Pierre Boyer, Vif Tout Terrain

  • Avant la découverte du VTT, il y eut le vélo de route et les courses en ligne. Ici, sous le maillot du SO Millau, Pierre Boyer, âgé de 19 ans, dispute une épreuve 1re catégorie à Laissac.
    Avant la découverte du VTT, il y eut le vélo de route et les courses en ligne. Ici, sous le maillot du SO Millau, Pierre Boyer, âgé de 19 ans, dispute une épreuve 1re catégorie à Laissac. Archives
  • Installé à Cruéjouls, Pierre Boyer n’a plus vraiment le temps de rouler pour lui. Il s’est dévoué aux autres, avec son équipe du Roc Laissagais. Un quart de siècle que cela dure.
    Installé à Cruéjouls, Pierre Boyer n’a plus vraiment le temps de rouler pour lui. Il s’est dévoué aux autres, avec son équipe du Roc Laissagais. Un quart de siècle que cela dure. JLB
  • En 1996, le Roc laissagais est encore tout jeune. Mais la 5e édition est marquée par la présence d’un champion bientôt hors-norme : Miguel Martinez n’a pas encore remporté le titre olympique à Sydney (2000) ni les Mondiaux la même année, mais il est en route pour la gloire. Celle-ci débute à Laissac. «Quand il m’a dit qu’il venait, j’en ai chialé», sourit Pierre Boyer. Martinez s’imposera en 1996 et 2004.
    En 1996, le Roc laissagais est encore tout jeune. Mais la 5e édition est marquée par la présence d’un champion bientôt hors-norme : Miguel Martinez n’a pas encore remporté le titre olympique à Sydney (2000) ni les Mondiaux la même année, mais il est en route pour la gloire. Celle-ci débute à Laissac. «Quand il m’a dit qu’il venait, j’en ai chialé», sourit Pierre Boyer. Martinez s’imposera en 1996 et 2004. Archives
Publié le
Maxime Raynaud

À 58 ans et malgré une grande timidité qu’il camoufle, Pierre Boyer est devenu un incontournable du sport aveyronnais. Le Roc Laissagais, son «bébé», s’apprête à vivre une 25e édition en mode Mondial au mois de juin. Tout sauf un hasard venant d’un homme viscéralement attaché au vélo et littéralement hyperactif.

Derrière l’épaisse monture noire, le regard est d’une vivacité sans égale. Il résume à merveille Pierre Boyer, toujours en mouvement même s’il «commence à dater» juge-t-il, du haut de ses 58 ans. Mais chez le père du Roc Laissagais, plus grande manifestation de VTT du Sud-Ouest et même plus, il pointe comme une jeunesse intacte. L’amour conserve, paraît-il.

Chez Pierre Boyer, même usant, celui-ci est à fleur de peau. Pourvu qu’elle ait deux roues, pas de moteur et une selle, la petite reine coule dans ses veines sans que l’on sache jusqu’où elle le mènera. L’engagement aurait pu prendre d’autres formes. Ovale, comme le rugby que ce petit format (1,61 m) pratiqua jusqu’à l’adolescence au poste de demi de mêlée avant qu’un genou n’en décide autrement.

À cordes, comme la basse que ce fan de Deep Purple gratta pendant une dizaine d’années, sillonnant les scènes du Grand Sud avec Animation, son «orchestre attractif». Comme beaucoup, Pierre Boyer a eu plusieurs vies, «tant que ça bouge, explique-t-il pour justifier sa boulimie. J’ai toujours été turbulent, dynamique, désireux d’être à l’extérieur.» Pas étonnant que le vélo ait fini par prendre le dessus. À jamais, c’est désormais certain, alors que se profile un 25e Roc Laissagais de tous les records.

Avant la découverte du VTT, il y eut le vélo de route et les courses en ligne. Ici, sous le maillot du SO Millau, Pierre Boyer, âgé de 19 ans, dispute une épreuve 1re catégorie à Laissac.
Avant la découverte du VTT, il y eut le vélo de route et les courses en ligne. Ici, sous le maillot du SO Millau, Pierre Boyer, âgé de 19 ans, dispute une épreuve 1re catégorie à Laissac. Archives

Anquetil, Auriol et la marmite

L’origine est sans doute à chercher du côté de l’enfance, passée dans un coin du Bazar Bleu, le magasin de jouet familial du regretté André et de Geneviève, ses parents. Là-bas, avenue Tarayre, à Rodez, au cœur de cette «enfance malheureuse», ironise le frère d’Isabelle, de 11 ans sa benjamine, conscient d’avoir «vécu Noël tous les jours», le petit Pierre aurait pu rencontrer un vélo en bois. Le symbole aurait eu quelque chose de poétique.

