TEMOIGNAGES. Manifestation des agriculteurs : "On ramasse les miettes quand il y en a", la colère du monde agricole se déploie en Aveyron

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  • Elise Fages, 24 ans, a rejoint le mouvement. Elise Fages, 24 ans, a rejoint le mouvement.
    Elise Fages, 24 ans, a rejoint le mouvement. Centre Presse Aveyron - X. B.
  • Mathieu Chassan. Mathieu Chassan.
    Mathieu Chassan. Centre Presse Aveyron - X. B.
  • La colère du monde agricole se déploie sur le viaduc du Viaur.
    La colère du monde agricole se déploie sur le viaduc du Viaur. Centre Presse Aveyron - José A. Torres
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La circulation était bloquée ce mardi 23 janvier, elle pourrait le rester dans les prochains jours alors que les agriculteurs attendent des propositions du gouvernement pour pourvoir, comme le demande à nouveau le président de la FDSEA, "vivre dignement de leur métier"

Ils ont pris possession, depuis hier matin à 10 heures, des quatre voies de la RN88, sur le viaduc du Viaur. Avec pour conséquence un blocage total de la circulation sur un tronçon de quelques kilomètres, obligeant les automobilistes à suivre une déviation mise en place par les forces de l’ordre.

"Etre payés au juste prix"

Malgré une légère inertie, les agriculteurs aveyronnais, à l’appel de la FDSEA, ont donc rejoint ce mouvement qui se développe à travers le pays comme localement à Saint-Flour, Albi et très prochainement sur l’A75. Avec plusieurs mots d’ordre, à commencer par la volonté d’"être payés au juste prix" et de "vivre dignement de leur métier", comme l’explique Laurent Saint-Affre, président de la FDSEA de l’Aveyron.

"Notre métier est le seul dans lequel on nous dit : "Ce que tu as produit, ça vaut tant". Nous voulons vivre dignement de notre métier", s’insurge le syndicaliste. Malgré les saucisses qui grillent dans le barbecue installé sur la RN88, la colère est palpable. Un "ras-le-bol généralisé", résume la secrétaire générale de la FDSEA Marie-Amélie Viargues. Autour notamment de la loi Egalim, qui devait leur permettre de recevoir "un prix juste" pour leur travail… "ce qui ne se produit pas", regrette-t-elle.

"On ramasse les miettes… quand il y en a"

Elle en appelle à "davantage de contrôles" contre ceux qui contournent cette loi, accueillie à l’époque avec bienveillance mais qui déçoit aujourd’hui. Pour son collègue Julien Tranier, co-président des Jeunes agriculteurs, il faudrait "changer les mentalités des industriels et grandes surfaces". "Ce sont eux qui décident des prix, et nous on ramasse les miettes… quand il y en a", résume-t-il. Quant à savoir si ce mouvement va s’ancrer dans la durée, la balle est selon les syndicalistes dans le camp du gouvernement. "On va voir les réactions. Mais une chose est sûre : on est déterminés. À eux de proposer de vraies solutions, et ce ne sont pas des mesurettes qui vont débloquer la situation".

"Un point de départ"

Pour Marie-Amélie Viargues, l’action est "un point de départ". Elle se désole, au même titre que ses collègues, de voir les prix d’achat des productions agricoles baisser alors que le consommateur, lui, n’a vu aucun prix baisser. "Si nous avions le prix de revient demandé, nous ne serions pas là à bloquer une route", reprend Julien Tranier. Si la non-application de la loi Egalim préoccupe les agriculteurs, les raisons de leur colère sont légion : des accords internationaux qui "se soucient peu de la durabilité des systèmes agricoles", la disparition annoncée des aides autour du gazole non-routier, surcharge administrative et grandes inquiétudes sur le renouvellement des générations.

De la faculté du gouvernement à y répondre dépendra l’avenir de ces blocages, qui se généralisent à travers le pays. Sur le viaduc du Viaur, l’occupation durera jusqu’à ce mercredi soir à 22 heures. Pour commencer. "Montrer son mécontentement", c’est ce qui a conduit Élise Fages, 24 ans, à rejoindre ses collègues sur le viaduc du Viaur. "Les prix continuent de grimper dans les magasins, mais nos prix de vente sont les mêmes depuis 20 ans", explique la jeune femme, qui s’installera très prochainement aux confins du Tarn et de l’Aveyron pour y gérer une exploitation de brebis laitières.

"Aujourd’hui, c’est très compliqué de s’installer… J’espère que le mouvement va durer, de notre côté on va tout faire pour en tout cas", affirme l’agricultrice. Pas encore officiellement installée dans son exploitation, Élise Fages est pourtant déjà pessimiste sur ses futures conditions de travail.

"La vie professionnelle passe avant tout le reste"

"S’installer, pourquoi ? Pour galérer ? On travaille tous les jours, toute l’année, avec à la clé des sacrifices sur notre vie personnelle, notre vie familiale", regrette-t-elle. "La vie professionnelle passe avant tout le reste, même si on n’est pas bien rémunéré derrière", affirme la jeune femme.

Pour autant, elle qui s’apprête à travailler pour la filière AOP Roquefort reconnaît sans conteste que dans son secteur, les prix "se maintiennent". Sans pour autant permettre une rémunération satisfaisante. Une situation moins "compliquée" cependant que celle de ses collègues engagés, par exemple, dans la filière viande. "On n’est pas nombreux, il faut s’occuper des bêtes", rappelle Élise Fages qui, aux côtés d’une cinquantaine d’agriculteurs a décidé ce mardi de "sacrifier" une journée de travail pour faire entendre ses revendications.

"J’espère que le mouvement va durer… On va tout faire pour !"

Âgé de 27 ans, Mathieu Chassan est agriculteur à Vezins, dans une exploitation familiale de brebis lait et vaches à viande. Pour lui, cette mobilisation qui prend de l’ampleur est multifactorielle.

"L’aspect administratif, les normes… tout cela demande beaucoup de travail. Des normes, il en faut, mais en France, en comparaison d’autres pays, il y en a beaucoup trop, elles sont trop exigeantes", explique-t-il. Si pour l’heure il n’est pas en charge de ces aspects sur son exploitation, il mesure tout à fait la charge de travail que demande l’administration. Parfois une journée, parfois une demi-journée… Autant de tâches qui éloignent de l’exploitation et contraignent les agriculteurs à "passer du temps ailleurs". Actuellement, ses parents et lui sont en activité sur l’exploitation.

"Ce mouvement pourrait durer un moment"

Une situation "très compliquée" et qui ne permet pas de les rémunérer à la hauteur de leur travail. Autre motif d’indignation pour le jeune homme : la non-application de la loi Egalim, censée garantir aux agriculteurs une rémunération en adéquation avec leurs coûts de production et parfois contournée par industriels et grandes surfaces.

"La loi Egalim, on ne voit pas du tout son efficacité. Les charges augmentent mais les prix restent stables. Pour ce qui est du lait de brebis, nous avons eu une petite augmentation mais au vu du travail et du temps qu’on y passe, ça pourrait être mieux", analyse-t-il.

Avant de reprendre : "Si rien n’est proposé par le gouvernement, ce mouvement pourrait durer un moment. Pour moi, il faudrait bloquer beaucoup plus d’endroits".

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