Les "sosikjwa", ces YouTubers qui se filment en train de manger peu

  • L'humoriste Ahn Young-mi se filme en train de manger peu sur la chaîne YouTube "셀럽파이브 Celeb Five official".
    L'humoriste Ahn Young-mi se filme en train de manger peu sur la chaîne YouTube "셀럽파이브 Celeb Five official". Image Courtesy of YouTube and 셀럽파이브 Celeb Five official
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ETX Daily Up

(ETX Daily Up) - Cela fait des années que les Coréens ont popularisé les "mukbangs", ces vidéos où des internautes se filment en train de se goinfrer. Les dérives de cette pratique sont de plus en plus pointées du doigt et ont contribué à l’apparition des "sosikjwa". Ces personnes revendiquent avec fierté le fait de manger peu.

On dit souvent que l’appétit vient en mangeant. Il semblerait que les broadcast jockeys coréens prennent ce proverbe très au sérieux. Certains d’entre eux comme PaToo, Tomin ou Shukii sont devenus de véritables stars dans leur pays natal grâce à leurs "mukbangs". On les y voit ingurgiter des quantités astronomiques de nourriture, seuls, chez eux. Avec plus ou moins de difficultés… et de plaisir.

Ces vidéos ont gagné en popularité en Corée du Sud en 2010, avant de s’exporter à l’international. Elles sont depuis monnaie courante sur Internet. Toutefois, les "mukbangs" ont de moins en moins la cote dans le pays qui les a vus naître. Ils favoriseraient l’apparition de troubles alimentaires chez les plus jeunes, tout en contribuant au gaspillage alimentaire. En d’autres termes, les "mukbangs" sont dans la choucroute.

L'alimentation à la sauce minimaliste

Ils le sont d’autant plus depuis l’apparition des "sosikjwa". Ce mot-valise coréen est issu de la contraction du verbe "sosik" ("manger de petites quantités" en français) et du suffixe "jwa ("roi"). Il désigne ces individus qui ont un appétit d’oiseau et qui l’assument sur les réseaux sociaux.

La chanteuse et actrice Sandara Park et la présentatrice Park So-hyun incarnent parfaitement cette idéologie. Elles parlent de leurs préférences alimentaires minimalistes sur la chaîne YouTube "Unnies without Appetite". Et le succès est au rendez-vous : les vidéos qu’elles y publient comptabilisent, à ce jour, plus de 53,4 millions de vues.

La transparence avec laquelle les deux femmes parlent de leurs habitudes alimentaires explique l’intérêt que les internautes coréens manifestent pour leurs vidéos. Dans l’une d’entre elles, Park So-huyn affirme qu’elle boit généralement deux lattes à la vanille dans la journée… et c’est tout. Sandara Park pourrait ne manger qu’une banane par jour pour se sentir repue.

Si certains peuvent (à raison) s’interroger sur les bienfaits nutritionnels de ces régimes, Shim Cheong, le producteur de "Unnies without Appetite", vole au secours de ses vedettes. "Tout le monde est intéressé par le fait de bien manger et de bien vivre. Ce qui est important dans le 'mukbang', ce n'est pas de manger de la nourriture en grande quantité, mais plutôt de manger à sa faim. C'est tout le propos de cette émission : montrer que les sosikjwa aiment aussi la nourriture", a-t-il déclaré au Korea Times.

Attention à la crise de foie

Pour les besoins de la démonstration, Sandara Park et Park So-hyun s’efforcent de goûter les nombreux plats qu’ont choisis les invités qu’elles reçoivent sur leur chaîne YouTube. Mais pas question de se gaver pour autant. Elles ne mangent, en général, qu’une ou deux bouchées lentement… Très, très lentement.

Il faut dire que mâcher est tout un art chez les "sosikjwa". Ils mastiquent les aliments pendant de longues minutes avant de les avaler, pour le plus grand plaisir des internautes. Certains s’amusent même à chronométrer le temps qu’ils prennent pour manger un hamburger ou une boule de riz.

Dans le cas de l’humoriste Ahn Young-mi, il lui faut plus de quatre minutes pour finir un morceau de poulet frit. Elle se prête à l’exercice pour la chaîne YouTube "Celeb Five Official". Résultat : la vidéo de cette dégustation a généré près de 430.000 vues depuis sa publication, le 13 juillet dernier.


Selon le critique Ha Jae-keun, cet engouement populaire pour les "sosikjwa" illustre à quel point les Coréens se sont lassés des "mukbangs". "Les gens en ont assez de regarder des vidéos de mukbang où les gens engloutissent de la nourriture comme s'ils participaient à un concours du plus gros mangeur. Ceux que ça met mal à l'aise se tournent vers le 'sosikjwa'", a-t-il expliqué au Korea Times.

Reste que ce phénomène peut renforcer certains stéréotypes de genre, comme l’a fait avant lui son ancêtre, le "mukbang". Avec leur petit appétit, les "sosikjwa" contribuent à perpétuer les diktats liés à l’apparence physique— et surtout à la minceur. De l’autre côté de l’écran, certains internautes peuvent être tentés de restreindre leur alimentation pour les imiter. Une perspective qui reste sur l’estomac.

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