Finalement, le deuxième amour de sa vie-après Françoise, sa femme depuis 36 ans, et ses deux enfants Céline et Julien, replace-t-il- est venu du tube cathodique. Vêtu de jaune, chevauchant deux frêles bouts de boyaux, il avait pris la forme de Jacques Anquetil, icône familiale et seigneur du Tour de France du début des années 1960. Tombé dedans, et jamais vraiment ressorti de la marmite du vélo, Pierre Boyer l’enfourchera à son tour à ses 15 ans.

Au Vélo club Rodez, dans les pas de son mentor Jean-Marie Bermon, puis au SO Millau, côtoyant Didier Auriol, pas encore champion du monde des rallyes mais coiffé d’«une belle coupe au bol» se souvient plein de malice l’ex-partenaire. De cette époque, outre les entraînements de nuit zone de Cantaranne, le Ruthénois de naissance se souvient de ses courses homériques face aux cadors plutôt que de ses succès, même décrochés en 1re catégorie.

«Vivre à fond», devise autant que besoin

Cela en dit beaucoup du personnage, «timide et inquiet, par peur de ne pas y arriver», souffle-t-il. Au-delà de la performance, «vivre à fond»est une devise autant qu’un besoin destiné à masquer les craintes. Quitte à savoir décrocher. Pour mieux replonger. En avril 1980, le mariage signifie ainsi la fin du vélo. Mais la passion n’est jamais bien loin. En contrebas de la maternité, par exemple. De la salle d’accouchement ruthénoise où est en train de naître Julien le 11 juillet 1984, le papa suit d’un œil le passage de la Grande Boucle.

Quelques minutes plus tard, Pierre-Henri Menthéour s’imposera avenue Victor-Hugo. Quelques minutes avant, l’ambulance transportant Françoise sur le point de donner naissance a dû se frayer un chemin dans la caravane publicitaire, rue Béteille. «Il faut le faire quand même !, se marre encore aujourd’hui Pierre Boyer, comme pour convaincre qu’on ne peut rien contre son destin. Ma famille l’a subi. Ils en ont fait des overdoses. Mais ma récompense, c’est qu’ils sont là chaque année pour m’aider sur le Roc.»

En 1996, le Roc laissagais est encore tout jeune. Mais la 5e édition est marquée par la présence d’un champion bientôt hors-norme : Miguel Martinez n’a pas encore remporté le titre olympique à Sydney (2000) ni les Mondiaux la même année, mais il est en route pour la gloire. Celle-ci débute à Laissac. «Quand il m’a dit qu’il venait, j’en ai chialé», sourit Pierre Boyer. Martinez s’imposera en 1996 et 2004.
En 1996, le Roc laissagais est encore tout jeune. Mais la 5e édition est marquée par la présence d’un champion bientôt hors-norme : Miguel Martinez n’a pas encore remporté le titre olympique à Sydney (2000) ni les Mondiaux la même année, mais il est en route pour la gloire. Celle-ci débute à Laissac. «Quand il m’a dit qu’il venait, j’en ai chialé», sourit Pierre Boyer. Martinez s’imposera en 1996 et 2004. Archives

«Ma femme m’engueule mais j’aime trop les coureurs» 

Le Roc. Trois lettres indissociables du bonhomme auquel colle à la peau cet autre «bébé» depuis 25 ans. Cela aurait pu ne jamais arriver et Pierre Boyer, imprimeur aujourd’hui à Merico à Bozouls après un CAP décroché à Saint-Joseph, aurait pu ne jamais enfanter un tel monument du sport aveyronnais. La naissance du VTT dans les années 80 a agi comme un point de non-retour.

«Embringué» dans le tourbillon, comme récemment au comité départemental par son ami et coprésident Victor Santos, l’hyperactif n’a pas résisté. En un quart de siècle, il a contribué à transformer Laissac en capitale mondiale de la discipline. Quitte à s’épuiser à la tâche, par envie de bien faire plus que par omnipotence, même s’il lui est parfois reproché de ne pas passer la main. Lui le voudrait.

«Ça fait un moment que je le dis..., reconnaît l’éternel bénévole, devenu ami des stars du cyclisme, Jean-Christophe Péraud et d’autres. C’est un travail de fou et c’est devenu lourd, presqu’un second boulot, surtout que les contraintes sont de plus en plus intenables. Ma femme m’engueule mais j’aime trop les coureurs.»Il aurait aussi voulu être à leur place. Il ne le regrette pas.

Mais aujourd’hui, bien qu’il veuille rendre les clés, entre autre pour voyager avec sa femme, «le chauffeur d’un bus de bénévoles heureusement bien plein» est sans cesse rattrapé par quelque chose d’éminemment supérieur et essentiel. Un amour qui le dépasse. Parce qu’il lui permet d’être avec ses potes, de vivre intensément et de se réaliser. Tout cela se lit aussi dans son regard. 

Voir les commentaires
Réagir
Vous avez droit à 3 commentaires par jour. Pour contribuer en illimité, abonnez vous. S'abonner

Souhaitez-vous recevoir une notification lors de la réponse d’un(e) internaute à votre commentaire ?