Dans les centres anti-cancer, "on ne déprogramme pas" mais on manque de bras

  • Sur les près de 15.000 patients suivis par l'Institut Curie, plus de 2.500 ont déjà reçu au moins une dose sur place, sans compter ceux qui ont été vaccinés ailleurs.
    Sur les près de 15.000 patients suivis par l'Institut Curie, plus de 2.500 ont déjà reçu au moins une dose sur place, sans compter ceux qui ont été vaccinés ailleurs. GERARD JULIEN / AFP
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Relaxnews

(AFP) - Les vagues de Covid déferlent sur l'hôpital, mais depuis six mois "il n'y a aucune déprogrammation" à l'Institut Curie, "sanctuarisé" pour le plus grand soulagement des malades du cancer et des soignants, qui doivent toutefois composer avec une pénurie d'infirmières.

Le temps est un luxe que Corinne, 51 ans, ne peut pas s'offrir. "Quand on a peur, on a envie de se débarrasser, que ça aille vite", souffle-t-elle d'un ton calme, dans la pénombre de sa chambre sur cour.

Difficile de se rassurer, quand l'épidémie oblige les hôpitaux à annuler des soins en cascade. "Toute la journée aux infos, on entend que tout est déprogrammé, donc c'était vraiment ma hantise, de savoir si les délais allaient être respectés, sachant que c'est une maladie qui évolue", poursuit-elle.

Sa prise en charge à Curie - "l'institut du cancer et pas un hôpital" - a un peu apaisé cette angoisse, car "au moins ils ne donnent pas l'exclusivité au Covid". Ce qui ne l'a pas empêchée d'être testée positive au coronavirus la veille d'une biopsie, contrainte d'attendre trois semaines de plus.

"Hyper contrariée" sur le moment, elle n'a heureusement souffert d'aucun autre contretemps: "Après ça, tous mes rendez-vous ont été respectés, et l'opération a été programmée très rapidement".

Un parcours presque sans accroc, qui n'a ici rien d'exceptionnel. "Depuis le mois de novembre, il n'y a aucune déprogrammation sur nos trois sites", souligne Pierre Fumoleau, directeur de "l'ensemble hospitalier" réparti entre Paris, Saint-Cloud et Orsay.

Les 15 blocs opératoires tournent à plein régime, ce qui a permis de rattraper une bonne partie du retard de la première vague. "Au printemps 2020, on avait une diminution d'activité qui était de l'ordre de 30%, à la fin de l'année la baisse n'a été que de 5%" et le rythme reste encore "très soutenu" aujourd'hui.

Cela ne serait pas possible sans la bénédiction de l'agence régionale de santé (ARS), qui a passé "un deal" avec les deux centres anti-cancer franciliens (Curie et Gustave-Roussy): "Jusqu'à 2.200 patients Covid en soins critiques, on est sanctuarisé".

- "Pas des soins au rabais" -

Pour l'instant, leur nombre n'a pas dépassé 1.800. Même si les réanimations sont saturées, "pour nous, la situation est maîtrisée, on a appris à vivre avec", assure Roman Rouzier, directeur du site de Saint-Cloud.

Les malades ont beau être systématiquement testés avant une intervention, il faut tout de même se passer des chambres doubles pour éviter les contaminations. Faute de place, "on se débrouille pour que les patients passent moins de temps à l'hôpital" mais ne reçoivent "pas des soins au rabais", avec un recours accru à l'hospitalisation à domicile.

Sans doute un moindre mal, vu que les visites sont limitées pour protéger ces malades vulnérables. "On gère un hôpital avec des flux dans tous les sens, il faut absolument qu'on respecte les mesures barrières", explique-t-il, jugeant nécessaire de "garder ces mesures de protection tant qu'on n'aura pas atteint un niveau de vaccination suffisant".

Sur les près de 15.000 patients suivis par l'Institut Curie, plus de 2.500 ont déjà reçu au moins une dose sur place, sans compter ceux qui ont été vaccinés ailleurs.

Mais ils doivent toujours se contenter d'un seul "accompagnant" par jour "pendant deux heures maximum", dans le meilleur des cas, indique Frédérique Boutté, cadre de santé en chirurgie.

Les séjours les plus brefs sont souvent solitaires. "Quand un patient est hospitalisé pendant 48 heures et qu'il n'a pas droit aux visites, c'est dur quand même, ça paraît beaucoup plus long", déplore-t-elle, tourmentée de devoir encore "dire non à une visite" après plus d'un an de restrictions.

A côté de ça, les problèmes de planning sont bien dérisoires. "Il nous manque des infirmières", reconnaît-elle, mais la "culture de l'entraide" résout le problème, à grand renfort d'heures supplémentaires. Mais jusqu'à quand ?

"On a d'énormes difficultés actuellement pour recruter des infirmières, et cela pose des problèmes pour la continuité des soins", s'inquiète M. Fumoleau. Les départs enregistrés l'été dernier n'ont pas été remplacés, et Curie doit se résoudre à transférer certaines chimiothérapies dans d'autres établissements.

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