Présidentielle 2022 : l'Aveyron au diapason... avec un peu d'accent de Jean Lassalle

Dans cette rase campagne électorale, les Aveyronnais n’ont pas failli, une fois encore, à leur devoir citoyen, le département s’affichant sur le podium de ceux qui ont le plus voté, c’est presque une habitude, en tout cas une culture de principe. Toutefois, la « fatigue démocratique » dans ce scrutin si particulier en ces périodes de crises a imprimé un essoufflement de la participation qui recule de 3,2 points par rapport à 2017 et 2012.

Le Pen gagne en stature

Rien en tout cas qui ne puisse troubler la lecture des résultats, semblables à la partition nationale, en portant sur son territoire le duel qui attend le second tour. Et qui valide les choix déjà opérés en 2017 par les électeurs aveyronnais, augmenté même d’une prime quinquennale : Emmanuel Macron gagne 2 points à 27, 75 %, dont 2,5 points sur la seule commune de Rodez où Marine Le Pen reste derrière Mélenchon…

Mais ailleurs Marine Le Pen justement (20, 10 %, 3,9 points de plus en cinq ans) a bel et bien remplacé la droite républicaine, si chère à l’Aveyron jusqu’alors. François Fillon y était arrivé à la seconde place en 2017 (20,78 %), Valérie Pécresse à sa suite cinq ans après prend le bouillon (5, 84 %), moins violemment que dans le reste du pays, mais tout de même. Le terreau électoral traditionnel a vu germer cette fois une inclination marquée vers une candidate nationaliste, choisie plus volontiers à présent pour sa « capacité à gouverner », comme on l’entend ici.
Jusqu’alors, Marine Le Pen enregistrait des poussées éruptives dans quelques communes du département, jamais vraiment les mêmes au fil des scrutins. Cette fois, ce rôle protestataire est dévolu à Éric Zemmour (5, 92 %) qui fait mieux que Pécresse, y compris en Aveyron. 

La gauche à l’ouest

Mais l’Aveyron reste d’une façon ou d’une autre fidèle en politique à son rejet de l’aventure et des lendemains incertains. On y retrouve des socles historiques comme celui qui affirme la présence de la gauche dans le Bassin : à l’image de Decazeville qui, comme en 2017, a placé en tête Jean-Luc Mélenchon (28,95 %) devant Emmanuel Macron laissant Marine Le Pen gagner malgré tout 4 points de plus qu’en 2017 à 21,29 %.
Au plan départemental, si l’extrême gauche ne décolle toujours pas, le parti socialiste (2, 62 % contre 6,16 % il y a cinq ans) poursuit sa descente aux enfers, au coude à coude avec le communiste Fabien Roussel et ses 2, 64 % (le PCF n’était pas présent en 2017). Là encore, l’Aveyron ne se démarque pas de la photographie nationale.

L’irruption Jean Lassalle

Un bémol toutefois : dans ce concert bien orchestré émerge la voix tonitruante de Jean Lassalle. Le chantre de la ruralité auquel les élus aveyronnais ont donné autant de parrainages qu’à Valérie Pécresse, devient le poil à gratter de ce premier tour dans le département. Il se classe en quatrième position avec 8, 68 %, quand il était septième en 2017 (3,66 %). Le « berger des Pyrénées » qui s’est bien éloigné des convictions centristes du Modem auquel il avait adhéré à ses débuts se paye le luxe de devancer de près de 5 000 voix Valérie Pécresse dans ce département majoritairement acquis, dans ses scrutins locaux, à la droite traditionnelle. Certes, le personnage détonne et capte l’attention. Mais il ne faudrait pas voir seulement dans l’expression des électeurs à son endroit une galéjade de premier tour. Les suffrages qu’il aura obtenus pourraient bien le 24 avril ne pas se porter sur le président sortant.