Joan Didion, grande chroniqueuse de la société américaine, est morte à 87 ans

  • Le visage creusé de rides, la silhouette plus frêle que jamais, elle avait accepté une récompense des mains de l'ex-président Barack Obama en 2013.
    Le visage creusé de rides, la silhouette plus frêle que jamais, elle avait accepté une récompense des mains de l'ex-président Barack Obama en 2013. Mandel NGAN / AFP
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ETX Daily Up

(AFP) - Ses chroniques de la contre-culture hippie en Californie dans les années 1960 avaient fait sa renommée: figure de la grande tradition américaine du journalisme littéraire, Joan Didion est morte jeudi à New York, à 87 ans.

A la fois romancière, journaliste, essayiste et scénariste pour Hollywood, l'auteure est décédée chez elle, à Manhattan, des suites de la maladie de Parkinson, a annoncé son éditeur Knopf-Penguin Random House, rendant hommage à l'une des écrivaines "les plus tranchantes" et à "l'une des observatrices les plus avisées" des Etats-Unis.

Tout au long de sa carrière, de "Slouching Towards Bethlehem" (1968) à "L'année de la pensée magique" (2007), elle a été célébrée à la fois pour son acuité dans la description de la société américaine contemporaine, mais aussi pour ses talents autobiographiques.

"Elle était féroce et ne craignait rien dans ses reportages. Son écriture intemporelle et puissante et sa prose ont influencé des millions de personnes", a salué son éditrice chez Knopf, Shelley Wanger.

- Entre New York et la Californie -

Née à Sacramento le 5 décembre 1934, Joan Didion a partagé sa vie entre la Californie et New York.

Après des études de littérature à l'université de Berkeley, elle part en 1956 pour la capitale culturelle de la côte est des Etats-Unis, où elle débute comme correctrice chez Vogue. C'est à New York aussi qu'elle rencontre son mari John Gregory Dunne, qui écrit alors pour le magazine Life.

En 1963, Joan Didion publie son premier roman, "Run River" ("Une saison de nuits"), mais ce livre sur la désintégration d'une famille californienne ne se vend guère et confirmera la fin de sa passion pour New York, comme elle l'expliqua plus tard dans un "Goodbye to all that" ("Au revoir à tout cela"), texte qui peint une capitale des gratte-ciel tout en poésie et désillusions.

Le couple quitte New York pour Los Angeles. Ils se marient et se font une place à Hollywood, où ils écrivent et collaborent à de nombreux scénarios, y compris un remake d'"Une star est née". En 1966, ils adoptent aussi une petite fille, Quintana, leur seule enfant.

Joan Didion part à l'été 1967 pour San Francisco, documenter la contre-culture hippie pour le Saturday Evening Post. De cette plongée dans un monde de jeunes à la dérive du quartier de Haight-Ashbury, alors en pleine découverte des drogues et des trips à l'acide, émerge un texte resté célèbre, "Slouching Towards Bethlehem", reportage à la première personne qui a fait d'elle une figure du nouveau journalisme.

Sa documentation des tourments culturels et sociaux de la Californie des années 1960-70 se poursuit, à travers ses chroniques dans "Life" et "Esquire", et fait l'objet d'un autre recueil, "The White Album", paru en 1979.

- Culte -

Revenue à New York avec son mari à la fin des années 1980, elle s'initie au journalisme politique et regroupera ses expériences dans un recueil de 2001, "Political Fictions". Quinze ans plus tard, certains verront dans sa description d'une "classe politique professionnelle" déconnectée du quotidien des électeurs, un avertissement prémonitoire de l'ère Trump.

La mort de son mari, d'un infarctus foudroyant fin 2003, puis celle de leur fille Quintana en 2005 la paralysent un temps. Mais elle puise dans son chagrin l'énergie pour rédiger deux récits autobiographiques, "L'année de la pensée magique" (2007) -- récompensé par le prestigieux National Book Award, le prix Médicis Essai en France et transposé au théatre avec Vanessa Redgrave en vedette -- et "Le Bleu de la Nuit" (2011).

Avec force références psychanalytiques, elle y dissèque les ressorts du deuil et de la perte de contrôle, donnant à sa lucidité une nouvelle dimension et une nouvelle audience.

Le visage creusé de rides, la silhouette plus frêle que jamais, elle avait accepté une récompense des mains de l'ex-président Barack Obama en 2013. En 2015, elle a posé pour une campagne de publicité du couturier Celine. La photo l'immortalise comme une figure culte, le visage derrière de grosses lunettes de soleil noires, comme des décennies plus tôt, au volant d'une Corvette Stingray blanche.

Elle s'était aussi racontée sans complaisance, dans l'intimité de son appartement de l'Upper East Side, à Manhattan, pour un documentaire réalisé par son neveu Griffin Dunne, "The center will not hold" (2017), au titre inspiré d'un de ses articles de 1967.

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