Témoignage : il s'est reconverti à l'agriculture, la quête de sens de Sascha en Bas-Ségala

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  • L'élevage d'agneaux devenu une passion.
    L'élevage d'agneaux devenu une passion. Centre Presse Aveyron - C. C.
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Rien ne prédisposait cet ingénieur de 35 ans originaire de Haute-Normandie à embrasser l’agriculture paysanne. Si ce n‘est l’amour du terrain et "du concret". Sascha Vue et sa compagne ont donné un sens à leur vie en s’installant à Saint-Salvadou, au terme d’un projet mûrement réfléchi. Et assurément réussi.

La géographie du Bas-Ségala étire ses rondeurs sensuelles entre quelques fermes aux murs de pierres qui persillent le paysage. À portée de voix de Saint-Salvadou, un hameau assoupi mais retapé au gré des envies et des besoins, garde toujours le parfum de l’histoire.

Sascha Vue et sa compagne Tatiana.
Sascha Vue et sa compagne Tatiana. Centre Presse Aveyron - C. C.

Un théâtre de verdure et d’exigence paysanne devenu la raison d’être de deux couples que rien, a priori, ne disposait à y poser les valises. Sascha est originaire de Haute-Normandie, sa compagne Tatiana, de Paris. Ils voisinent avec deux copains, Oriane et Pyo, eux aussi venus d’ailleurs (Clermont-Ferrand et Pau), lui était chercheur en acoustique, elle ingénieur en environnement, ils ont jeté leur dévolu sur le maraîchage bio sous serres. Sascha et Tatiana quant à eux vont s’orienter vers l’élevage et… la boulangerie.

Une "dimension collective"

Cette "dimension collective" de l’installation hors cadre, va être la pierre angulaire de leur reconversion commune, dans une région qui va devenir la leur. Au sein de deux exploitations sans succession qu’ils vont s’approprier sous la forme d’un groupement foncier agricole (GFA), fort de 80 sociétaires qui croient en eux comme eux-mêmes croient en leur avenir. Et force est de constater que, depuis 2018, date de la signature de leur installation, personne ne s’est trompé.

Rien n’était pourtant trop évident au départ. Sascha et Tatiana sont tous deux "très urbains". Ils se sont rencontrés en faisant des études d’ingénieurs agronomes à Paris. "J’ai hésité à faire de la recherche, derrière des écrans d’ordinateur, se souvient Sascha. J’ai travaillé à l’INRAE, quelques mois après mon diplôme. À l’école, j’avais vu lors d’un stage l’épanouissement d’un couple éleveur de porcs en Bretagne ! Il me manquait du concret, voir les conséquences de mes actes après trois ans de travail dans un bureau de recherche…"

L'exploitation produit son blé pour fabriquer sa farine et son pain.
L'exploitation produit son blé pour fabriquer sa farine et son pain. Centre Presse Aveyron - C. C.

Envie de terrain et hasard des rencontres

Une "envie de terrain" que partage Tatiana et qui nourrit chez eux le changement de région, la volonté de se confronter aux réalités. "Il nous fallait choisir une région, de préférence dans l’Ouest, le Sud-Ouest, une région où il y avait des fermes moyennes, reprenables plus facilement, où le foncier et l’immobilier restent accessibles, sortir des structurants importants, explique Sascha. Il nous fallait être pas trop loin d’une ville moyenne, pas trop reculé comme en Lozère. Tout cela est un peu le hasard des rencontres, avec des gens dans le même cas que nous, avec les mêmes envies. On a rencontré Pyo et Oriane, on s’est lancé." Ce sera donc l’Aveyron.

Le moteur de leur changement est indéniablement "la quête de sens" : "Pourquoi on se lève le matin, qu’est ce qui est concret, utile à la société ? Et puis comment nourrir sainement les gens…"

Des valeurs et de l’humilité

Chez ces jeunes gens (Sascha a 35 ans), les questions environnementales et éthiques sont des valeurs cardinales. Ils feront du bio par nature, pas par stratégie sociétale. Des valeurs qui conduiront Sascha à intégrer le bureau départemental de la Confédération paysanne.

