"Les peaux claires sont encore majoritairement valorisées dans les médias" (Hannelore Ver-Ndoye)

  • Hannelore Ver-Ndoye, enseignante de géographie, histoire et citoyenneté. Hannelore Ver-Ndoye, enseignante de géographie, histoire et citoyenneté.
    Hannelore Ver-Ndoye, enseignante de géographie, histoire et citoyenneté. Naïl Ver-Ndoye
Publié le
ETX Daily Up

(ETX Daily Up) - Malgré la sensibilisation et les interdictions progressives par certains pays comme le Cameroun, la dépigmentation volontaire reste un problème majeur au sein des populations de couleur. Une chose que pointe du doigt Hannelore Ver-Ndoye, enseignante de géographie, histoire et citoyenneté, dans le livre "Décolorés : un panorama de la dépigmentation volontaire de la peau", qui revient sur la nocivité de ces produits, ainsi que sur l’impact du colorisme sur les minorités. Interview.

Quelles sont les raisons qui continuent de pousser les femmes à s’éclaircir la peau aujourd’hui ?

La réalité c’est que les peaux claires (blanches ou métisses) sont encore majoritairement valorisées dans les médias et les peaux foncées sont globalement marginalisées. Dans des pays encore plus que dans d’autres… Mais ce n’est pas le seul élément en cause. Il y a toute la dimension des discriminations sociales liées au fait d’avoir une peau foncée. Dans l'accès au travail, au logement, au marché matrimonial, à la valorisation sociale, entre autres, avoir une peau foncée est aujourd'hui encore un facteur qui peut être discriminant voire excluant, et ceci que l’on soit en Inde, en Corée du Sud, au Brésil, au Maroc… On constate également un colorisme, c’est-à-dire un traitement graduellement privilégié des carnations claires au sein même des populations de couleur, encore très présent dans de nombreuses sociétés. Tant que toutes ces discriminations dureront, l’envie de s’éclaircir la peau sera là.

Sur les réseaux sociaux, on retrouve des contenus étiquetés #skinwhitening qui attirent des millions de vues, notamment sur TikTok, très utilisé par les jeunes. Peut-on parler d'une nouvelle forme de danger rendue plus accessible aux jeunes ?

Cela représente clairement un nouveau danger car d’une part, l’offre n’a jamais été aussi diversifiée et facile d’accès et, d’autre part, les stratégies marketing n’ont jamais été aussi affinées. On propose des produits qui peuvent avoir l’air innocents et sans risques, comme des thés, des patchs, des produits dits 'naturels', mais c’est faux : il n’existe pas de moyens dépigmentants qui soient sans danger pour la santé. Autre chose importante à retenir : plus la dépigmentation est efficace, plus elle est dangereuse. Les stratégies marketing se sont encore améliorées, affûtées, toujours en laissant miroiter des alternatives qui seraient naturelles et saines, en mettant en avant des ingrédients tels que l’aloe vera, le moringa, le citron, la carotte. Est omise la présence ou la quantité de substances nocives : mercure, corticoïdes, hydroquinone, etc. L’influence des réseaux sociaux participe malheureusement à faire fructifier ce business et à le démocratiser. Des voix s’élèvent toutefois pour dénoncer ceci.

Pourquoi les consommatrices sont-elles plus stigmatisées que les marques elles-mêmes ?

C’est une réalité, et un véritable problème, car c’est souvent contre-productif. Dans mon livre je souligne que le but n’est pas de pointer du doigt les utilisateurs et utilisatrices de techniques dépigmentantes mais tous les mécanismes sous-jacents. Et parmi les mécanismes en cause, il y a ceux qui se font de l’argent grâce à ce business. C’est un véritable scandale, de nombreuses personnes commercialisent des poisons sans aucune morale, dans le but de se faire beaucoup d’argent. Il y en a à tous les niveaux, et ceci s'accompagne d'un marketing bien rodé. Il est temps de s'attaquer davantage à ces marques.

*"Décolorés : un panorama de la dépigmentation volontaire de la peau", Hannelore Ver-Ndoye, Editions Omniscience.

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