Jean-Paul Maury et l’imprimerie : « Une simple histoire de passion »

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  • Après 51 ans passés à la tête d’un des fleurons industriels français, le Millavois Jean-Paul Maury pourrait passer la main. Réponse le 2 novembre.
    Après 51 ans passés à la tête d’un des fleurons industriels français, le Millavois Jean-Paul Maury pourrait passer la main. Réponse le 2 novembre. @MauryImprimeur
  • Maury Imprimeur a installé ses usines dans le Malesherbois. A une centaine de kilomètres de Paris.    
    Maury Imprimeur a installé ses usines dans le Malesherbois. A une centaine de kilomètres de Paris.     @MauryImprimeiur
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Aurélien Delbouis

Cinquième génération d’une longue lignée d’imprimeurs installés à Millau depuis 1865, Jean-Paul Maury, 76 ans, est aujourd’hui le plus important imprimeur de presse magazine en France, et un acteur notable dans l’impression de best-sellers.
Rencontre avec un patron d’industrie passionné qui nous retrace un demi-siècle de développement. « Avant tout, l’histoire d’une passion ! »

D’aussi loin qu’il s’en souvienne, l’imprimerie a toujours été là. Sept jours sur sept, presque 24 heures sur 24… et ce depuis plus d’un demi-siècle. « À 11 ans, je savais déjà que je serai imprimeur », confirme d’ailleurs l’intéressé. A la tête du plus important groupe français d’imprimerie, le Millavois Jean-Paul Maury emploie aujourd’hui plus de 1 000 salariés répartis sur six sites industriels, pour un chiffre d’affaires qui flirte avec les 150 millions d’euros… Une belle réussite pour le dernier d’une longue lignée d’artisans aveyronnais.
Réputée pour l’impression de livres et d’encyclopédies à petits tirages, Maury Imprimeur s’est orientée aux fils des ans, vers la presse magazine qui représente aujourd’hui 55 % de son chiffre d’affaires.

Saga familiale

Des titres comme Paris Match, Le Monde Magazine, L’Express, Le Point, le Figaro Magazine « sortent de nos usines sous le nom Maury », se félicite PDG du groupe qui imprime 40 hebdomadaires et plus d’une centaine de mensuels. Soit 390 millions d’exemplaires agrafés par an pour une consommation de papier ahurissante : 300 000 tonnes par mois !
Une saga familiale dont les origines remontent au milieu du XIXe siècle raconte le capitaine Maury. « Il s’agissait au départ d’une petite entreprise familiale basée à Millau depuis 1865. J’ai repris la société en 1968. Après quatre années d’études en imprimerie et des cours du soir aux Arts et Métiers. »
Quatre ans plus tard et avec ses onze salariés, le jeune PDG prend la décision de se rapprocher de sa clientèle et de la capitale. Une nécessité pour une « industrie de proximité », explique l’entrepreneur. « Nous sommes très contraints par les délais. On ne dispose souvent que de 18 heures pour imprimer 500 000 exemplaires de tel ou tel hebdomadaire qui par définition est périssable. Si nous devons, en plus, perdre 8 heures dans les transports, ce n’est plus tenable. Tout ça explique pourquoi nous nous sommes rapprochés de la région parisienne. Là où, je ne vous apprends rien, sont implantés tous les centres d’expéditions et de distributions. »
En plus du site millavois - le fief originel de l’entreprise - Maury Imprimeur s’installe ainsi à Malesherbes dans le Loiret. À 80 km à peine de Paris. La société se développe ensuite avec la construction d’une seconde usine voisine, à Manchecourt - « j’ai construit 250 000 m² d’entrepôts » -, et l’acquisition d’imprimeries sur le territoire national : à Lognes, Alençon et Paris.

« Jeu industriel »

« La conquête d’un marché ne se fait pas en un claquement de doigts et demande évidemment de l’innovation et des investissements. Près de 200 millions d’euros nous concernant. C’est le jeu industriel mais je suis très content d’avoir fait ça pour mon pays », se félicite ce fervent défenseur de l’industrie tricolore qui pourrait céder sa place sous peu.
À 76 ans et après de multiples tentatives de reprises avortées dont celle, retentissante, du fonds d’investissement néerlandais HHBV (Hombergh/De Pundert), Jean-Paul Maury doit faire une annonce le 2 novembre prochain pour « parler de son futur et de celui du groupe ». La fin annoncée d’un demi-siècle de règne à la tête de l’entreprise Maury ? « Je ne peux évidemment rien dévoiler pour l’instant », s’amuse simplement le Millavois.
Passionné par l’imprimé et son histoire, Jean-Paul Maury porte sur son parcours un regard plein d’affection et de fierté. « Passer de 12 à plus de 1 000 salariés, c’est mieux que rien en effet, s’amuse le jeune homme de 76 ans. C’est aussi plutôt agréable de se dire qu’une petite usine implantée au fin fond de l’Aveyron est devenue un des grands acteurs nationaux du secteur. » Cette petite usine d’une quarantaine de salariés qui poursuit sa route sur les rives du Tarn. « Nous rapprocher de Paris, nous a permis de conserver cette unité aujourd’hui spécialisée dans les petits tirages, c’est-à-dire de moins de 1 000 exemplaires. Nous fabriquons aussi de la documentation technique… Pour Eurocopter à Marignane par exemple, nous produisons toute la doc, les mises à jour, les notices techniques pour l’ensemble de 25 000 modèles qui volent dans le monde. Idem pour PSA. Dernièrement nous avons également remporté un contrat avec Dassault pour la documentation du Rafale et des avions de la gamme Falcon. Tout ça est produit à Millau ou va l’être très rapidement. C’est aussi, pour moi, une grande fierté. »

Le plus grand musée d’Europe

« Je ne sais pas pourquoi j’ai répondu à cette association mais le résultat est là aujourd’hui. Et s’est concrétisé avec un musée de l’imprimerie de 6 000 m² à Malesherbes. » Sollicité par Artegraf en vue de l’acquisition de la collection privée de Serge Pozzoli, Jean-Paul Maury avoue avoir cédé sans trop de difficultés. « J’ai tout de suite été enthousiasmé par le nombre de ces machines et par l’intérêt culturel et industriel qu’elles représentaient. Avec mon épouse nous avons donc décidé d’acheter cette incroyable collection et de la céder à l’association pour en faire un véritable musée industriel de la transmission qui retrace cette belle histoire de l’imprimerie et de tout ce qu’elle a apporté au monde de la connaissance, de Gutenberg à nos jours. »
De Théophraste Renaudot à Closer
« Un musée vivant » parrainé par l’écrivain Régis Debray et l’académicien Pascal Ory qui a accueilli 45 000 visiteurs depuis son ouverture - évidemment contrariée par le Covid - en 2019. « Ce musée doit, je l’espère, inciter les jeunes à venir dans les métiers des arts graphiques et de la communication. De retrouver aussi quel bonheur c’est de lire et d’écrire, vise Jean-Paul Maury. Il y a aussi plus de 150 machines, des engrenages, des systèmes de transmissions… J’espère que cela peut réveiller des vocations pour les métiers en « ique ». Je pense à la mécanique, l’électronique, la robotique, la logistique… »

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