Esclavage: Hollande refuse toute compensation financière, le Cran en exige

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AFP

François Hollande est resté ferme vendredi dans son refus de toute réparation matérielle de l'esclavage, au moment où le Conseil représentatif des associations noires (Cran) attaquait en justice la Caisse des dépôts (CDC), lui reprochant d'avoir profité de la traite négrière.

"Impossible réparation": c'est en ces termes que le président de la République a gardé la porte close à toute compensation financière, en cette Journée nationale des mémoires de la traite, de l'esclavage et de leurs abolitions, en 1848.

Il conserve la ligne déjà explicitée lors de son voyage au Sénégal en octobre et de son hommage aux millions de victimes de la traite transatlantique sur l'île de Gorée.

"Il y aurait une note à payer et ensuite ce serait fini? Non, ce ne sera jamais réglé", a ajouté le chef de l'Etat, citant Aimé Césaire, poète et homme politique martiniquais dont on célèbre en 2013 le centenaire de la naissance.

Après avoir écouté ce discours présidentiel au jardin du Luxembourg, le président du Cran, Louis-Georges Tin, a annoncé devant le Palais de justice de Paris, l'assignation de la CDC, "complice de crime contre l'humanité" parce que la banque avait encaissé les sommes versées par Haïti en contrepartie de son indépendance (1804).

"Faute de solution politique, nous menons le débat sur le plan juridique", a expliqué M. Tin, qui multiplie depuis un an les actions pour obtenir des réparations morales et financières pour les descendants d'esclaves.

Le Cran semble toutefois isolé au sein du milieu associatif. Pour le Collectif des Antillais, Guyanais, Réunionnais et Mahorais, CollectifDom, "la diversité des ethnies composant les populations ultramarines commande de ne pas jouer avec le feu". L'écrivain guadeloupéen Claude Ribbe dénonce lui une stratégie du "happening".

Pour l'historien Pascal Blanchard, spécialiste de la colonisation, ce débat, déconnecté d'une approche globale sur la colonisation, "n'a aucun sens". Parler de réparations financières avant d'avoir effectué le travail de mémoire (recherche et musées) revient "à demander l'addition avant même d'avoir commencé à manger ensemble", a-t-il affirmé à l'AFP.

De son côté, la CDC a renvoyé vendredi vers le Trésor. "Légalement, les sommes qui sont consignées à la Caisse des dépôts sont reversées au Trésor au bout de 30 ans", a indiqué à l'AFP un porte-parole de la CDC.

"Des souffrances pas monnayables"

Dans son discours, François Hollande a pris soin de mettre en valeur le travail des "artisans de la mémoire".

Il a ainsi salué le Comité de la marche du 23 mai (date de l'hommage aux victimes de l'esclavage), association de descendants d'esclaves fermement opposée "à toute réparation financière parce que les souffrances de nos aïeux esclaves ne sont pas monnayables".

Traçant le sillon d'une France qui regarde "franchement" son histoire "pour la dépasser sans rien effacer", François Hollande a annoncé que l'Etat apporterait sa "contribution" au "projet emblématique" de "Mémorial ACTe" à Pointe-à-Pitre.

Jusqu'alors porté par la région Guadeloupe, fief du ministre des Outre-mer Victorin Lurel, ce musée sera "le centre d'expression sur la traite et l'esclavage le plus important au monde", a assuré le chef de l'Etat.

Ce qui permettrait de combler un vide: "La France compte 12.700 musées, mais aucun consacré à l'histoire coloniale ou l'esclavage", a regretté Pascal Blanchard.

Le président a aussi placé l'intervention militaire française au Mali sous le double signe de la "solidarité avec l'Afrique" et de la "dette à l'égard de l'Afrique", rappelant ce que la République devait "au sacrifice de milliers d'Africains venues la libérer" pendant la Seconde Guerre mondiale.

Pas un mot en revanche sur la suppression du mot "race" dans la Constitution, une promesse de campagne. A l'Elysée, on a assuré que cet engagement n'était "pas enterré", tout en expliquant qu'il ne pouvait être inséré dans le premier train de réformes constitutionnelles, prévu fin juillet.

François Hollande, qui a chouchouté en sa première année de mandat les outre-mer où il a été très bien élu, devrait faire son premier déplacement ultramarin en Guyane, fief de la garde des Sceaux, Christiane Taubira.

Comme chaque 10 mai, cette dernière a été chaudement applaudie par le millier d'invités: il y a 12 ans, jour pour jour, était adoptée la loi portant son nom et qui reconnaît l'esclavage et la traite comme crimes contre l'humanité.

Source : AFP

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