L'"exode" hollywoodien des acteurs britanniques noirs inquiète Londres

  • L'acteur britannique David Oyelowo, qui incarne un jeune noir militant radical dans le film américain "Le Majordome" sorti en 2013, photographié ici le 22 février 2014 à Pasadena en Californie où il a remporté un prix
    L'acteur britannique David Oyelowo, qui incarne un jeune noir militant radical dans le film américain "Le Majordome" sorti en 2013, photographié ici le 22 février 2014 à Pasadena en Californie où il a remporté un prix Getty/AFP/Archives - Frederick M. Brown
  • L'acteur britannique Chiwetel Ejiofor, l'un des trois artistes noirs primés aux Baftas 2014 le 16 février 2014 à Londres, avec le réalisateur Steve McQueen pour "12 Years a Slave", et le Somalo-Américain Barkhad Abdi pour le meilleur second
    L'acteur britannique Chiwetel Ejiofor, l'un des trois artistes noirs primés aux Baftas 2014 le 16 février 2014 à Londres, avec le réalisateur Steve McQueen pour "12 Years a Slave", et le Somalo-Américain Barkhad Abdi pour le meilleur second AFP/Archives - Carl Court
  • "Il n'y a pas beaucoup de r^^oles de personnages noirs qui font référence" au Royaume Uni, estime l'acteur David Harewood, photographié ici à Los Angeles le 27 janvier 2013 "Il n'y a pas beaucoup de r^^oles de personnages noirs qui font référence" au Royaume Uni, estime l'acteur David Harewood, photographié ici à Los Angeles le 27 janvier 2013
    "Il n'y a pas beaucoup de r^^oles de personnages noirs qui font référence" au Royaume Uni, estime l'acteur David Harewood, photographié ici à Los Angeles le 27 janvier 2013 Getty/AFP/Archives - Frazer Harrison
Publié le
AFP

Chiwetel Ejiofor nommé aux Oscars, David Harewood remarqué dans "Homeland", David Oyelowo dans "Le Majordome": des acteurs britanniques noirs s'exportent avec succès à Hollywood, mais se heurtent à domicile à un manque de rôles, un paradoxe auquel Londres a décidé de s'attaquer.

"C'est à se tordre de rire. On ne peut pas percer le plafond de verre chez nous, mais ici on est des candidats aux Oscars", résume Kwame Kwei-Armah, acteur britannique et auteur de pièces de théâtre installé aux Etats-Unis.

"Toutes les personnes à qui je peux penser (dans le milieu) sont à l'étranger. Bien sûr, la même chose se produit pour les artistes blancs, mais je dirais que ce n'est pas dans les mêmes proportions", ajoute le directeur artistique du théâtre Center Stage de Baltimore, dans une interview récente à The Observer.

La raison de cet "exode"? "Il n'y a pas beaucoup de rôles de personnages noirs qui font référence" au Royaume-Uni, estime l'acteur David Harewood. "On n'écrit tout simplement pas ce genre de rôle" pour eux, ajoute ce Britannique qui joue - avec un parfait accent américain, cela va de soi - le directeur du centre antiterroriste de la CIA dans la série américaine "Homeland".

Le Royaume-Uni a "une approche ghettoïsée des noirs", constate Femi Oguns, qui a ouvert en 2003 à Londres l'Ecole d'art dramatique de l'identité (Idsa) pour promouvoir les jeunes talents noirs. Aux Etats-Unis, grâce notamment au mouvement des droits civiques, "le cinéma permet souvent aux acteurs noirs d'être vus comme des êtres humains, avant que ne soit prise en considération la couleur de leur peau", explique à l'AFP ce jeune Britannique d'origine nigériane. Au Royaume-Uni, "les principales écoles d'acteurs suivent de fait des quotas, avec environ deux étudiants sur 30 issus de groupes ethniques minoritaires", regrette-t-il.

Autres arguments avancés par l'auteur et comique britannique Natalie Haynes pour expliquer le départ des acteurs britanniques noirs: le format plus long des séries télé américaines qui implique un casting plus riche, ou bien le fait que nombre de séries britanniques, comme Downtown Abbey ou Sherlock Holmes, soient ancrées dans le passé, période où il y avait tout simplement peu de Noirs au Royaume-Uni.

- Casting aveugle -

Selon une étude menée par l'organisation Creative Skillset spécialisée dans l'industrie de la création au Royaume-Uni, près de 2.000 personnes d'origine noire et asiatique ont quitté le milieu du cinéma et de la télévision entre 2009 et 2012. Et cela après une amélioration significative entre 2004 et 2006.

La situation inquiète le secrétaire d'Etat à la Culture, Ed Vaizey, qui a convoqué fin janvier une table ronde sur le sujet avec des professionnels.

"Il semble qu'on soit très en retard en la matière par rapport aux Etats-Unis", a-t-il reconnu dans le Sunday Times. "Nous devons nous assurer que le Royaume-Uni reflète la diversité de sa population. Certains de nos acteurs, comme Idris Elba et David Harewood, ont dû aller aux Etats-Unis pour avoir de meilleures carrières."

"Nous devons faire plus pour nous assurer que davantage de personnes issues des minorités ethniques soient mieux représentées devant et derrière l'écran", a reconnu à l'AFP la BBC, qui participait à la réunion. "C'est un processus en cours mais nous faisons des progrès", a assuré le groupe.

Le secrétaire d'Etat propose de recourir davantage au casting "aveugle", c'est-à-dire des castings où la couleur de l'acteur recherché n'est pas précisée. Comme ce fut le cas récemment pour Adelayo Adedayo, une Britannique d'origine nigériane passée par Idsa et qui a décroché le rôle titre dans la série "Some Girls" sur BBC3.

D'autres réunions sont prévues dans les six mois pour avancer sur ce dossier sensible, selon le ministère.

Entre-temps, les lignes sont peut-être en train de bouger petit à petit. Aux Baftas 2014, les récompenses du cinéma britannique, trois artistes noirs ont été primés: le réalisateur britannique Steve McQueen dans la catégorie meilleur film pour "12 Years a Slave", le Britannique Chiwetel Ejiofor dans la catégorie meilleur acteur et le Somalo-Américain Barkhad Abdi dans celle du meilleur second rôle masculin. Pour le Times, "les Baftas ont changé de couleur cette année, une évolution qui était attendue depuis longue date".

Source : AFP

Voir les commentaires
Réagir
Vous avez droit à 3 commentaires par jour. Pour contribuer en illimité, abonnez vous. S'abonner

Souhaitez-vous recevoir une notification lors de la réponse d’un(e) internaute à votre commentaire ?