Un peu d’argent de côté et le GFA pour ne pas tout engager dans l’aventure. "C’était une sécurité, sur le modèle de Terres de Liens, très répandu en Bretagne pour installer des jeunes." La greffe prend derrière ce couple d’éleveurs bovins à la retraite, sans possibilité de transmission.

Ils feront autre chose des 35 hectares de terres (plus 15 hectares un peu plus loin) de l’exploitation qu’ils reprennent avec comme ambition, au-delà de la réussite de leur projet, de gagner au sein du couple 1 300 euros par mois. Salaire modeste "mais j’ai l’impression de vivre très bien en Aveyron, car on a la chance de bien maîtriser notre circuit de commercialisation, d’être moins tributaires du marché, plus autonomes".

Débuts compliqués

Les débuts n’ont pas été simples. "S’installer hors cadre est très compliqué. Et si l’on a la volonté de s’agrandir, on se heurte à l’appréhension du voisinage contre lequel il a fallu ferrailler. Ne serait-ce que pour avoir 25 hectares au tout début." Des jeunes venus d’ailleurs, réputés peu aguerris au monde paysan, style Larzac-fromage-de-chèvre, ont créé des remous en Ségala. Aujourd’hui apaisés, car leur travail et le respect de la cause paysanne ont fait le reste. L’installation s’est finalement bien passée, "car on avait des diplômes agricoles et que les banques suivaient".

Aujourd’hui, "beaucoup de copains qui étaient comme nous, que l’on a connus en faisant nos études notamment, viennent nous voir et je soupçonne qu’ils nous envient, dans un tel cadre de vie", plaide Sascha, garçon solaire et posé, de toute évidence bien dans son univers, dans sa nouvelle vie. Une reconversion guidée par la quête de sens, résolument réussie dans cette terre aveyronnaise qui ne saurait mentir sur ce qu’elle a à offrir à ceux qui savent l’aimer.

Eleveur et... boulanger paysan en circuits courts

Pour assurer son projet à Saint-Salvadou, Sascha Vue a voulu s’appuyer sur deux activités. Elles sont complémentaires, toutes deux sont liées à l’agriculture paysanne comme à la culture bio. Tout d’abord l’élevage d’agneaux, en s’appuyant d’un côté sur la vente directe, de l’autre sur la filière bio Aprovia. 140 agneaux sont ainsi proposés à la vente chaque année, dont une cinquantaine sous forme de colis clients. "Je travaille avec un boucher qui monte de Perpignan pour le compte de plusieurs producteurs aveyronnais, explique Sascha. Il me permet aussi de valoriser auprès de la clientèle une quinzaine de brebis de réforme par an".

Un secteur de 25 ha, un autre de 15 ha pour un total de terres labourables de 30 ha ("qui tournent tous les quatre ans"), permet la culture du blé : 15 tonnes à l’année, destinées à faire du pain après passage sur la meule de pierre. Car Sascha est aussi boulanger-paysan, ce qui lui permet de vendre sa production en circuits courts. Trois jours par semaine de travail au laboratoire, avec du levain naturel et de l’eau puisée dans la source qui court sous la maison, avant une cuisson dans le four à bois à sole tournante acheté d’occasion…

"On avait commencé en faisant les marchés, mais aujourd’hui nous avons suffisamment de débouchés pour notre fabrication de 400 kg de pain hebdomadaires. Un tiers de cette production rejoint la boutique “Saveurs paysannes” à Villefranche-de-Rouergue. On vend sur place les jours de pain, mais nous avons aussi un dépôt dans une épicerie-primeur, de petits dépôts dans quatre ou cinq villages dans un rayon de 10 à 15 kilomètres, gérés par mail auprès de nos clients qui viennent s’y servir".

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