Taubira accusée d'avoir voulu muter un magistrat pour raisons politiques

  • Le procureur général de Paris, François Falletti, s'entretient avec la Garde des Sceaux Christiane Taubira à la cour d'appel de Paris le 9 janvier 2013 Le procureur général de Paris, François Falletti, s'entretient avec la Garde des Sceaux Christiane Taubira à la cour d'appel de Paris le 9 janvier 2013
    Le procureur général de Paris, François Falletti, s'entretient avec la Garde des Sceaux Christiane Taubira à la cour d'appel de Paris le 9 janvier 2013 AFP/Archives - Joel Saget
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AFP

Au mieux une maladresse, au pire de scandaleuses pressions: l'information selon laquelle Christiane Taubira aurait tenté de muter pour des raisons politiques le procureur général de Paris, François Falletti, provoquait mercredi des réactions outrées dans la profession et l'opposition.

"Cette nouvelle marque de mépris pour l'indépendance de la magistrature ne peut qu'inquiéter", s'est indignée l'Union syndicale des magistrats (USM), syndicat majoritaire, tout en déplorant également la "récupération pathétique par certains UMP du cas Falletti".

Cette histoire "consternante", pour l'USM, démontre en effet "la persistance des pratiques bien connues de l'ancienne majorité" consistant à déplacer au gré des aléas politiques des magistrats "dont les décisions pourraient s'avérer gênantes".

L'affaire a été révélée par Le Canard enchaîné de mercredi. François Falletti, 64 ans, nommé procureur général près la cour d'appel de Paris par la droite, en janvier 2010, a été convoqué le 27 janvier à la Chancellerie, où il a été reçu par la direction du cabinet de la ministre de la Justice. Là, il lui a été proposé un poste d'avocat général à la Cour de cassation, qu'il a refusé.

Pour la Chancellerie, rien de plus normal: M. Falletti doit partir à la retraite dans un an et demi, il lui a été proposé un poste prestigieux qui lui aurait de surcroît permis de rester plus longtemps en fonctions. Il a refusé, on en reste là, a assuré mardi soir le ministère, en réfutant toute intention de "le limoger ou de le contraindre à démissionner".

"Pas de quoi fouetter un chat", a appuyé mercredi sur i-Télé Alain Vidalies, ministre des Relations avec le Parlement.

La porte-parole du gouvernement, Najat Vallaud-Belkacem, a également évoqué, lors du compte-rendu du conseil des ministres, une simple "proposition" refusée par l'intéressé, en déplorant une "exploitation politicienne", "extrêmement choquante", de cet entretien.

"Cela m'a retourné"

Mais M. Falletti ne l'a pas perçu de la même manière et, dans une lettre adressée mardi à la ministre de la Justice, avec copie au Conseil supérieur de la magistrature (CSM), il n'y est pas allé de main morte pour déplorer cette "tentative d'éviction". Circonstance aggravante, il souligne dans son courrier que son épouse, qui l'accompagne dans tous ses déplacements parce qu'il est non voyant, n'a pas été autorisée à assister à l'entretien.

Interrogé par l'AFP, M. Falletti a confirmé qu'il lui avait été demandé "avec insistance" de rejoindre la Cour de cassation. La Chancellerie voulait à la tête du parquet général un magistrat "qui partage la sensibilité de la place Vendôme". "Cela m'a retourné", a-t-il dit, en mettant en avant ses "quarante ans de vie professionnelle".

"Cette polémique me désole", a ajouté le magistrat. Procureur général à Paris, c'est "une tâche très lourde et excitante" qui, dit-il, le passionne.

"Scandaleux, absolument scandaleux!", a lancé mercredi le chef de file des députés UMP, Christian Jacob, lors de l'émission "Questions d'Infos" LCP/France Info/LeMonde/AFP. "Les masques sont en train de tomber. Madame Taubira apparaît sous son vrai jour, sectaire, politisée et manoeuvrière", a-t-il déclaré.

Le Syndicat de la magistrature (SM), classé à gauche et considéré comme proche de Mme Taubira, a mis les formes dans un communiqué pour estimer que si les faits tels que rapportés par M. Falletti s'avéraient exacts, ils illustreraient "s'il en était besoin l'insupportable dépendance du ministère public vis-à-vis du pouvoir exécutif".

La convocation du magistrat est "a minima une maladresse, au pire une pression", a par ailleurs déclaré à l'AFP la présidente du SM, Françoise Martres.

Les syndicats de magistrats rappellent à la faveur de ce "cas Falletti" qu'ils réclament depuis des lustres une réforme du statut des parquetiers "afin de mettre leur carrière à l'abri des pressions, qu'elles soient politiques ou institutionnelles".

Source : AFP

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