Le Cayrol. L’Aveyron aux toits de pierres

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  • Des jeunes couvreurs-lauziers apprennentle savoir-faire de ce métier, bien aidés par l’expérience d’anciens artisans.
    Des jeunes couvreurs-lauziers apprennentle savoir-faire de ce métier, bien aidés par l’expérience d’anciens artisans.
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Centre Presse

Au XXIe siècle, l’Aveyron redécouvre les vertus de ses ressources locales. Alors que la fermeture des ardoisières du Cayrol, en 2006, semblait sonner le glas d’un métier traditionnel, 2020 est l’année de la réouverture. Deux jeunes carriers et une nouvelle société déploient des moyens modernes pour reprendre l’exploitation d’un filon loin d’être épuisé. La Fondation du patrimoine invite les curieux à admirer les pierres apparentes qui coiffent, en écailles de poissons ou en dalles, le chef des bâtisses aveyronnaises. Il en existe de plusieurs natures. Tout cela dépend de la pierre employée qui provient traditionnellement du socle sur lequel se dresse l’édifice. La lauze est en train de renaître. De jeunes entrepreneurs rouvrent les carrières, de jeunes couvreurs-lauziers réapprennent la pause sur des charpentes conçues pour cela par des experts. Tous – entrepreneurs, architectes, services, élus et la Fondation du patrimoine – se mobilisent pour que "consommer local" soit possible.

Elle semblait inéluctablement vouée à disparaître, appartenir à un lointain passé, teintée de la nostalgie de ce que l’on ne peut retenir et qui s’effiloche dans la mémoire collective. L’ardoise du Cayrol (appelée la bleue du Cayrol) résonne à nouveau en un tintement net au flanc de la vallée du Lot. Un chant que l’on était certain de ne plus jamais entendre. Et pourtant… Deux entrepreneurs d’Espalion et de Rodelle, appuyés par leur communauté de communes Comtal Lot et Truyère ont relevé le défi d’associer économie et patrimoine.

Les anciennes exploitations d’ardoises du Cayrol n’ont pas survécu au XXe siècle car leur modèle économique n’était pas rentable : volume extrait et taillé insuffisant pour produire un revenu décent, extraction sans matériel adapté harassante, manipulation de bloc de pierre pénible, clivage et taille à la force du poignet. L’ensemble rendait la tâche inhumaine à l’aune de notre confortable XXIe siècle.

Il était de coutume de mixer activité agricole et carrière en fonction de la saison. Activité d’appoint à celle de paysan, la carrière se vivait une partie de l’année seulement quand champs et animaux demandaient moins de temps. Peu mécanisée car pas assez rentable mais de fait, pas rentable car peu mécanisée. Ce produit noble présent partout sur les toits d’une grande moitié nord du département et jusqu’en Lozère s’est raréfié.

La professionnalisation de l’activité et l’évolution des outils permettent d’envisager l’exploitation sous un autre angle. Au burin a succédé la tractopelle, le filon en devient plus accessible, les masses lourdes plus maniables. La technique explosive n’est plus celle de la poudre noire avec une mèche lente mais celle du tir électrique plus sécurisant. Il s’agit de ne produire qu’un souffle pour ne pas meurtrir le schiste, seulement le désolidariser en douceur de la montagne. La main garde l’essentiel, la part noble du métier : le clivage et la taille. Ce savoir-faire, lui, est immuable, s’acquiert patiemment. Il demande une certaine communion avec la matière, sentir le fil de la pierre, écouter le son net ou creux, affiner sans casser, donner la forme ronde ou rectiligne, soupeser, percer.

Une lauze présente partout dans le paysage local

Il suffit d’observer le patrimoine local pour constater l’importance qu’a pu avoir la production d’ardoises par le passé (vers 1880, près de 160 personnes travaillaient aux ardoisières). Maisons, châteaux, églises, lavoirs et fontaines en sont recouverts. Par défaut de production mais également de la concurrence de productions étrangères, des ardoises de récupération, des matériaux moins nobles et moins identitaires ont pris leur place.

Aujourd’hui, il est donc à nouveau possible de rénover ou même de construire un toit en ardoises du Cayrol neuves, durables, caractéristiques du terroir, parfaitement intégrées dans les paysages, favorisant une économie circulaire ultra-locale, permettant de conserver et transmettre un savoir-faire bien spécifique. La carrière de la Moulières, au nord du Cayrol, a repris son activité en plein confinement, le 4 mai 2020.

