A Kaboul au petit matin, la fièvre des combats de perdrix

  • Un combat de perdrix à Kaboul, le 5 juillet 2013
    Un combat de perdrix à Kaboul, le 5 juillet 2013 AFP - Massoud Hossaini
  • Un combat de perdrix à Kaboul, le 5 juillet 2013
    Un combat de perdrix à Kaboul, le 5 juillet 2013 AFP - Massoud Hossaini
  • Un vendeur de perdrix le 5 juillet 2013 dans un parc de Kaboul
    Un vendeur de perdrix le 5 juillet 2013 dans un parc de Kaboul AFP - Massoud Hossaini
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AFP

Des cris, des encouragements, des billets qui passent de main en main: c'est un combat de perdrix, dans un parc de Kaboul. Interdite par les talibans, cette tradition décriée a profité de leur chute pour faire son retour en Afghanistan.

Le soleil vient tout juste de se lever sur Kaboul. Dans une allée bordée de grands arbres d'un parc du nord de la capitale afghane, Mohammad Omar marche avec son fils; il porte une grande cage en osier, recouverte d'un tissu bleu à motifs. A l'intérieur, une perdrix de combat.

"Je l'ai achetée dans le sud de l'Afghanistan, au sud de Kandahar plus précisément", explique cet homme de 24 ans tout en soulevant le voile de la cage, révélant un oiseau d'une trentaine de centimètres, petit bec rouge pointu, gorge blanche et plumage gris cendré, les flancs striés de blanc et noir.

Ce bel oiseau lui a coûté "500 dollars", une somme considérable dans un pays où le revenu annuel moyen par habitant est de 570 dollars.

Alors pour ce prix-là, Mohammad en prend soin, d'autant que le petit animal peut lui rapporter gros: "plusieurs centaines de dollars". "Je gagne, je perds, ça dépend. Mais je passe beaucoup de temps à m'en occuper", dit-il, avant d'ajouter, en plaisantant: "Je l'aime même plus que mon fils!".

Plus loin, des cris s'élèvent d'un attroupement d'une centaine d'hommes: un combat va commencer.

Au milieu d'un petit carré de terre, deux perdrix, maintenues dans leur cage, se font face. Tout autour, des spectateurs surexcités: les uns hurlent des encouragements, gesticulent, d'autres agitent des liasses de billets, commencent à parier.

Un homme asperge d'eau le terrain pour rafraîchir la température de cette arène improvisée et ménager les oiseaux soumis au stress et à une chaleur étouffante.

Les cages sont enfin soulevées, le combat va commencer et... rien, ou presque. Malgré les efforts de leurs "entraîneurs" qui les rabattent constamment l'une vers l'autre, les perdrix s'ignorent superbement. Le premier round s'achève sans prise de bec, les oiseaux regagnent leurs cages.

Rien d'anormal toutefois, explique Hafizullah, un grand homme d'une cinquantaine d'années. "Ce sont de très bons oiseaux. Le combat peut durer de dix minutes à deux heures", dit-il.

Le deuxième round commence sur un rythme plus enlevé. Une des perdrix a saisi l'autre par le cou et tente l'immobiliser, mais son adversaire finit par se dégager. Retour dans les cages.

Les rounds s'enchaînent et les oiseaux, couverts de boue, perdent des plumes, deviennent de plus en plus nerveux et agressifs.

Les paris grimpent au fil de la lutte. "Au début, on était sur des mises à 200 dollars. Mais là on en est à 800 dollars. Le combat va continuer jusqu'à ce que l'un soit épuisé", dit Hafizullah, assurant que les morts d'oiseaux sont exceptionnelles.

Après plus d'une heure, une des perdrix refuse tout combat, le vainqueur est désigné. Les spectateurs envahissent le terrain, les billets changent de mains.

Une scène inconcevable à l'époque des talibans, qui interdisaient ce genre de divertissements, mais que l'on retrouve maintenant dans tout le pays depuis leur chute en 2001.

"Des oiseaux prisés, des combats critiqués"

Pour acheter une perdrix de combat à Kaboul, il faut se rendre au marché aux oiseaux dans la vieille ville, où résonnent les cris de tout genre de volatiles.

L'échoppe de Shokrullah est à peine plus large qu'un placard ou s'entassent les cages. Le vendeur au sourire malicieux est incollable sur le sujet. L'alimentation par exemple, doit être spécialement étudiée pour donner aux oiseaux puissance et endurance.

"On leur donne à manger un pain à base de lentilles, graines, amande, crème, pistache et safran", explique-t-il. Ici, une perdrix se négocie de jusqu'à "plusieurs milliers de dollars". Les oiseaux viennent surtout du Pakistan voisin. "Avant, les oiseaux provenaient de Mazar-i-Sharif, dans le nord de l'Afghanistan. Mais maintenant, les bons combattants se trouvent à Quetta", capitale de la province pakistanaise instable du Baloutchistan.

Mais ces combats d'oiseaux ne sont pas du goût de tous.

"Nous condamnons ce genre de combats", lance Aziz Gul Saqeb, directeur du zoo de Kaboul. "On a essayé de faire ce qu'on pouvait pour que ça s'arrête", avec des campagnes de sensibilisation, dit-il. "Mais les combats d'oiseaux ou de chiens, qu'on voyait surtout à la campagne, sont en train de se banaliser", regrette-t-il.

La perspective de voir ces combats d'oiseaux cesser semble lointaine. D'abord parce les autorités ont d'autres préoccupations dans un pays en proie à des violences quotidiennes, ensuite parce que cette pratique relève d'une tradition profondément ancrée dans la culture afghane.

Source : AFP

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