Danièle et René Sirven ont accompagné un condamné à mort

  • Daniele et René Sirven.
    Daniele et René Sirven. Joëll Born
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Joël Born

Témoignage.  Dans leur livre La souffrance et la grâce, un couple de Montpelliérains, en visite à Rodez où leur fils est médecin, témoigne des dix années passées aux côtés d’un Texan, exécuté en avril 2013. Rencontre.

Alors que le débat sur la peine de mort vient d’être relancé aux États-Unis, par la récente (et choquante) agonie du condamné à mort Clayton Lockett (plusieurs médias américains demandent la levée du secret autour des exécutions), la rencontre organisée, hier à la Maison du livre de Rodez, a pris une autre signification. Une autre résonance. Venus parler de leur livre La Souffrance et la grâce (1), Danièle et René Sirven, un couple de Montpelliérains, dont le fils est médecin à Rodez, ont témoigné, avec une grande dignité, de leur émouvant et peu banal parcours dans l’accompagnement d’un condamné à mort américain, jusqu’à son exécution en avril 2013.

Au départ cela devrait être un simple échange épistolaire. Une visite à leur fils aux USA a permis une rencontre. Jusqu’à ce qu’ils deviennent les parents adoptifs de ce condamné. Danièle et René Sirven -maître de conférences en psychosomatique, il intervient encore à la faculté de médecine de Montpellier- ont œuvré dans plusieurs associations venant en aide à des personnes en difficulté. Et c’est après avoir fait connaissance des représentants de Lutte pour la justice en Languedoc-Roussillon qu’a débuté leur éprouvante aventure américaine, aux côtés de Rickey Lynn Levis.

19 ans de couloir de la mort et 14 minutes d’agonie

En 2003, Rickey Lynn avait 41 ans. Il est mort, au printemps 2013, après avoir passé 23 ans en prison, dont 19ans dans les sinistres couloirs de la mort. Issu d’une famille de malfrats, intellectuellement limité, il fut condamné à mort, à la suite d’un cambriolage au cours duquel un homme fut tué et sa femme violée. Les cambrioleurs étaient plusieurs. Rickey fut le seul arrêté. S’il a reconnu le viol, il a toujours nié le meurtre et "l’enquête d’État a prouvé qu’il ne pouvait pas être le tireur. Pour Danièle et René, il n’est évidemment pas question d’inverser les rôles. "Nos pensées vont d’abord vers les victimes. Après, cela devient une question sociétale."

"Conditions épouvantables"

 Au Texas, l’État le plus répressif, où "l’on exécute même s’il y a des doutes", le couple a découvert un lieu d’enfermement sordide, où 2700 prisonniers, dont 450 condamnés à mort, étaient entassés "dans des conditions épouvantables", surveillés par 950 gardiens. Danièle et René Sirven étaient déjà philosophiquement contre la peine de mort. Ces dix années n’ont fait que renforcer leurs convictions. "J’ai vu un homme se métamorphoser, une transformation intérieure, raconte René. Au départ, c’était un illettré. Il est rentré dans une autre dimension, avec une spiritualité bien supérieure à la nôtre. Je suis convaincu qu’on ne peut pas réduire la vie d’un homme à ce qu’il a fait un jour. D’autant plus quand on a assisté à la mise à mort. C’est l’horreur absolue avec la douleur insupportable infligée. Pendant 14 minutes, il a agonisé." 

"La peine de mort, il faut la voir. Quand on l’a vue, on dit: “pas ça, non !” ajoute Danièle. Ce qui nous rend humain, c’est de nous empêcher de tuer." Cette douloureuse histoire, cette terrible expérience, Danièle et René Sirven n’ont pas voulu la garder pour eux. Ils ont voulu la traduire par des mots. Même s’il est parfois difficile de les trouver.

(1) La souffrance et la grâce: Récit d’une exécution. 15€. Éditions Albin Michel. 
Trente-deux des cinquante États américains appliquent encore la peine de mort.

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