"Pour faire la cuisine, il faut aimer l'autre" : dans les pas de Michel Bras, l'incontournable chef de l'Aubrac

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  • La touchante invitation de Michel Bras à cheminer avec lui
    La touchante invitation de Michel Bras à cheminer avec lui Centre Presse Aveyron - José A. Torres
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    La touchante invitation de Michel Bras à cheminer avec lui Reproduction - Centre Presse Aveyron
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    La touchante invitation de Michel Bras à cheminer avec lui Reproduction - Centre Presse Aveyron
  • Michel Bras, dans sa cuisine,chez lui, à Soulages-Bonneval.
    Michel Bras, dans sa cuisine,chez lui, à Soulages-Bonneval. Centre Presse Aveyron - José A. Torres
Publié le
Philippe Routhe

Le cuisinier de l’Aubrac a publié un ouvrage unique qui revient sur sa vie et ce parcours qui l’a mené au firmament de la gastronomie. Un livre dédié à ses petits-enfants pour "comprendre" Michel Bras.

Quand Michel Bras a décidé de coucher sa vie noir sur blanc, il y a quelques années de cela, il a pensé à ses petits-enfants, Flora, Alban, Émilie et Arthur. "C’est pour eux…", glisse-t-il, comme une évidence. Mais le récit de la vie de celui qui est considéré comme l’un des meilleurs chefs cuisiniers du monde ne peut ressembler à aucun autre. Sur le fond comme sur la forme. Un peu comme lui en somme. Car Michel Bras est bel et bien une personnalité à part.

Un récit intitulé "Cheminement"

Ce récit, il l’a intitulé "Cheminement". Il a fait confiance à l’auteur Corinne Pradier pour retranscrire au mieux ce mélange entre sa vie et ses émotions vagabondes, et à Anne Bullat-Piscaglia et à Guillaume Bullat pour apporter toute la finesse à cet ouvrage qui ressemble à un livre de chevet. Sur la forme comme sur le fond.

La touchante invitation de Michel Bras à cheminer avec lui
La touchante invitation de Michel Bras à cheminer avec lui Reproduction - Centre Presse Aveyron

Pour ses petits-enfants

Car Michel Bras s’est ouvert à eux en balisant le chemin dans lequel il nous invite par sept verbes : écouter, apprendre, aimer, rêver, cuisiner, douter et partager. Tout cela a pris plusieurs années. Et lui a fait exhumer des souvenirs de sa plus tendre enfance à celles du "papi" qui aujourd’hui peut regarder les empreintes qu’il a laissées, en passant par cette incroyable ascension dans l’univers de la gastronomie, le classant parmi les chefs les plus renommés au monde.

"Je me suis fait plaisir"

La couverture de son livre est une carte de l’Aubrac que l’on peut déplier, telle une carte routière. Cette carte relie les villages les uns aux autres, comme une invitation à emprunter les chemins de ce plateau qui ont fait de Michel Bras ce qu’il est aujourd’hui.

"Je me suis fait plaisir ", admet-il en posant délicatement les mains sur ce livre qui renferme sa vie. Or, chez les Bras, "se faire plaisir" signifie "faire plaisir". "Pour faire la cuisine, il faut aimer l’autre ", dit Michel.

La famille, l'Aubrac...

Et, comme un homme à l’écoute de sa voix intérieure, attentif à sa petite étoile qui lui montre le chemin, il s’est laissé guider, sa femme "Gi" à ses côtés. "Avec mon épouse, on ne s’est jamais posé la question de plaire ou déplaire", dit-il. Comme une ligne de vie. Qui repose sur des piliers tels que la famille, l’Aubrac, un goût certain pour l’excellence et la force de la détermination malgré une dose de timidité.

La touchante invitation de Michel Bras à cheminer avec lui
La touchante invitation de Michel Bras à cheminer avec lui Reproduction - Centre Presse Aveyron

Sur cet Aubrac, on ne sait pas s’il s’est écouté où s’il a écouté le plateau. Il s’est, en tout cas, laissé envahir par l’envie de travailler les légumes comme personne d’autre avant lui. Dans les années 1980, en sacro-sainte ère de la côte de bœuf, on l’a pris pour un fou. Aujourd’hui, le gargouillou de légumes est devenu le plat emblématique d’un chef, vénéré par tous les grands cuisiniers du monde.

