Yves Chassany, président de l'Upra Aubrac : "Répondre au défi alimentaire de la planète, demain"

  • Yves Chassany : « J’ai confiance en nos pratiques d’élevage. »
    Yves Chassany : « J’ai confiance en nos pratiques d’élevage. » JAT
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Propos recueillis par Aurélien Delbouis

Président de l’Upra Aubrac qui réunit l’ensemble des organismes intéressés par la sélection, la promotion et la diffusion de la race Aubrac, Yves Chassany était du voyage présidentiel en Chine.

Vous faisiez partie de la délégation française qui a accompagné Emmanuel Macron en Chine. Un voyage a forte vocation commerciale qui a permis de conclure une quarantaine de contrats pour près de 13,5 milliards de dollars. Quel bilan tirez-vous de ce déplacement ?

Un bilan très positif. Pour vous l’avouer, je ne m’étais jamais hasardé à imaginer un jour être du voyage. Je n’y croyais pas trop mais quand 15 jours avant le départ nous avons reçu l’invitation, c’est devenu plus concret. Et évidemment positif. D’autant que c’est aussi la première fois que la filière agro-alimentaire était aussi bien représentée (vingt entreprises agro-alimentaires). Avec, il faut aussi le noter, la présence de plusieurs éleveurs : une première.

C’est un signe fort envers le monde de l’élevage.

Je crois que ce voyage fait suite à la visite du président Macron au sommet de l’élevage à Cournon en octobre dernier. À cette occasion, nous avions pu échanger avec lui et Bruno Dufayet notamment (président de Fédération nationale bovine). Ces échanges ont, pour ainsi dire, mis le président en confiance. Lui qui a clairement compris la chance que les races à viandes représentent pour la France, ce savoir-faire unique qui n’est pas délocalisable.

Qu’attendait justement la filière bovine dans son ensemble et la race aubrac en particulier.

Déjà, je le répète, c’est un exercice tout à fait nouveau pour nous. Ce voyage nous a permis de découvrir ce marché gigantesque, de voir en direct, sur place, et comprendre comment envisager la suite. Car nous ne sommes pas habitués à de telles dimensions. La Chine, c’est 1,4 milliard d’habitants, dont 10 % de millionnaires, 1 % de milliardaires… Sur ces destinations, nous avons donc le sentiment qu’il faut travailler sur la qualité – avec une forte valeur ajoutée – plus que sur les volumes. Ce qui pourrait offrir un véritable appel d’air aux éleveurs.

Un sacré défi, notamment du point de vue logistique.

C’est vrai, il est temps désormais de redescendre de notre nuage. Avec ce voyage, le gouvernement français nous a ouvert des portes. A nous désormais de faire notre travail. Nous sommes obligés, mais ça ne sera pas facile. Sur ces destinations éloignées, le réseau n’est pas encore constitué. Peu d’acteurs sont présents sur place. C’est notre faiblesse. D’autant qu’à l’heure actuelle, les outils de transformation et d’expédition sont entre les mains d’opérateurs privés. Il faudra, à mon sens, créer une alliance pour constituer une véritable filière.

Durant la foire, le président chinois Xi Jinping a été invité par la délégation d’Interbev et celle des éleveurs, à déguster des viandes bovines françaises. La race aubrac était au menu ?

Dans un pays où l’exemplarité prime, le geste du président chinois n’est pas anecdotique, ni symbolique. Les Chinois sont très sensibles aux faits et gestes du président chinois. Le voir goûter cet échantillon de viandes françaises, dont un de l’aubrac, est une excellente chose dans un pays où la France, avec ses produits de luxe, son vignoble et désormais son élevage, bénéficie d’une très belle appréciation en termes de qualité et de sécurité.

Un an après la fin de l’embargo chinois, ce voyage semble donc prometteur pour la filière ?

Nous sommes très satisfaits. A nous maintenant de nous mettre en phase avec ce marché… sans vendre du rêve. Tout ne se fera pas en un jour, mais j’ai confiance en nos pratiques d’élevage.

Le bœuf français fait pourtant un retour timide sur le marché de l’empire du Milieu avec seulement 265 tonnes exportées depuis le début de l’année 2019.

Nous sommes encore sous un embargo partiel, seuls les animaux de moins de 30 mois peuvent être exportés. Nous espérons d’ailleurs un assouplissement sur ce point. Mais c’est vrai, 300 000 tonnes, c’est encore très faible compte tenu du potentiel chinois.

La Chine, un nouvel eldorado pour la filière bovine française ?

Non, mais l’occasion, assez inespérée, qui m’a été donnée de visiter ce pays m’a permis de voir ce qu’est la Chine, et ce qu’elle va devenir. On se sent petit depuis la France et ses 60 millions d’habitants. On change de dimension. Mais c’est prometteur oui. J’ai aussi pu me mettre en phase avec la réalité du défi alimentaire la planète, demain. On est dans le concret.

On vous a enfin vu poser avec Guillaume Canet que l’on a pu retrouver dans le film réalisé par Édouard Bergeon Au nom de la terre qui évoque la réalité du malaise agricole, celle des suicides qui endeuillent la profession.

J’ai eu l’occasion d’échanger avec lui sur ce sujet très délicat et malheureusement d’actualité. Je me suis aussi permis de saluer son interprétation dans ce film qui a le mérite d’ouvrir le débat et de récréer du lien, cette proximité entre les agriculteurs et les consommateurs.

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Avec 230 000 têtes élevées sur le territoire français, la vache aubrac fait mieux que ses cousines limousines, charolaises ou salers. Dans un monde de l’élevage qui "ne va pas bien" – depuis 2016, on décompte 1 million de têtes en moins, toutes races confondues – la vache aubrac se paie même le luxe de voir son cheptel augmenter de 5 % par an depuis 2010. "Un cas unique !"

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