Les disquaires font tout pour que ça tourne rond

(AFP) - Fouiller les doigts dans les bacs, extraire le 33 tours de sa pochette pour l'écouter avant achat: le plaisir du vinyle est-il compatible avec les gestes barrière ? Les disquaires qui rouvrent lundi s'adaptent et l'espèrent.

"Comment procéder à tous ces rituels? Sans doute avec des gants, du gel hydro-alcoolique et en acceptant que les clients ressemblent aux Residents ou aux Daft Punk", répond à l'AFP, en citant des groupes masqués, Pascal Bussy, directeur du Calif (Club action des labels et des disquaires indépendants français, qui regroupe 240 de ces derniers).

"Ce n'est pas facile, il faudra se réinventer, accepter de moins toucher dans les magasins ou au minimum", avance celui qui organise aussi le Disquaire Day.

Pour Christophe Ouali - "Le silence de la rue", disquaire à Paris - c'est aussi "le sujet central": "comment 'feuilleter' les disques? Avec des gants, ce n'est pas possible. Il faut donc du gel".

"On fournira des masques pour ceux qui veulent, du gel. On ne pourra pas passer 45 minutes à chercher un disque, il faudra de la pédagogie et de la diplomatie", détaille-t-il pour l'AFP.

Grégoire Rameaux - "Vicious circle", disquaire à Toulouse - installera une "plaque de plexiglas sur le comptoir". "On proposera du gel à l'entrée et des gants. On n'obligera pas à porter des masques", expose-t-il à l'AFP.

- "Pertes de 80 à 90 %" -

La plupart des clients "savent au départ ce qu'ils cherchent", rassure-t-il. "On limitera à 4 personnes en même temps et quand quelqu'un choisira un disque, on changera le plastique autour, pour que ça reste un plaisir".

Chez Christophe Ouali, "il y aura 3 clients maximum et un sens de circulation induit par les îlots centraux de disques".

Pour les disquaires, qui comme d'autres commerces ont déjà "subi les grèves, les mouvements des gilets jaunes tous les samedi pendant un an et le confinement", comme l'énumère Pascal Bussy, la réouverture est vitale pour les trésoreries, avec "un chiffre d'affaires près de zéro".

Grégoire Rameaux a "maintenu un minimum d'activité avec internet", "un peu amorti le choc", mais déplore "des pertes de 80 à 90 %". "J'ai pu aussi aller livrer à pied dans mon secteur, chez 2-3 potes, en laissant les disques devant leurs portes", ajoute-t-il.

Christophe Ouali a négocié un "plan de trésorerie" avec sa banque. Et a connu une hausse de "30% des ventes à distance entre janvier-février et mars-avril". "Je n'ai pas arrêté entre les paquets, les bordereaux, les factures et la recherche des bureaux de poste prétendument ouverts (rires). Une fois, il y avait écrit sur la porte 'plus de gants, plus de gel, plus de masques, plus personne' (rires)".

- "Z'êtes ouverts?" -

Il a senti une grosse attente chez ses clients. "Les jours où je venais travailler pour les commandes, des gens sont venus à la porte 'z'êtes ouverts?'. Le temps que j'explique que non, deux autres avaient suivis 'z'êtes ouverts?'. On en rigolait à la fin".

Tous prient comme Grégoire Rameaux pour que "le confinement ait amené les gens à acheter en bas de chez eux, à redécouvrir les commerces de quartier, dont les disquaires". Mais des questions demeurent. Christophe Ouali se demande s'il y aura "frénésie de reprendre les habitudes" ou alors "psychose de la deuxième vague".

Les mêmes interrogations valent pour le Disquaire Day, manifestation qui fête ses dix ans, reportée et déclinée désormais en quatre volets, les 20 juin, 29 août, 26 septembre et 24 octobre.

"Dans quel contexte sanitaire sera-t-on le 20 juin? Comment les gens se comporteront?", brasse Pascal Bussy. Les sorties vinyles annoncées pour l'occasion font en tout cas saliver, à commencer par Etienne Daho, parrain de l'évènement, qui va livrer "Surf", un inédit de reprises allant des Beach Boys aux Pet Shop Boys (références complètes des sorties sur www.disquaireday.fr).