"Nous avons été guidés, soutenus par une forme de loi..."

Sur cet Aubrac, au milieu de nulle part, il a bâti son restaurant, le Suquet. Et c’est là que les trois étoiles du Michelin se sont mises à scintiller, saluant une cuisine d’exception dans un cadre d’exception. "Nous avons été guidés, soutenus par une forme de foi, un acte de folie", écrit-il à ses petits enfants. Mais ni la renommée du gargouillou, ni ses trois étoiles, aussi éblouissantes soient-elles, n’ont été les phares de sa vie. Elles font juste partie du chemin.

Une "insatiable curiosité"

Feuilleter, avec délectation, les pages de son "Cheminement", c’est comprendre "un engagement au-delà de l’entendement". La mère de Michel, "mémé Bras", disait de son fils : "Michel a hérité d’un palais très sensible et son insatiable curiosité a fait le reste." Ainsi, certains découvriront ce Michel Bras passionné de photos à l’extrême, qui se voyait dans un domaine scientifique, premier à s’être équipé d’un ordinateur Macintosh sur le plateau, etc.

Ce récit de vie, Michel Bras le partage avec un bel album de photos, de son enfance, du plateau de l’Aubrac, bien sûr, de son restaurant. Mais également de ses pays où il a voyagé et où il est allé puiser ses inspirations. Il nous parle aussi de ses enfants, William, l’ingénieur aéronautique que Michel, enfant, a un peu rêvé d’être, et Sébastien, avec lequel il entretient une complicité "gastronomique". Ce livre porte également des témoignages touchants de gens fidèles qui cheminent à ses côtés.

Un jalon de plus posé dans la draille qui serpente en lui

Dans ce livre, qu’il définit également comme un "livre d’espoir", il explique qu’il aurait aimé être jeune cuisinier aujourd’hui, quand il voit cette nouvelle génération porter toute son attention à son environnement et travailler les produits comme il aime le faire. Il y a beaucoup de profondeur dans le récit de Michel Bras, qui se dit façonné et fasciné par cet Aubrac. "Je suis Aubrac", dit-il. En parcourant ces pages, on a l’impression de se balader avec lui sur les chemins, dans les sous-bois, d’avoir une discussion qui frise la philosophie, où il évoque le sens de la vie. "Il ne faut désespérer de rien, la vie finit toujours par percer les pires situations, ayant en chacun de nous cette réserve de félicité qui nous ouvre au devenir, à l’autre."

Un ouvrage  "conçu comme  un documentaire biographique animé de nombreuses photos d’archives  et de documents personnels,  de témoignages,  de propos  et de réflexions".
Un ouvrage "conçu comme un documentaire biographique animé de nombreuses photos d’archives et de documents personnels, de témoignages, de propos et de réflexions". Centre Presse Aveyron - José A. Torres

"Je suis un autodidacte"

Des doutes, Michel et son épouse en ont eu. Ils les ont traversés ensemble. "Je suis un autodidacte. Ce livre est un livre d’espoir. Avec Gi, nous sommes partis de rien. Nous nous sommes construits au quotidien, ouverts au monde, à la culture, à l’économie, aux autres… Notre vie est faite de beaucoup d’échecs."

Et de beaucoup de détermination. Celle qui fait que, à 77 ans, il continue à cheminer, en toute simplicité, toujours attentif aux autres.

Ce livre, "Cheminement", est un jalon de plus posé dans la draille qui serpente en lui et dont il ne sait encore où elle le mènera. Comme une envie de dire à ses petits-enfants et aux autres, "croyez en votre étoile".

"Cheminement", 528 p., coécrit avec Michel Bras, Corinne Pradier, Anne Bullat-Piscaglia, Guillaume Bullat… 89 euros.

À noter que Michel Bras sera en dédicace à la Maison du livre à Rodez, samedi 2 décembre, de 10 heures à 12 h 30.
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