Anne-Marie Escoffier : "On met de l'ordre"

  • Anne-Marie Escoffier: "On écoute, on dialogue, on concerte et on met en oeuvre".
    Anne-Marie Escoffier: "On écoute, on dialogue, on concerte et on met en oeuvre". José A. Torres/Centre Presse
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Xavier Rousseau

Nommée en juin dernier au sein du gouvernement Ayrault, la sénatrice et conseillère générale aveyronnaise Anne-Marie Escoffier, est devenue à 71 ans, ministre déléguée en charge de la Décentralisation. Elle a participé à l’élaboration du projet de loi de décentralisation et de réforme de l’action publique présenté le 10 avril au conseil des ministres. Rencontre.

Quelles sont les missions qui vous sont attribuées au sein de votre ministère délégué?
Le gouvernement de Jean-Marc Ayrault a voulu qu’on fasse ensemble une organisation cohérente du territoire qui tienne compte aussi bien des services de l’État que des services de collectivités territoriales pour apporter le meilleur service public aux citoyens. L’important, c’est qu’on ait des fonctions complémentaires jamais redondantes, jamais concurrentes entre les unes et les autres. On a beaucoup parlé du fameux mille-feuille administratif où l’on ne savait pas où étaient le rôle de l’État et le rôle des collectivités territoriales. En organisant comme ça le gouvernement, on met de l’ordre. Au sein de mon ministère de tutelle, j’ai en charge la relation avec les collectivités territoriales pour veiller à leur organisation et à ce qu’elles apportent le meilleur service, avec l’État, aux citoyens.

Ces relations se passent-elles bien ?
Individuellement elles sont excellentes. Notre méthode avec le président de la République a toujours été la même : on écoute, on dialogue, on concerte et on met en œuvre. Ce qui fait que la concertation a été à plusieurs niveaux. Le problème, quand nous avons dit "Nous allons réviser cette organisation sur l’ensemble du territoire", tout le monde a été unanimement d’accord : on clarifie, on simplifie, on maîtrise les dépenses. Après, sur la méthode, tout le monde a dit oui. Et une fois qu’on a été amené après avoir entendu les uns et les autres à faire des propositions, là tout d’un coup, les points de vue ont été divergents. C’est vrai que je suis étonnée par la virulence des remarques des uns et des autres. Et en même temps ce que se disent les élus, c’est que s’ils ne se battent pas aujourd'hui, ils n’obtiendront pas. Et donc ils crient haro sur le baudet beaucoup plus fort que dans le fond ils en auraient envie. Et quand on les revoit individuellement, ils disent "Oui oui bien sûr, c’était obligatoire". Le paradoxe le plus lourd qu’il y a dans le dossier qui me concerne, fait que d’une part on a des élus locaux qui nous disent "On veut de la liberté, on veut être responsable", et en même temps quand on leur donne cette liberté, "surtout pas on veut que vous l’État vous décidiez pour nous, et après on appliquera"..

Quelles sont les grandes lignes du projet de loi gouvernemental ?
L’organisation du territoire doit participer au redressement de la France qui passe par la croissance et l’emploi, s’occuper de notre jeunesse et travailler pour l’avenir. On les met en œuvre au travers des collectivités parce qu’il n’y a pas que l’État. Les collectivités territoriales ont investi jusqu'à 75 % de l’investissement publics. Aujourd'hui elles sont descendues à 69 %. L’objectif c’est d’arrêter les grandes stratégies économiques à côté de l’État, en confortant les compétences économiques des Régions et des grandes métropoles. Mais l’économie c’est aussi le territoire rural.
 

Pourtant, on sent les maires ruraux inquiets face à cette réforme...
La peur est née d’une difficulté que nous avons eue au niveau des finances. Ils ont eu peur qu’avec des ressources financières qui se restreignent, ils n’aient plus les moyens d’agir. La Région, chez qui on conforte les compétences économiques, il lui faut des moyens, il lui faut des ressources fiscales. Du coup les Départements se sont dits "Si on ponctionne nos budgets où va-t-on trouver de l’argent". Notre texte de loi va faire la part nouvelle confortée aux Régions et aux métropoles, mais à côté on fait la part confortée des Départements, de la commune et de l’intercommunalité, à travers ce que j’appelle les pôles d’équilibre.

Cette solidarité entre Régions, grandes métropoles et collectivités territoriales sera-t-elle réelle ?
Le texte de loi va mettre en place une conférence territoriale de l’action publique qui se tiendra au niveau régional. C’est un lieu de dialogue, un lieu de négociation entre des élus locaux à qui nous faisons confiance. Il n’y a pas de raison que ceux-ci ne s’entendent pas entre eux, parce qu’il y a un seul objectif, servir le citoyen. Cette nouvelle organisation sera écrite dans un pacte, un document administratif qui va être communicable aux citoyens.

Peut-on parler aujourd'hui d’acte III de la décentralisation ?
En aucun cas ! Ce que nous sommes en train de faire c’est de moderniser le pays et moderniser son action et son mode de fonctionnement. Faire en sorte que du désordre que nous connaissons aujourd’hui, on aille vers quelque chose d’ordonné. Cet ordonnancement passe par le texte que nous prévoyons. On est dans le prolongement, dans la mise en œuvre d’une organisation cohérente. C’est tout.

Quel intérêt un département rural comme l’Aveyron pourra-t-il retirer de cette nouvelle politique de décentralisation ?
J’espère que tous les territoires y trouveront leur intérêt, y compris ce département. Les élus devraient au moins dans le cadre de ce lieu de dialogue essayer de mettre ensemble des politiques un peu plus convergentes, un peu moins offensives les unes par rapport aux autres. Le département de l’Aveyron n’est pas un département rural en tant que tel. Ça ne veut rien dire un département rural, il n’y a plus de départements ruraux purs. Il faut bien voir quand même que le rural sert l’urbain et que l’urbain sert le rural. On est dans des milieux mixtes et ça entraîne de la mixité sociale avec des problématiques sociales, économiques, environnementales qui ne sont plus celles d’hier. Il faut vivre avec son temps. Il faut arrêter de dire que la ruralité c’était comme si c’était une bête préhistorique.

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