Contre la dyslexie, des outils divers et plus ou moins controversés

  • Les troubles spécifiques des apprentissages fondamentaux concernent "au moins 5 à 6% des enfants, soit un enfant par classe", selon Santé publique France.
    Les troubles spécifiques des apprentissages fondamentaux concernent "au moins 5 à 6% des enfants, soit un enfant par classe", selon Santé publique France. manonallard / Getty Images
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(AFP) - Mieux mémoriser les sons et les rythmes grâce à un jeu vidéo, faciliter la lecture par la lumière "pulsée" ou des lunettes spéciales: face au trouble répandu de la dyslexie, des technologies se développent à tout va, sous l'oeil vigilant des orthophonistes.

"De nombreuses entreprises se lancent dans cette recherche d'outils" dans un contexte de manque de professionnels en France. Avec "environ 30 orthophonistes pour 100.000 habitants, ce n'est pas du tout suffisant!", souligne Sarah Degiovani, présidente de la fédération nationale des orthophonistes (FNO).

Les délais d'attente sont compris "entre six mois et trois ans selon les territoires", explique à l'AFP cette spécialiste des troubles dits "dys".

Les troubles spécifiques des apprentissages fondamentaux concernent "au moins 5 à 6% des enfants, soit un enfant par classe", selon Santé publique France. Ils regroupent différents troubles cognitifs (dyslexies, dysphasies, dyscalculies, dyspraxies, dysorthographies) qui nécessitent un projet de soins et d'accompagnement.

En attendant un éventuel et lointain rendez-vous chez l'orthophoniste, un jeu vidéo se propose de servir de "relais à domicile". Cette application interactive, conçue par la start-up Poppins en coopération avec le géant français des jeux vidéo Ubisoft, intègre des jeux de langage et des jeux de rythmes. Elle se télécharge sur tablettes et téléphones mobiles.

"Les compétences rythmiques sont plus faibles chez les dyslexiques. Or, le rythme est indispensable pour la compétence phonologique et le décollage en lecture", a expliqué mardi à la presse Catherine Grosmaître, neuropsychologue et orthophoniste.

Les résultats d'une étude clinique (entraînement de 154 enfants de 7 à 11 ans, avec comparaison avec un jeu placebo, sans suivi orthophonique) montrent des progrès en précision et en rapidité de lecture, selon cette responsable du centre de référence des troubles du langage et des apprentissages de l'hôpital pédiatrique Necker (AP-HP).

Côté utilisateurs, la présidente de la Fédération Française des Dys (FFDys) Nathalie Groh évoque le caractère "sérieux", "ludique" et "rassurant" du dispositif limité à 20 minutes. "Une bonne idée" aussi pour l'association Dyslexiques de France.

Poppins, qui a noué des partenariats avec plusieurs mutuelles, veut mener de nouveaux projets de recherche sur l'impact du jeu en complément d'un suivi orthophonique, en attendant une prise en charge par la sécurité sociale.

- Produits non remboursés -

Plus controversées, des lunettes d'aide à la lecture ont été développées par la société Abeye située à Beaune (Côte-d'Or). Leur objectif est de filtrer les "images miroirs" qui compliquent la lecture, en utilisant une lumière stroboscopique invisible à l’œil nu.

C'est un peu comme "écrire au tableau sans avoir effacé préalablement la leçon précédente": la technologie Lexilens "efface le tableau" et "les mots et les lettres apparaissent beaucoup plus nets", explique à l'AFP le patron d'Abeye, Michael Kodochian.

La société attend une "validation du comité de protection des personnes", un préalable pour lancer une étude clinique, mais l'accessoire est déjà "utilisé par plus de 5.000 personnes dans le monde", souligne l'entrepreneur adossé à un réseau d'opticiens.

Parmi les jeunes adultes de l'association Dyslexiques de France, certains "ne s'en passent plus", affirme la présidente Concepcion El Chami.

La FFDys se montre plus circonspecte face à ces lunettes commercialisées "avant même de prouver scientifiquement que cela marche" en se contentant d'une seule étude de satisfaction. "Des familles ont arrêté l’orthophonie en pensant que les lunettes pouvaient remplacer le soin", déplore sa présidente Mme Groh.

D'autres produits à plusieurs centaines d'euros visant à corriger l'effet de superposition d’images sont également disponibles dans des réseaux mutualistes, portés par des enquêtes d'opinion favorables.

C'est le cas d'une lampe "vendue à 3.000 exemplaires" deux ans après son lancement par la start-up normande Lili for Life qui, comme Abeye, mise aussi sur les écrans d'ordinateurs pour dyslexiques.

"La majorité des outils utilisés par des dyslexiques ne sont à la base pas développés pour eux", tels que les saisies vocales de textes, ChatGPT pour corriger les fautes et reformuler les textes, les applications de prise de note ou de livres audios, souligne Rémi Munier, référent numérique Dyslexiques de France.

Finalement, "le bon outil c'est celui dont la personne se sert".

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