglées ou compensées et des licenciements abusifs. L’entreprise CRM compte aujourd’hui 40 salariés et reste l’un des poids lourds du marché pour la restauration collective, auprès des écoles surtout, en Aveyron.

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Les commentaires (2)
Occitanix12 Il y a 23 jours Le 06/04/2024 à 09:48

Espérons qu'il sera sera très sévèrement punis et qu'il ne sera pas blanchi comme cela arrive trop souvent.

Palourde Il y a 23 jours Le 06/04/2024 à 09:27

A lire ca doit être un petit saint ..pour ne pas dire plus