Bien plus qu’une lauze, c’est un symbole qui ressurgit de terre. Celui de la volonté caractéristique des Aveyronnais, de leur ténacité et faculté à donner de la valeur économique à un marqueur identitaire fort : un savoir-faire traditionnel local. Ces valeurs n’ont jamais été aussi modernes qu’aujourd’hui.

Les travaux de restauration peuvent faire l’objet de plusieurs soutiens financiers : une défiscalisation par le biais d’une labellisation de la Fondation du patrimoine et/ou une aide du conseil départemental de l’Aveyron. Avant toute démarche, contacter les services de l’architecte des Bâtiments de France.

Association créée en 2013

L’association, créée en 2013 et nommée "ALC Artisans Lauziers Calcaire", a pour objectif de réunir les professionnels de la couverture en lauze calcaire, de l’extraction à la pose, afin de sauvegarder et de pérenniser le savoir-faire de ces artisans. Depuis 2018, l’association s’ouvre à tous les couvreurs de lauzes naturelles, quelles que soient les origines géologiques des matériaux.

Elle conserve le sigle ALC, mais elle s’appelle désormais "Artisans Lauziers Couvreurs" et a dorénavant une représentation à l’échelle nationale.

L’Aveyron aux toits de pierres
L’Aveyron aux toits de pierres

Église Saint-Chély : l’exemple de microcarrière en 2020

Dans le cadre de la restauration du toit de l’église Saint-Chély, à Sévérac d’Aveyron, une microcarrière a été ouverte. Elle est située sur la commune de Verrière. Les agriculteurs, qui connaissent toujours aussi bien leurs terres, ont facilité le repérage des lieux potentiels d’extraction.

Il a ainsi été possible de réaliser plusieurs sondages (tranchées à la pelle mécanique) révélant les premières couches de la roche et leur potentiel d’exploitation.

Sur un lieu où les sondages se sont révélés satisfaisants, l’extraction a pu se mettre en place en suivant les étapes : décapage de la terre pour mettre à nu la première strate de roche, extraction à la pelle mécanique de cette strate rocheuse, tri manuel des pierres dont l’épaisseur permettra de tirer des lauzes (entre 3 et 8 cm), clivage (si nécessaire, séparation des épaisseurs afin d’obtenir des lauzes), mise en palette des lauzes brutes, remise en état environnementale (remblaiement du trou avec le rebut de l’extraction, compactage du sol, remise de la terre en surface).

Les lauzes sont ensuite transportées en atelier où elles subissent une taille "de mise en forme" pendant l’hiver. Elles sont ainsi adaptées aux exigences du chantier auquel elles sont destinées avant d’y trouver leur place à la belle saison.

Il est bon de préciser qu’une étude sur les qualités mécaniques et les conditions de résistance de la lauze au gel a été réalisée par un doctorant de l’école des mines d’Alès. "C’est dans ce long processus, véritable chaîne des savoir-faire, que se révèle tout à fait le métier de couvreur-lauzier", explique Mathias Lemaire, couvreur-lauzier.

 

 

  • Rencontre avec Gérard Sévérac, artisan retraité et président de l’association "Artisans Lauziers Couvreurs", qui s’inscrit dans une lignée d’artisans couvreurs. Il a transmis le flambeau à son fils, installé à Aguessac.

Gérard Sévérac que représentent pour vous le toit de lauze et le métier de lauzier-couvreur ?

Ce qui me vient en premier à l’esprit, c’est le respect du patrimoine transmis. C’est participer à l’histoire de ces hommes qui ont construit, entretenu, transmis et aussi habité sous ces toits.

D’un point de vue pratique, c’est aussi partager son savoir-faire avec le client et, par là même, le satisfaire par du bel ouvrage, source de fierté. C’est lui apporter l’assurance de la solidité et de la longévité, garantes d’un bon investissement. Ce sont les bases de ce qu’on appelle aujourd’hui le "durable" une notion remise au goût du jour par l’écologie et qui doit s’appliquer également à nos métiers.

L’association a reçu le soutien des collectivités et de l’État pour mettre en œuvre son programme. Que proposez-vous à tous ces jeunes en quête d’idéal ?

Notre métier, comme d’autres et tout particulièrement dans le bâtiment, est menacé autant par la méconnaissance que par l’attractivité des faux-semblants. C’est pourquoi ALC soutient la formation d’apprentis et l’obtention d’un certificat de qualification professionnelle qui est une formation spécifique de lauzier-couvreur. Cela devrait à la fois satisfaire la demande de jeunes couvreurs et combler le manque certain de main-d’œuvre qualifiée pour la pose de ces "matériaux nobles".

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